Interview
Dispositif local d’accompagnement de l’ESS

Aux origines du DLA : retours sur la genèse du dispositif

Publié le 23 mars 2021 - Mise à jour le 25 mars 2021
Depuis la crise sanitaire, le DLA a fait preuve plus que jamais de sa nécessité et de sa plus-value dans l’accompagnement des structures de l’ESS. Face aux défis actuels, une prise de recul sur les origines du DLA peut permettre de mieux comprendre la manière dont le dispositif a contribué à structurer le monde associatif et plus généralement l’ESS. Luc de Larminat, figure historique du dispositif et fondateur et co-directeur d’Opale, le centre de ressources Culture du DLA, revient sur la génèse du DLA.

Dans quel contexte le dispositif local d’accompagnement a-t-il émergé ?

Le DLA a été créé à la suite de la fin des « emplois-jeunes », un dispositif de soutien à l’emploi lancé par le gouvernement Jospin en 1997. A l’époque, les « emplois-jeunes », financés à 80% par l’Etat, avaient permis de favoriser le développement de nouveaux services d’utilité sociale, que ni le marché ni la puissance publique ne développaient. Face au non-renouvellement du dispositif, l’inquiétude était forte dans le monde associatif, qui s’était saisi de cette opportunité pour développer de nouveaux emplois. C’était ainsi le cas du secteur culturel ou encore du secteur social, médicosocial et sanitaire, qui comptaient chacun respectivement 10 000 emplois-jeunes.

L’appréhension était forte quant au sort des associations, en cas de disparition d’une partie de ces emplois aidés. Pour autant, une proportion non négligeable d’emplois avait déjà été consolidée, le dispositif ayant « boosté » le développement des associations employeuses. De manière générale, la mise en place des « emplois-jeunes » s’est accompagnée de réflexions nouvelles sur le monde associatif et l’économie sociale et solidaire, dont les réseaux se structuraient progressivement.

Justement, comment s’est traduit cette structuration du secteur associatif et de l’ESS ?

Dans les années 1980, la notion d’économie sociale a acquis une reconnaissance « officielle » via la création de la Délégation interministérielle à l’innovation, à l’expérimentation sociale et à l’économie sociale en 1981, sous l’impulsion de Michel Rocard. En parallèle, les acteurs du monde associatif se sont structurés et leur contribution à la vie économique a été de plus en plus reconnue. Cette période est celle du début des Chambres régionales de l’économie sociale en région (futures CRESS), ou du mouvement des Cigales, qui rassemble des investisseurs solidaires. France Active a été fondé en 1988, pour venir en soutien aux entrepreneurs engagés sur leur territoire. Le Réseau de l’Economie Alternative et Solidaire, institué en 1991, a également contribué à rassembler un grand nombre d’acteurs engagés en faveur d’une autre économie. Enfin, la Fonda, un organisme de réflexion sur le monde associatif, a impulsé au même moment la création de la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA), qui deviendra en 2014 le Mouvement associatif.

La professionnalisation des acteurs associatifs est intervenue aussi dans un environnement plus mondialisé, plus libéral, sous l’influence des politiques européennes qui imposent de nouvelles exigences (administratives, juridiques, institutionnelles…) et de nouveaux modes relationnels avec les pouvoirs publics. Le partenariat avec les associations s’est imposé comme une modalité des politiques publiques, avec une évolution des modes de contractualisation (subvention, commande publique, appel à projet, etc.).

C’est donc dans ce contexte en pleine mutation que le DLA démarre en 2002, avec quelle finalité ?

À la fin des emplois-jeunes en 2002, afin d’accompagner la sortie du dispositif, le ministère de l’Emploi signe avec la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC, aujourd’hui Banque des Territoires) un accord cadre pour lancer des expérimentations. Celles-ci sont portées par les Directions départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) et elles ont pour objectif d’accompagner et de soutenir les activités et services d’utilité sociale reconnus sur un territoire, qui contribuent à la création d’emploi. L’Avise est créée au même moment afin d’appuyer et de soutenir ces premières expérimentations, avant que lui soit confié le rôle d’animation nationale du dispositif qu’elle a encore aujourd’hui.

Comment la création du DLA a-t-elle été perçue par le monde associatif ?

Au début, le DLA s’est fait sans une réelle concertation avec l’ensemble du monde associatif, ce qui n’a pas été très bien vécu par les acteurs concernés. Il a fallu convaincre du bien-fondé du DLA : les réseaux et grosses fédérations du secteur associatif ne regardaient pas d’un bon œil cette initiative portée par l’Etat et la Caisse des dépôts et consignations. Certains pouvaient percevoir le DLA comme une tentative d’ingérence dans la libre administration des associations, ou encore un vecteur de marchandisation du secteur associatif. Néanmoins, les fédérations se sont emparées petit à petit du dispositif, qui s’est donc construit et développé en lien avec les acteurs de terrain.

Sur ce point, quel rôle a été donné au DLA sur les territoires ?

Le DLA a été conçu comme un outil de développement local, et pour pouvoir apporter une réponse de proximité, il fallait l’inscrire dans un écosystème territorial. Dès le début, il y a eu une diversité de structures porteuses du DLA : des fonds France Active, mais aussi des fédérations de l’éducation populaire comme la Ligue de l’enseignement, les Foyers ruraux, ou des structures d’accompagnement plus locales comme Réso Solidaire en Bretagne. Aujourd’hui, les réseaux associatifs portent un certain nombre de DLA départementaux et régionaux, mais également des centres de ressources DLA, tandis que le Mouvement associatif et ESS France font partie des instances nationales et régionales de pilotage du dispositif. Le DLA est donc depuis ses débuts et de plus en plus un dispositif multi-partenarial, un espace de concertation et de co-construction sur les territoires entre acteurs de l'accompagnement, du monde associatif et de l’ESS.

Est-ce que la cible et le rôle du DLA ont beaucoup évolué, depuis ses débuts ?

Aux débuts du dispositif, la cible était plutôt les associations qui avaient des emplois jeunes, puis des contrats aidés. Mais l’objectif a toujours été le même : soutenir les activités et les emplois sur les territoires. En 20 ans, il y a eu une évolution importante des outils et des façons d’accompagner, mais nous poursuivons nos travaux sur la spécificité du modèle économique des associations employeuses et plus généralement des structures de l’ESS. Il s’agit toujours de soutenir des activités d’utilité sociale que ni le marché, ni le service public ne développent, et qui mettent les initiatives économiques citoyennes, qu’elles soient sociales, culturelles, sportives ou écologiques, au cœur de leurs actions.

Le dispositif a survécu à toutes les alternances politiques et les diminutions de crédit, il est resté opérationnel, au rendez-vous des uns et des autres. Aujourd’hui, l’emploi est une finalité mais pas forcément directe : en consolidant la structure, on va l’amener à créer de l’emploi ou à moins éviter des destructions, notamment dans une période de crise comme celle que nous traversons.

>> Pour en savoir plus sur le DLA, consultez : www.info-dla.fr

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