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Interview
Hauts de France

Guillaume Delbar, vice-président délégué à l'innovation sociale

Publié le 28 octobre 2016 - Mise à jour le 30 juillet 2020
Rencontre avec Guillaume Delbar, vice-président délégué à la rénovation urbaine, au logement, à l’innovation numérique et sociale d'une Région aux frontières nouvelles. Son ambition ? Identifier et aider des modèles innovants à essaimer et donner la possibilité aux territoires d'être moteurs dans le développement de l'innovation sociale.

Maire de la Ville de Roubaix depuis 2014, vous êtes également vice-président délégué à la rénovation urbaine, au logement, à l’innovation numérique et sociale de la Région Hauts de France depuis décembre 2015. Pourquoi cette délégation ?

J'ai travaillé pendant 15 ans dans le secteur privé avec pour mission d'intégrer le numérique et l'usage d'internet dans les entreprises. Je suis engagé dans la vie politique seulement depuis 2014 avec mon élection à la Mairie de Roubaix.

A la Région, je fais partie des politiques nouvelles avec une délégation dont le sens est de faire le lien entre la rénovation urbaine et l'innovation numérique et sociale. La conseillère régionale Faustine Maliar, qui m'est rattachée, est déléguée à l'ESS. Porter l'innovation sociale est un vrai combat. Il s'agit de faire se rencontrer l'innovation technologique et l'innovation sociale, c’est-à-dire que le développement des nouvelles technologies soit un moyen de répondre aux besoins actuellement non satisfaits des citoyens, souvient liés à la question des "nouveaux usages". Les deux sont intimement liées. L'enjeu est de pouvoir développer la réserve d'emplois que l'innovation sociale représente à l'échelle de notre grande Région, qui compte six millions d'habitants. Plus qu'un pays comme le Danemark !

Pour construire une politique contribuant à nos objectifs de campagne - l'emploi et le développement économique -, je me suis rendu dans différents territoires pour dénicher des acteurs de l'ESS qui pourraient essaimer partout en Région. L'ESS représente plus de 13% des emplois privés en Région, des emplois non délocalisables, qui représentent un vivier pour les quartiers prioritaires. Nous voulons mettre les acteurs en réseau et avons organisé 4 tables rondes avec des chefs d'entreprises, des réseaux, associations et en dernier lieu les financeurs. Je suis très optimiste car non seulement les acteurs sont nombreux en région mais les financeurs sont unanimes: l'argent n'est pas le problème, il existe, mais le nombre de projets "sourcés" est encore insuffisant.

Comment accompagner le développement de l'innovation sociale sur le territoire ?

En Picardie, le tissu est très intéressant avec l'Institut Godin, une grande force pour le territoire. Il faut continuer ce qui a été amorcé et capitaliser sur la nouvelle politique. Nous devons comparer deux territoires, deux politiques, trouver les atouts de chacun.

Le travail est d'identifier des modèles nouveaux et de les aider à essaimer. A l'image de Work&Co, espace de coworking associé à un restaurant et à une crèche à Dunkerque ou de l'entreprise sociale D.E.F.I.T.H 60 à Creil qui recycle des cartouches d'imprimantes selon un procédé innovant. Nous avons identifié des structures qui ont des modèles déjà stabilisées et qui créent de l'emploi. L'enjeu est de passer de modèles très subventionnés à des structures, certes aidées, mais avec des modèles économiques éprouvés. Nous évoluons dans un contexte d'argent public rare.

Nous souhaitons ouvrir le champ sur la commande publique et donner la possibilité aux territoires d'être moteurs et de développer ces initiatives. Xavier Bertrand a d'ailleurs missionné en septembre dernier Sébastien Leprêtre (conseiller régional et Maire de La Madeleine) afin d'évaluer et de faire des propositions sur la commande publique régionale : comment peut-elle faire davantage levier auprès de l'écosystème régional et en premier lieu les acteurs de l'ESS.

