Renforcer l’innovation sociale dans les territoires urbains

Publié le 16 mai 2023 - Mise à jour le 25 septembre 2023
Les métropoles, les grandes villes et les communautés d’agglomération exercent leurs compétences en matière de développement et d’aménagement économique social et culture. Elles peuvent jouer un rôle structurant de chef de file pour fédérer les acteurs publics et privés autour d’un projet de territoire partagé. Et ce afin de développer l’économie sociale et solidaire (ESS) et l’innovation sociale.

Quels cadres d’action pour des dynamiques urbaines favorables à l’ESS et à l’innovation sociale ?

De nombreuses collectivités n’ont pas attendu la loi du 31 juillet 2014 pour mettre en place des politiques de soutien à l’ESS. Mais cette loi a contribué à faire reconnaître l’ESS comme « mode d’entreprendre » et à créer de nouvelles modalités d’action pour les acteurs publics : obligation d’adopter une stratégie régionale sur l’ESS, possibilité d’entrer au capital de sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) à hauteur de 50 %...

 

Les métropoles, les agglomérations et les grandes villes peuvent jouer un rôle structurant de chef de file pour développer l’ESS. Ce rôle est parfois confirmé via l’inscription de l’ESS et de l’innovation au sein d’un document-cadre qui pose les ambitions et les objectifs d’un projet de territoire partagé. En fédérant les acteurs publics et privés autour de ce projet de territoire, en animant les dynamiques locales et en mobilisant leurs ressources, ces territoires urbains participent à la mise en place d’une gouvernance territoriale de l’ESS. Cette dernière s’incarne parfois par la mise en œuvre d’instances dédiées (conseils de l’ESS, soutien à l’émergence de réseaux territoriaux…).

 

La mise en réseau des acteurs (collectivités, entreprises et associations, universitaires, citoyens…) est une condition sine qua none pour une dynamique locale favorable aux synergies et aux coopérations pour renforcer l’impact social des structures de l’ESS. Elle peut se concrétiser de différentes façons : organisation d’événements de sensibilisation, rassemblement autour d’une thématique liée à l’innovation sociale, rencontres professionnelles dédiées à l’ESS et aux coopérations, soutien aux monnaies locales complémentaires…

 

L’organisation des services de la collectivité et le cadre de l’action publique qu’elle pose pour l’ESS sont des facteurs déterminants pour encourager le développement de l’ESS sur un territoire. Voici quelques bonnes pratiques et axes d’intervention :

 

  • coconstruire l’action publique avec les acteurs de l’ESS via des démarches de concertation, des instances dédiées. Le Conseil de l’ESS à Strasbourg, le collectif territorial de l’ESS de la communauté d’agglomération du Pays de Grasse, le comité métropolitain de l’ESS de la Métropole européenne de Lille… l’ont expérimenté ;
  • améliorer la transversalité de l’ESS au sein des services. Cela passe par le dialogue et les rapprochements autour des sujets d’innovation sociale entre les agents des différentes directions : développement économique, économie circulaire, formation, emploi et insertion… Et aussi par le fait de faire apparaître le terme « ESS » et « innovation sociale » dans les délégations des élu.es en charge de ces sujets…
  • donner de la visibilité à l’ESS dans la communication institutionnelle. Plusieurs actions sont possibles comme la valorisation les projets du territoire, la publication des actualités (appels à projets, événements…), la réalisation d’outils dédiés (plaquettes, vidéos de projets, interviews…) ;
  • améliorer le maillage et l’articulation des politiques publiques entre les collectivités et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et favoriser les coopérations entre territoires voisins ;
  • évaluer sa politique publique de l’ESS. Et ce afin de rendre compte de l’impact de l’ESS au-delà des retombées économiques pour le territoire, de sensibiliser et mobiliser au sein de la collectivité, communiquer auprès des citoyens et d’orienter son action publique pour mieux répondre aux besoins des structures de l’ESS.

Le RTES, un réseau territorial pour renforcer l’ESS

Le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES) compte 190 collectivités adhérentes de tout échelon (métropoles, régions, départements, communes, pays…). Il a pour objectif de renforcer la place de l’ESS dans les politiques publiques et d’accompagner les collectivités dans leurs stratégies et actions de soutien à l’ESS. Le RTES développe donc des outils et des formations et encourage les échanges de pratiques entre les collectivités territoriales.

 

Cinq leviers d’action des territoires urbains pour soutenir l’innovation sociale

Pour améliorer la qualité des dispositifs d’aide à l’ESS, l’entrepreneuriat social et l’innovation sociale, les territoires urbains peuvent soutenir les têtes de réseau et structures spécialisées sur cette ingénierie : chambres régionales de l’ESS, incubateurs et accélérateurs de l’ESS, dispositif local d’accompagnement de l’ESS, Fabriques à initiatives, réseaux de l’insertion par l’activité économique…

 

Ce soutien peut notamment se concrétiser par :

 

  • le financement direct de ces acteurs et dispositifs ; 
  • la création d’un parcours d’accompagnement intégré au territoire ; 

  • la mise en visibilité des offres d’accompagnement et de financement disponibles (cartographies, services d’orientation des porteurs de projet, communication, prix concours…) ;  

  • l’incitation à créer/développer un dispositif manquant sur le territoire (incubateur, pépinière, accélérateur, générateur de projets...).

