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Décryptage
Allemagne

Un foisonnement d’initiatives malgré la faible structuration du secteur de l'ESS

Publié le 27 octobre 2014 - Mise à jour le 21 avril 2021
En Allemagne, le secteur de l'économie sociale et solidaire n'est pas identifié en tant que tel. Cela n'empêche pas les acteurs, qu'ils soient entrepreneurs ou citoyens, de mener à bien de nombreux projets dans les territoires.

En Allemagne, il n'existe pas de secteur de l'économie sociale et solidaire en tant que tel. "Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'acteurs dans ce domaine. En revanche, ceux-ci ne sont pas reliés les uns avec les autres et ne relèvent pas d'un secteur clairement défini" précise Denis Stokkink, président du think tank européen Pour la Solidarité qui a réalisé une étude comparative entre la France et l'Allemagne sur l'économie sociale et le tiers secteur.

Cette originalité vient de la vision qu'a le pays de l'économie. Une vision qui allie l'économie de marché et la notion de justice sociale, qui permet de répondre aux besoins sociaux des individus. Le modèle d'assistance sociale y est largement étendu, avec des grandes organisations d'aide sociale, indépendantes de l'Etat mais recevant des aides financières substantielles. "Il reste donc peu de place pour les entreprises sociales ; comme le système est très régulé, les entreprises sociales essaient de trouver des niches, des besoins non couverts par les grandes organisations," explique Stephanie Breauer, chercheur à l'Institute of Political Science.

Autre particularité du système allemand : les entreprises de ce domaine ne disposent pas de statut particulier, à l'exception des coopératives, qui bénéficient d'une loi datant de 1889, modifiée en 2006 pour leur permettre d'étendre leurs activités aux intérêts socioculturels. Les autres acteurs de l'ESS se développent sous différents statuts : fondations, associations déclarées, clubs à finalité sociale, organismes d'aide sociale non étatiques, ou encore sociétés à responsabilité limitée à but non lucratif, etc. 

Au total, on recense quatorze types d'organisations différentes appartenant à ce "tiers secteur". 104 855 organisations sont présentes sur le territoire allemand, qui représentent quelque 2,2 millions d'emplois, soit 10,8% du total des emplois. Parmi les secteurs d'activité investis par ces organisations : l'éducation et la santé, l'aide sociale, et la recherche et le développement. En revanche, peu d'organisations investissent le domaine des finances. "L'emploi au sein des structures du tiers secteur pénètre toutes les sphères économiques en France, alors qu'il semble être réduit à compléter les devoirs et responsabilités de l'Etat en Allemagne," signale l'étude de Pour la solidarité.

 

Un foisonnement d'initiatives

Mais, malgré ces conditions un peu particulières, les initiatives ne manquent pas. En matière logement, de nombreux projets sont ainsi menés, comme à Tübingen. Dans cette ville, des groupes d'habitants, "Baugruppen", assistés par la ville, se sont mis en place pour mener à bien un projet de construction sans avoir besoin de passer par un promoteur immobilier. La démarche permet de réduire les coûts, puisqu'il y a moins d'intermédiaires. Des initiatives citoyennes sont également mises en oeuvre en matière de transition énergétique, pour développer des réseaux de chaleur ou  devenir distributeur d'énergie à l'échelle locale, souvent en s'associant avec une régie municipale existante. "Il s'agit là d'une tendance de fond qui pourrait à terme restructurer le marché de l'électricité allemand, jusque-là dominé par les quatre grands électriciens (RWE, E.ON, EnBW, Vattenfall)," précise l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). En témoigne le boom de création qu'ont subi les coopératives de l'énergie : de 75 en 2006, elles sont passées à 754 depuis 2008. Et ces chiffres ne tiennent pas compte des initiatives locales et citoyennes créées sous d'autres formes.

Parallèlement à ces initiatives, le gouvernement s'intéresse de plus en plus au concept d'innovation sociale. Et s'il n'existe pas de concensus sur le plan politique sur le rôle que devraient jouer les entrepreneurs sociaux en matière de développement social en Allemagne, comme l'explique Stephanie Breauer, il y a toutefois une prise de conscience de l'intérêt de ces démarches. "Il y a deux ans encore, il n'y avait pas un fort intérêt, cela change," assure ainsi Prof. Dr. Peter Russo, directeur et fondateur de l'Institute for transformation in business and society (INTI).

Emilie Zapalski

 

Pour aller plus loin 

Contacts

Pour la Solidarité
Denis Stokkink, président
Tél. : 00 32 2 535 06 85, courriel : denis.stokkink@pourlasolidarite.eu

Institute of Political Science
Stephanie Braeuer, chercheur
Tél. : 00 49 251 83 24912, courriel : braeuer@uni-muenster.de

EBS Business School
Institute for Transformation in Business and Society (INIT)
Prof. Dr. Peter Russo, directeur et fondateur de l'INIT
Tél. : 00 49 611 7102 1455, courriel : peter.russo@ebs.edu

Publications

Soutien à l'innovation sociale en Allemagne, Avise, juin 2014
Projets citoyens pour la production d’énergie renouvelable, IDDRI, janvier 2014
Innovation sociale en Europe, Avise, septembre 2012 
L'économie sociale et le tiers secteur en Allemagne et en France, Pour la Solidarité, mars 2012

 

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