Décryptage
Europe

Europe et Régions en dialogue constant autour de l'ESS

Publié le 29 octobre 2018 - Mise à jour le 14 mai 2021
FEDER, FSE, Interreg : il n’est pas rare que la représentation de l’Europe à l’échelle régionale se fasse par le biais des programmes de l’Union européenne et des fonds qui y sont associés. L’échelle régionale, notamment par son soutien à l’Économie sociale et solidaire (ESS), pourrait-elle apparaître comme un trait d’union entre les citoyen-ne-s d’un territoire et une dimension européenne parfois lointaine ou abstraite ? Tour d’horizon de la présence de l’Europe en région, autour de l’ESS - économie citoyenne par excellence -, avec les régions Grand Est, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Bourgogne-Franche-Comté.

Les programmes et les fonds associés au service de l’ESS

Le Fonds européen de développement régional (FEDER) est un programme très utilisé par les Régions, en particulier pour le soutien d’activités innovantes. Paul Jeanneteau, Vice-Président de la Région Pays de la Loire, explique : « Le programme FEDER soutient les actions collectives innovantes d'accompagnement à la création d'entreprises, notamment de l’ESS. Un exemple de projet soutenu est la Fabrique à coopérer, porté par l’association Les Ecossolies, pour faciliter et accompagner le développement des coopérations économiques dans le champ des innovations sociales environnementales et territoriales. » C’est le même programme qui a permis à la Région Grand Est de soutenir, par exemple, « la création d'une cuisine centrale et d'un restaurant par l’Établissement et service d'aide par le travail (ESAT) Nouveaux Horizons en Pays d'Erstein. Ce projet consiste à créer un restaurant ouvert au public dans une logique d'interface milieu protégé / milieu ordinaire, essentiellement destiné à la pérennisation et à la sédentarisation des emplois des travailleurs handicapés de l'établissement. » La Région Pays de la Loire fait aussi appel au programme Liaison entre action de développement de l’Economie Rurale (LEADER) pour cofinancer des projets de stratégie locale de développement, en lien par exemple avec le développement durable et la promotion des circuits courts.

C’est cependant au niveau du Fonds social européen (FSE) que la Région Grand Est comme la Région Nouvelle-Aquitaine ont réussi à développer des volets et des axes spécifiques autour de l’ESS. Catherine Zuber, Elue Déléguée à l’Economie sociale et solidaire, à la vie associative et à la Création d’entreprise pour la Région Grand Est, précise : « Le programme d’intervention du FSE-IEJ Alsace porte spécifiquement un volet ESS et a permis depuis 2014 de soutenir 57 projets, par le biais d’appels à projets, pour un investissement total de 1,7 million d’euros. Ce programme a vocation à maintenir et développer l’activité des entreprises et associations de l’ESS et ainsi favoriser l’inclusion sociale et l’emploi de publics prioritaires. » En Nouvelle-Aquitaine, Maud Leblois, qui est chargée de mission ESS / FSE, explique : « Lors de la négociation du Programme opérationnel (PO) 2014-2020 de l’ex-Aquitaine, l’ESS s’est vue dédier un objectif spécifique doté de 9.5 M€ (soit plus de 10 % de la maquette FSE) au sein de l’axe FSE. On y trouve deux entrées : le soutien aux têtes de réseau et autres acteurs de l’accompagnement à la création et le soutien aux structures pour l’amorçage de nouvelles activités ou le développement de projets d’innovation sociale. Il a été décidé de créer un poste dédié au FSE au sein de la Direction ESS de la Région pour instruire, accompagner et promouvoir le FSE sur les projets d’ESS. »

A contrario, Lucien Da Ponte, Chef de Service ESS, TPE et entrepreneuriat à la Direction de l’Economie de la Région Bourgogne-Franche-Comté, souligne : « L’ESS n’est pas visée explicitement dans le PO général, malgré des PO ouverts à l’ESS en Bourgogne et en Franche-Comté. Cela complique le processus pour faire rentrer les projets socialement innovants dans les cases. Actuellement par exemple j’essaie de faire cofinancer des porteurs de projet ESS par du FEDER et ça devrait aboutir, mais ça reste très compliqué pour des histoires d’assiettes éligibles. »

Au-delà des fonds structurels, les programmes européens sont encore plus diversifiés. Catherine Zuber rappelle ainsi le rôle d’ERASMUS + et d’Interreg comme autant de leviers possibles pour l’ESS, pour développer le volontariat dans des structures de l’ESS mais aussi pour, par exemple, multiplier les échanges de bonnes pratiques.

