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Interview
Région Normandie

Lynda Lahalle, Conseillère régionale déléguée à l’ESS

Publié le 25 juillet 2016 - Mise à jour le 30 juillet 2020
Directrice de la Mutualité Française Normandie depuis 2010, Lynda Lahalle est également Conseillère régionale déléguée à l’Economie sociale et solidaire (ESS) de la Région Normandie depuis décembre 2015. Son ambition : dépasser les clivages politiques pour donner à l’ESS une place significative dans la politique régionale et dans le développement économique.
Lynda Lahalle, Conseillère régionale déléguée à l'ESS en Normandie

Qu’est-ce qui a motivé votre engagement dans la vie politique régionale et comment cette délégation ESS vous a-t-elle été attribuée ?

Je suis une ancienne directrice de cabinet de la communauté d’agglomération de Caen la mer sous la mandature de Luc Duncombe, président centriste. Quand je suis entrée à la Mutualité Française Normandie, j’ai découvert cet univers passionnant de l’économie sociale et solidaire. J’ai beaucoup appris de l’ESS mais j’ai aussi apporté un autre regard dans l’approche des dossiers et du lobbying. Mon profil est assez atypique pour la Mutualité !

Haut-Normande d’origine et Bas-Normandie d’adoption, j’ai adhéré très tôt à l’association pour la réunification de la Normandie présidée par Hervé Morin aux côtés de Philippe Augier, le maire de Deauville et de Jean-Léonce Dupont, Vice-président puis questeur du Sénat qui sont des références dans mon parcours politique. Pour moi, l’engagement régional s’est donc imposé naturellement dans le contexte de la réforme territoriale et de la création de la Région Normandie. Les valeurs centristes sont proches de celles portées par la Mutualité (l’humanisme, le progrès social, l’accès aux soins...) et j’ai la chance de pouvoir concilier activité professionnelle et engagement politique dans un état d’esprit d’ouverture. L’ESS, ce secteur qui me tient à cœur, doit transcender les clivages politiques car pour être efficace, il faut l’appui de l’ensemble des élus.

Pendant la campagne, j’ai contribué à l’élaboration du programme concernant l’ESS. Hervé Morin connaissant à la fois ma passion, mes compétences et mon engagement dans ce domaine m’a proposé le poste de conseillère régionale déléguée à l’ESS.   

Pourquoi la délégation ESS n'a-t-ele pas été confiée à une vice-présidence ?

Le nombre de vice-présidences est limité. Et si je ne suis pas vice-présidente, c’est tout comme. Je considère que j’ai les mêmes attributions en tant que conseillère régionale déléguée. Je suis également vice-présidente de la commission développement économique.

Comment abordez-vous votre rôle et vos responsabilités régionales ?

L’ESS est un secteur qui doit transcender les clivages politiques pour obtenir la place qu’il mérite dans le développement économique régional. Cela nécessite de donner la parole aux acteurs concernés afin de coconstruire la politique régionale dédiée. Acteur identifié de par la Loi relative à l’ESS, la CRESS se situe au centre de l’écosystème régional et est notre interlocuteur privilégié.

En tant que Conseillère régionale déléguée à l’ESS, j’aurai à faire de la pédagogie pour donner une image positive de l’ESS auprès de ceux qui l’assimilent encore trop facilement à « l’association perfusée aux subventions publiques ». 

Fédérateur et catalyseur sont des termes qui qualifient bien l’état d’esprit dans lequel j’aborde mes missions. Pour que la dynamique s’inscrive dans le bon processus, il n’y a souvent qu’à créer du lien. Nous organiserons chaque année une conférence régionale de l’ESS et des temps d’échanges réguliers que nous souhaitons ouverts aux chambres consulaires et acteurs de l’économie « classique » afin de favoriser l’émergence de projets et la coopération sur le territoire normand.

Envisagez-vous votre action dans la continuité ou en rupture avec celle de vos deux prédécesseurs dont la couleur politique était différente ?

Il n’y a ni continuité ni rupture avec les anciennes mandatures puisque notre politique concerne un nouveau périmètre. Il y a cependant des dispositifs que l’on gardera et d’autres que l’on réformera.

