Temps de lecture
5 minutes
Interview
Auvergne-Rhône-Alpes

Enora Guerinel, co-fondatrice et directrice des opérations de l'incubateur Ronalpia

Publié le 27 février 2018
Lors du lancement de l’Accélérateur French Impact le 18 janvier 2018 par le Ministère de la Transition écologique et solidaire, la co-fondatrice de l’incubateur Ronalpia a été invitée à représenter la voix des acteurs de l’accompagnement à l’émergence et à l’accélération de projets d’utilité sociale. Quels défis ont-ils à relever aujourd’hui ? Quelles collaborations avec les régions et l’Accélérateur ?

Pourriez-vous présenter Ronalpia en quelques mots ? 

Ronalpia est né il y a 4 ans grâce au soutien d’Antropia, incubateur social de l’ESSEC, avec pour mission principale de détecter, sélectionner et accompagner des entrepreneurs sociaux à fort potentiel d’impact au stade du lancement ou de l’implantation en Rhône-Alpes. 

Nous avons développé au fil du temps différents programmes d’accompagnement (incubation, implantation et accélération) accessibles sans critère d’âge ni de diplôme et à travers plusieurs points d’ancrage et antennes sur l’ensemble du territoire (plus d’infos sur la fiche acteur Ronalpia). Nous sommes partis du constat que les entrepreneurs sociaux, en tant qu’acteurs de territoire, ont besoin d’un écosystème de proximité. Ce n’était pas à nous de les « déraciner », c’est pourquoi nous sommes aujourd’hui présents à Lyon, Grenoble et Saint-Etienne. 

Pourriez-vous partager un projet accompagné particulièrement innovant ? 

Je peux vous parler de l’Atelier Emmaüs, incubé en 2016 par Ronalpia. Il s’agit d’une association qui forme des compagnons Emmaüs éloignés de l’emploi aux métiers de l’ébénisterie et de la menuiserie, en fabriquant du mobilier design à partir de rebus des ateliers Emmaüs (chutes industrielles, etc.). 

Ce projet est particulièrement intéressant car dans le champ de l’insertion, les métiers de l’artisanat, du design contemporain et de l’ébénisterie sont encore peu explorés, et il permet de démontrer qu’avoir un double impact social et environnemental est possible. Cette association est également innovante à travers sa gouvernance, en partie composée d’Emmaüs mais aussi de designers, d’entrepreneurs sociaux, de structures du monde de l’insertion par l’activité économique, etc. 

Vous êtes intervenue au lancement de #FrenchImpact le 18 janvier, quel message souhaitiez-vous transmettre ?

L’objectif était le plus humblement possible de nous faire « ambassadeurs » des structures de l’accompagnement : il y a un maillage territorial important d’acteurs (PTCE, financeurs solidaires, incubateurs, accélérateurs, etc.) et l’idée était de dire « ne créons pas une strate ou quelque chose de plus et surtout, soutenons les écosystèmes favorables aux territoires ».

Nous souhaitions démontrer que nous travaillons en coopération avec d’autres acteurs, et faire passer plusieurs messages.

Premièrement, les acteurs de l’accompagnement, même si ce n’est pas leur métier principal, détectent et sensibilisent à l’entrepreneuriat social. Il faut renforcer leurs moyens de détection pour dénicher les innovations sociales là où elles se trouvent : sur le terrain, au plus près des besoins sociaux, et notamment dans les quartiers prioritaires, dans les territoires ruraux, auprès des acteurs de terrain (éducateurs spécialisés, infirmières, instituteurs, etc.). Notre plus-value n’est pas d’accompagner uniquement ceux qui savent entreprendre, mais aussi ceux qui connaissent les besoins et qui ont besoin d’être outillés pour se lancer. Il y a un vrai enjeu à faire émerger cette innovation sociale, qu’on puisse donner les mêmes moyens aux territoires plus fragiles dépourvus en structures d’accompagnement spécialisées.  