Vous êtes vice-président d’une région aux nouvelles frontières. Comment s’organise l’élaboration des nouveaux dispositifs ?

Nous voulons travailler dans une logique d'écosystème, pouvoir jouer les facilitateurs et les connecteurs entre les acteurs. Plus on multiplie les dispositifs, plus c'est compliqué pour les porteurs de projets. Nous souhaitons aussi organiser des évènements, selon le principe du speed dating, pour mettre les financeurs autour d'une même table et leur permettre d'échanger sur les projets. L'enjeu est de simplifier pour plus d'efficacité.

Actuellement, nous travaillons à la coproduction de nouveaux dispositifs avec les acteurs en région et souhaitons garder les dispositifs qui ont prouvé leur efficacité.

La Région Haut de France a lancé un appel à manifestation d’intérêt sur l'innovation sociale en juillet. Qu’attendez-vous de ce dispositif ?

Afin de faire émerger et valoriser les initiatives existantes en Région, j'ai souhaité lancer un Appel à manifestation d'intérêt "Innovation sociale". Cela doit nous permettre de s'orienter vers un guichet unique pour les porteurs de projets socialement innovants, d'où qu'ils proviennent.

Si la palette d'outils de financement me semble satisfaisante, j'ai néanmoins souhaité mettre en place en lien avec la BPI un FISO (fonds d'innovation sociale), qui, doté de 3 M€, permettra d'accompagner les projets sous formes d'avances remboursables ou de prêts à taux zéro.

En complément, j'ai impulsé un nouveau dispositif "Ins'PIR" pour "Innovation Numérique et Sociale - programme d'initiative régionale". La logique est double; multiplier en Région l'organisation d'évenements créatifs afin de mixer les publics, là où naissent les innovations, et favoriser - via l'octroi d'une petite bourse (jusque 5 000€) - le passage de l'idée géniale à la création d'entreprise performante et donc accompagner la création d'emplois nouveaux.

La conférence régionale de l’ESS est prévue le 18 novembre. Pouvez-vous revenir sur le déroulement du processus de concertation qui permettra d'élaborer le volet ESS du schéma régional de développement économique ?

J’estime que le processus d’élaboration a commencé dès mes premiers rendez-vous avec les acteurs en région. Nous n'avons cessé d'y répéter que notre vocation est de construire la politique avec les têtes de réseaux et les acteurs locaux et non pas dans une démarche à l’ancienne, du haut vers le bas. Je suis ravi de la manière dont nous travaillons avec la CRESS et nous avons vocation à travailler de manière régulière avec les acteurs et les territoires. La méthode est de se mobiliser collectivement à travers un objectif de développement commun.

Nous voulons mettre l'ESS partout et être capable de dire combien d’emplois seront créés ou pérennisés dans ce secteur. Il faudra bien sûr veiller à la pérennisation de ceux-ci à l'exemple de ce que fait le groupe Vitamine T, une "pépite" de l'ESS qui doit permettre d'incuber des projets dans leur phase d'émergence.

Nous avons la volonté d'étendre certaines dynamiques à l'échelle de la Région et d’avoir le leadership dans plusieurs domaines. La Région a été la première à lancer un masterplan "Troisième révolution industrielle" et l'ESS a une belle carte à y jouer. Nous lançons cette année une démarche sur l'expérimentation "Territoires Zéro Chômeur" avec l'Etat. Dans le domaine de la lutte contre le gaspillage et l'économie circulaire, nous avons vocation à étendre la dynamique influée par la Ville de Roubaix sur le Zéro Déchet. Pour y parvenir, il faut mettre les acteurs en réseau et réfléchir en écosystème, organiser la diffusion des bonnes pratiques, adopter des dispositifs simples et lisibles. C'est ainsi que nous remporterons collectivement la bataille de l'emploi. 

Propos recueillis par Pauline Bian-Gazeau

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