Nous devons être moteurs sur nos territoires. Il ne faut pas casser ce qui est bien juste parce que la personne n’est pas de la même couleur politique. C’est ma manière d’agir en politique.

Quelles sont les spécificités de l’ESS dans votre Région ? A quels besoins les structures du secteur viennent-elles répondre ?

La Normandie compte près 11 000 établissements employeurs évoluant dans le champ de l’ESS, ce qui représente 11% de l’emploi salarié régional.

Le profil d’activité de l’ESS normande est semblable à celui de la France métropolitaine, avec une même orientation sectorielle très spécifique. L’ESS s’est en effet initialement développée dans les domaines où la réponse publique et l’initiative privée ne permettaient pas de répondre totalement aux besoins sociaux des populations locales. 4 emplois sur 10 se situent dans l’action sociale.

Il me semble important de rappeler que l’ESS est transversale et ne représente pas un champ d’activité. C’est pourquoi, par exemple, nous n’avons pas organisé d’atelier spécifique à l’ESS pour le SRDEII car elle est partout !

Quelle est votre ambition pour ce mandat ?

Nous sommes dans une année de transition au cours de laquelle nous reconstruisons tout sur un nouveau périmètre régional. Nous analysons et évaluons les dispositifs existants dans les deux ex-régions afin de mettre en place des réponses simples et efficaces aux besoins des différents acteurs de l’économie régionale.

Nous sommes dans une phase de coconstruction.Il sera indispensable de prévoir des articulations entre l’ESS et les agences en charge du développement économique et de l’attractivité. Si le service ESS de la région est positionné au sein de la direction de l’économie, recherche, enseignement supérieur et innovation, l’ESS est transversale et toutes les compétences régionales sont concernées.

Enfin, pour favoriser le développement de l’ESS sur le territoire, plusieurs leviers d’actions existent : la contractualisation avec les collectivités locales, le développement des achats socialement responsables, l’appui à la structuration des réseaux de l’ESS, le portage d’actions de sensibilisation à l’ESS, l’accompagnement de l’innovation sociale et la stimulation de la coopération économique.

Quels sont les premiers projets sur la table ? 

Nous sommes en réorganisation interne au lendemain de la fusion et, même si l’identité normande et la « Normandie » vont de soi, ce processus prend du temps. C’est la première étape. 

Lors de la Conférence régionale de l’ESS, le Président de Région a annoncé la création d’une monnaie régionale unique à bâtir avec les monnaies locales qui existent déjà : L’agnel à Rouen, le Grain au Havre ou en projet,  la Normaille à Caen. L’objectif est de fédérer et créer un phénomène d’identification, un sentiment d’appartenance collectif et de favoriser l’économie de proximité et les circuits-courts. Nous prévoyons une mise en circulation en 2018.

Des orientations sont déjà ressorties de la Conférence régionale de l’ESS : continuer à promouvoir l’ESS auprès des jeunes, les attirer dans des processus de création et poursuivre les actions de sensibilisation notamment à l’occasion du Mois de l’ESS.

Concernant le soutien à la création et à la reprise d’entreprises de l’ESS, la Région entend n’avoir qu’un interlocuteur : la Chambre régionale de l’ESS (CRESS) et non plus entre quarante et cinquante associations différentes subventionnées. Nous contractualisons avec la CRESS au même titre que les autres chambres consulaires : la CCI, la chambre des métiers et la chambre d’agriculture. Il reviendra donc à la CRESS de faire en sorte que tous les champs soient couverts et qu’il n’y ait pas de « trou dans la raquette ».

Le Schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) doit être adopté d'ici fin décembre 2016. Où en est le processus de concertation ?

Le CESER a été saisi pour réaliser une analyse des dispositifs et des politiques menées, le rendu est prévu à l’automne 2016. La CRESS organise un séminaire interne début septembre afin d’élaborer une contribution pour alimenter la construction du SRDEII et SRESRI - le schéma d’enseignement supérieur. Une plateforme dédiée, hébergée au sein de la nouvelle agence de développement de la Normandie (AD Normandie) a été ouverte afin de permettre à tous les acteurs qui le souhaitent de participer à l’élaboration du SRDEII.. Nous devrions avoir les propositions d’adoption des schémas en novembre pour un vote fin novembre ou en décembre.

Propos recueillis par Pauline Bian-Gazeau

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