Communiquer pour rendre les fonds européens plus accessibles

Les Régions françaises luttent pour défaire l’idée, chez les porteurs de projets, qu’il y aurait une extrême lourdeur voire une dangerosité pour la pérennité de la structure, à manier des fonds européens. Certaines Régions reconnaissent qu’il y a encore aujourd’hui des difficultés évidentes dans la maniabilité de ces fonds pour les porteurs de projet, comme Paul Jeanneteau pour les Pays de la Loire : « Pour renforcer le lien entre l'Europe et l'ESS en région à l'avenir, il faudrait sans doute davantage de communication sur les projets, une simplification des procédures trop lourdes pour des structures qui manquent de moyens. Nous réfléchissons donc, avec la Chambre régionale de l’ESS (CRESS), à la manière dont les réseaux départementaux peuvent être soutenus et accompagnés dans l’orientation des porteurs de projet vers les projets européens. La Région a inscrit comme premier objectif opérationnel de sa Stratégie régionale de l’ESS (SRESS) l’orientation des entreprises de l’ESS vers les dispositifs de financement disponibles. »

D’autres affirment qu’il s’agit surtout de lever des préjugés tenaces face à une réalité qui a évolué. En plus d’être les gestionnaires des fonds, les Régions se posent comme des communicants sur cette questionpour accompagner au plus près les porteurs de projets de leurs territoires. En effet la gestion a évolué, comme l’évoque Maud Leblois pour la Nouvelle-Aquitaine : « Nous pouvons allouer une avance de FSE pour faciliter le démarrage des projets. C’est un sacré avantage ! La Région a aussi pris le virage de la simplification ouvert par la Commission européenne afin d’alléger le poids des contrôles et les contraintes liées aux justificatifs à produire pour être payé : elle propose ainsi, pour certains projets, un paiement forfaitaire du FSE conditionné à l’atteinte de résultats fixés avec la structure financée (par exemple la création d’un certain nombre d’emplois) ». Evidemment le fait d’avoir un poste dédié, au sein d’une Direction elle aussi consacrée à l’ESS, permet de fluidifier la communication avec les porteurs de projet de façon considérable.

Participer au mois de l’Europe – et à celui de l’ESS –, mettre en place, en coopération avec les CRESS, des sites ou des campagnes de communication sur les opportunités européennes : chaque Région le fait à son échelle, même si toutes s’accordent dans l’idée qu’il faudrait sans doute en faire encore plus.

Nouer et entretenir le dialogue avec les institutions

Lucien Da Ponte, pour la Région Bourgogne-Franche-Comté, aime à la rappeler : « Sur la rédaction des PO c’est peut-être à nous, dans les Régions, d’être plus vigilants et d’anticiper autant que possible. Même si parfois la réglementation change entre temps sans qu’on y puisse rien, comme par exemple avec la Loi NOTRe, arrivée après la validation des PO. » Il est à noter que, comme les PO datent d’avant la loi, il existe de forte disparités territoriales dans les Régions dans l’usage des fonds européens sur la période 2014-2020, qui s’applique en fonction des PO des anciennes régions. Maud Leblois commente : « Aujourd’hui notre limite est là. Au sein de la Nouvelle-Aquitaine, les programmes des 3 ex-territoires n’offrent pas le même champ d’intervention et sont limités selon l’ancienne géographie. Les services de la Région trouvent des solutions : par exemple, pour le dispositif AMPLI – Appui aux microprojets Locaux Innovants, la Direction ESS a fait en sorte que les structures d’Aquitaine soient financées par du FSE et que les structures des territoires Poitou-Charentes et Limousin bénéficient du même montant via les fonds de la Région pour cette aide à l’amorçage. Nous essayons de définir une véritable équité territoriale dans notre intervention. Ce n’est pas simple. »

C’est sans doute l’un des leviers qui permet à une Région de s’emparer des enjeux européens à l’échelle de son territoire : ne pas se limiter à un rôle descendant de gestionnaire mais faire aussi remonter vers les institutions européennes, qui sont souvent demandeuses, des retours d’expérience et des exigences d’autorité locale. L’ESS est un domaine idéal en ce sens, selon Catherine Zuber, pour une Europe en mal d’ancrages locaux : « L’ESS est un secteur dynamique, qui se développe avec des pratiques innovantes, au plus proche des citoyens. Or, l’un des enjeux pour l’Europe est bien de se rapprocher des citoyens. »

Marie Bohner

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