CoCoShaker et le CISCA, évaluer son impact social en tant qu’incubateur
Pour quelles raisons avez-vous lancé cette démarche ?
Après 3 années à accompagner des entrepreneurs sociaux aux profils variés, CoCoShaker a senti la nécessité d’interroger la pertinence de son offre vis-à-vis des besoins de ses bénéficiaires, de son positionnement dans l’écosystème local et régional et de sa posture d’accompagnement. L’impact social est au cœur de la finalité de l’incubateur, or elle est encore à ce jour une notion qui reste étrangère à nombre d’acteurs de l’écosystème. Avec cette démarche, nous souhaitions poser un regard critique sur nos pratiques, augmenter notre impact et produire des outils partageables pour une meilleure détection de nos bénéficiaires.
Quels travaux avez-vous menés ?
La démarche s'est étalée sur deux ans, combinant deux approches de l’analyse d’impact.
La première, la mesure d'impact isolé, a pour objectif de valoriser quantitativement et qualitativement le potentiel d'impact de CoCoShaker. On utilise le qualificatif “isolé” car ce travail vient sanctionner a posteriori le travail réalisé auprès des incubés, sans prendre en compte le reste de l’environnement. Pour cette mesure, le CISCA a mobilisé la méthodologie de l’analyse coûts-avantages et de l’utilité sociale. L’étude, effectuée grâce à un questionnaire administré auprès de 13 anciens incubés, dégage des données révélatrices, consultables dans le détail ici.
La seconde, l'évaluation d'impact collectif, a commencé par 6 rencontres, mobilisant chacune entre 15 et 20 personnes, et s’est poursuivie en 4 temps :
- Elaborer une aspiration commune, un idéal-type de l’entrepreneur social, identifiable grâce à un certain nombre d'indicateurs (voir image en tête d'article)
- Réaliser un diagnostic partagé qui mesure l’écart entre l’idéal défini et la prestation d’accompagnement actuelle
- Rechercher des solutions pour réduire cet écart afin de se rapprocher de l'accompagnement idéal
- Evaluer le processus et les apprentissages afin d’améliorer la sensibilité de la structure et de son écosystème sur l’impact social
Cette partie de la démarche s'est effectuée en impliquant le plus de parties prenantes possibles. La mobilisation d’ex-incubés, des salariés, des membres du CA, partenaires, parrains, bénévoles était un prérequis incontournable car il s'agissait d'évaluer le potentiel d'impact de CoCoShaker à travers sa capacité à coopérer avec ses parties prenantes dans un environnement complexe.
Quels sont, selon vous, les spécificités de cette démarche ?
Cette démarche, qui s’appuie sur les travaux de l’Institut Godin, part du constat que la mesure d’impact, menée par une personne extérieure, n’est que partielle ; tandis qu’une démarche collective, co-construite, permet de rendre compte beaucoup plus finement de la réalité d’une entreprise comme CoCoShaker.
Il s’agit donc d’inscrire l’incubateur dans son écosystème, de prendre en compte ses parties prenantes, de partager les visions partielles de chacun et de construire du sens partagé autour du projet de l’association. L’équipe de CoCoShaker a partagé avec sincérité ses pratiques, et répondu à toutes les questions, parfois sensibles, posées par les animateurs et les participants, en toute transparence et avec le courage de ses vulnérabilités.
Quels ont été pour vous les apports de cette démarche ?
La mesure d’impact isolé a permis à l’incubateur de valoriser son action auprès de ses partenaires, notamment les coûts évités pour le territoire.
Les autres apprentissages ont été intégrés au fur et à mesure, notamment dans le premier programme d’incubation hors métropole dans l’Allier ; le programme métropolitain a été lui découpé et ajusté en profondeur pour une meilleure prise en compte de l’avancement des projets, une attention renforcée à interroger la posture de l’entrepreneur ou encore une augmentation du nombre d’entrepreneurs accompagnés ; un programme post- incubation a été développé et est en phase de test. Les porteurs de projets bénéficient de plusieurs portes d’entrée et peuvent combiner les programmes pour préciser leur offre et ajuster leur posture entrepreneuriale.
Nous avons également lancé un travail avec nos prescripteurs sur une jauge leur permettant de déterminer s’ils ont bien affaire à un entrepreneur social tel que nous le définissons, et ainsi identifier les porteurs de projet à qui notre accompagnement sera utile. Notre collaboration avec les acteurs locaux s’est vue renforcée par notre démarche inclusive et à l’écoute ; in fine, le temps investi à interroger nos méthodes et réaffirmer nos pratiques emblématiques nous a permis de gagner en lisibilité.
Comment voyez-vous la suite ?
Nous envisageons plusieurs champs d’application, en premier lieu pour soutenir les actions en faveur de l’émergence d’entrepreneurs sociaux et leur accompagnement.
Nous cherchons à préciser avec nos prescripteurs et notamment les collectivités des territoires ruraux comment elles peuvent s’emparer de nos propositions, en particulier la jauge, et alimenter leurs réflexions stratégiques autour de l’entrepreneuriat social.
En interne, nous sommes déjà dans l’expérimentation avec la sélection de la première promotion du nouveau programme Expérimentation ; ce sera également l’occasion de voir comment l’idéal-type nous permet de particulariser l’accompagnement en appuyant sur tel ou tel item pour renforcer l’impact social des projets.
Enfin, nous souhaitons partager notre vécu, l’approche et les outils avec d’autres acteurs, au-delà de notre territoire d’intervention, à l’échelle nationale.
En savoir plus
>> Consultez le site de CoCoShaker : www.cocoshaker.fr
CoCoShaker fait partie de la Communauté émergence & accélération animée depuis 2015 par l’Avise. Cette communauté rassemble les acteurs de l’accompagnement à l’émergence et à l’accélération d’entreprises de l’ESS et d’innovations sociales sur les territoires.