Deuxième message, la chaîne de l’accompagnement s’est renforcée, et notre secteur, bien qu’encore jeune, a vu émerger de nombreuses structures comme la nôtre qui travaillent sur l’émergence d’activités. Mais ces entrepreneurs qui se sont lancés il y a 4 ans sont aujourd’hui en phase de croissance, ont de nouveaux besoins, et nous devons en tant qu’écosystèmes d’accompagnement développer de nouveaux programmes sur l’essaimage et le changement d’échelle, pour répondre aux besoins sur la commercialisation, la levée de fonds etc.

Enfin, nous avons un enjeu d’adaptation afin d’accompagner les nouvelles typologies de projets et d’acteurs que l’on voit émerger notamment grâce aux dynamiques citoyennes avec Start-up de Territoire par exemple. 

Diversification des programmes, couverture territoriale… Quels sont les autres défis à relever pour les acteurs de l’accompagnement ? De quelle manière cet Accélérateur pourrait y répondre selon vous ?

Nous avons deux autres enjeux majeurs à relever.

D’abord, un enjeu de structuration territoriale de la chaîne de l’accompagnement. Nous sommes déjà en route à Lyon, puisque nous participons à l’élaboration d’une feuille de route ESS commune avec la Métropole réunissant les acteurs institutionnels, les accompagnateurs, les entrepreneurs sociaux, les financeurs etc. Nous souhaitons ainsi renforcer la coopération au service des entrepreneurs de l’ESS et de l’innovation sociale et porter une voix plus haute afin de toucher un public plus large. 

Ensuite, il y a un fort enjeu sur le modèle économique des structures d’accompagnement. L’Accélérateur pourrait notamment permettre de nous donner plus de moyens, par exemple en faisant reconnaître le travail de détection évoqué précédemment.  

L’Appel à projets et le dispositif au niveau national pourraient également apporter plus de visibilité aux entrepreneurs que nous accompagnons, en donnant toute sa place à l’innovation sociale et à l’entrepreneuriat social, et en nous reconnaissant en tant qu’amplificateurs d’un écosystème : nous mobilisons les entrepreneurs sociaux, les institutionnels, le secteur associatif, les entreprises privées, nous contribuons à créer du lien et de la porosité entre toutes ces sphères.  

Face à ces enjeux, quel est le rôle joué par la « Communauté émergence » animée depuis 2015 par l’Avise ? 

A l’échelle régionale, nous côtoyons des acteurs très variés. Mais la « Communauté émergence » - qui rassemble les acteurs de l’accompagnement à l’émergence et à l’accélération d’entreprises de l’ESS et d’innovations sociales sur les territoires - est essentielle. Elle nous permet de bien comprendre nos complémentarités, que ce soit à travers les rencontres et échanges de bonnes pratiques, et que ce soit à travers le travail fait en sous-groupes ou la gestion de cette communauté animée par l’Avise.

Nous pouvons ainsi mieux voir comment travailler ensemble sur des dispositifs comme ceux de La France s’engage mais aussi d’autres appels à projets, tout en gardant nos singularités, expertises et méthodologies. Cela nous permet de développer de nouveaux dispositifs aux échelles régionales ou nationales en fonction des opportunités et des impulsions institutionnelles ou politiques qui poussent notre secteur à se structurer et à avoir plus d’impact. 

L’Avise et la Communauté émergence jouent également un rôle d’ambassadeur et porte-parole : cela nous permet de faire un état des lieux de ce qui fonctionne, de faire remonter les besoins, de voir ce à quoi il faudrait donner plus de moyens et de tracer des feuilles de route.
 

Thématiques

Économie sociale et solidaire
Entrepreneuriat social

Abonnez-vous à notre newsletter

Et tenez-vous informé.e.s des actualités de l’Avise et/ou de ses programmes

Sélectionnez la newsletter de votre choix