Dans le respect du cadre national et de la législation de l’Union européenne, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent attribuer des aides directes aux structures de l’ESS, notamment via :

 

  • les subventions ;  

  • l’organisation d’appels à projet ou de prix ouverts, voire réservés, aux projets d’ESS ; 

  • un appui technique des services de la collectivité (accompagnement administratif des porteurs de projet, mise en œuvre de conventions pluriannuelles…) ;  

  • le soutien à la création d’un outil de financement dédié, comme une fondation territoriale par exemple.

La capacité des acteurs à coopérer est de plus en plus identifiée comme un facteur déterminant de développement et de résilience d’un territoire. Pour développer une véritable économie de proximité, durable et créatrice d’emplois locaux non délocalisables, les territoires urbains sont des terrains privilégiés pour renforcer les coopérations économiques au service du développement local.
Les modalités de soutien aux coopérations territoriales peuvent prendre de nombreuses formes, par exemple : 

 

  • soutenir les réseaux qui encouragent le décloisonnement entre acteurs d’un même territoire via des temps d’interconnaissance et de réseautage, la mutualisation et les logiques de partenariats ; 
  • soutenir l’émergence et la consolidation des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) ;  

  • appuyer la création de sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) ou devenir sociétaires (40 % des coopératives d’intérêt collectif (CIC) ont au moins une collectivité à leur capital, selon le rapport d’activité 2020 de la Confédération générale des sociétés coopératives et participatives (CGSCOP).

Pour les acteurs de l’ESS, les collectivités urbaines sont des partenaires importants pour faciliter l’accès à des locaux correspondant à leurs besoins et leurs moyens. A fortiori dans un contexte de montée des prix du foncier dans ces zones. Leurs leviers d’action peuvent être directement liés à leurs compétences en matière de gestion des zones d’activité, d’aide à l’immobilier d’entreprise ou encore grâce aux outils de planification comme le plan local d’urbanisme (PLU) ou le schéma de cohérence territoriale (SCOT). Les collectivités peuvent  :

 

  • accompagner les structures de l’ESS dans la recherche de locaux ;  

  • mettre à disposition gratuitement de locaux ou à des loyers modérés ;  

  • porter et financer des lieux mutualisés ;  

  • coopérer et soutenir les foncières solidaires ; 

  • mettre en lien les opérateurs publics et privés de l’immobilier avec les entreprises de l’ESS.

Le plan national d’action pour des achats publics durables 2020-2025 a fixé des objectifs précis. En effet, d’ici à 2025, 30 % des marchés devront inclure au moins une considération sociale et tous les marchés devront intégrer au moins une considération environnementale. De même, la loi Climat et résilience de 20211 a rendu obligatoire l’intégration des clauses sociales et environnementales dans les marchés de travaux, services ou fournitures. En outre, les collectivités locales dont le montant annuel des achats publics est supérieur à 100 millions d’euros hors taxe ont l’obligation d’adopter un schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsables (Spaser) depuis 2014. Dans un cadre juridique de plus en plus favorable à faire de la commande publique un levier de développement d’une économie solidaire, les collectivités peuvent :

 

  • développer des clauses sociales et environnementales ;  

  • favoriser l’accès des acteurs de l’ESS aux marchés publics (allotissements, marchés négociés, utilisation de labels…) ;  

  • réserver des marchés ou des lots à des entreprises de l’insertion par l’activité économique, des entreprises adaptées ou plus largement à des entreprises de l’ESS ;  

  • référencer les entreprises de l’ESS du territoire et leurs services ;  

  • mettre en place des outils facilitateurs pour une meilleure adéquation entre l’offre et la demande dans les marchés publics.

Dix préconisations pour renforcer la place de l’ESS dans les politiques publiques des collectivités :

  1. Développer la formation et la sensibilisation à l’ESS et à l’innovation sociale des élu.es et de l’ensemble des services, avec un pilotage et une coordination interne ;  

  2. Favoriser une meilleure interconnaissance et connaissance des acteurs de l’ESS et de leur implication dans la transition écologique et solidaire ; 

  3. S’appuyer sur la commande publique responsable (socialement et écologiquement) qui peut avoir un rôle moteur et structurant dans des cadres national et européen adaptés ;  

  4. Contribuer à la structuration de filières et de nouveaux domaines d’activité (alimentation durable, économie circulaire…) en s’appuyant sur les acteurs de l’ESS afin de renforcer l’économie de proximité ;  

  5. Aider à la structuration, la lisibilité et à la consolidation de réseaux d’acteurs de l’ESS en cours (cartographies, plateformes d’orientation, groupes d’échanges…) ; 

  6. Associer les acteurs de l’ESS et de l’innovation sociale et les citoyens à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des politiques, notamment dédiées à l’ESS ;  

  7. Renforcer la gouvernance et la coordination de tous les niveaux territoriaux (local, régional, national et européen), l’ESS étant un sujet type de gouvernance recouvrant plusieurs niveaux ;  

  8. Soutenir les structures de l’ESS et les dynamiques de coopération tels que les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) ; 

  9. Sensibiliser les collectivités aux leviers de financement et aux outils de coopération européens dans lesquels l’ESS et l’innovation sociale peuvent s’inscrire (fonds européens structurels et d’investissement de la politique de cohésion européenne, programmes de coopération territoriale…) ;  

  10. Renforcer les passerelles entre l’ESS et l’économie conventionnelle, afin de faciliter le passage à un modèle économique plus responsable et durable et de contribuer au changement d’échelle de l’ESS.

Thématiques

Politiques publiques
Innovation sociale

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