Décryptage
Créa'rural

Accompagner les projets agri-ruraux de l'ESS

Publié le 18 janvier 2022 - Mise à jour le 22 mars 2022
Le 13 janvier dernier, le collectif Créa'rural, animé par l'Avise, se retrouvait pour un webinaire de rentrée autour de l'accompagnement des projets agri-ruraux de l'économie sociale et solidaire (ESS). L'occasion de revenir sur les différents retours d'expérience apportés, et les enjeux soulevés.

Les projets agri-ruraux : multifacettes et pluridisciplinaires

Les projets agri-ruraux sont des projets aux montages juridiques complexes. Ils mêlent à la fois plusieurs types d’activités (agricole, commerciale,artisanale, culturelle, artistique, éducative, etc.) et plusieurs statuts juridiques (associations, GAEC, SCOP, SCIC, Fonds de Dotation, SCI, etc.). Ce sont des projets multifacettes et pluridisciplinaires qui entretiennent aussi des rapports nouveaux à la terre, au foncier, à la propriété, au travail, à leur environnement, mais aussi dans la gouvernance et l’organisation du groupe (prise de décisions, vie quotidienne, cycle de vie du projet, etc.). Comment accompagner l'hybdridation de leurs activités, de leurs statuts et de leurs ressources ? 

Porter les projets collectivement pour répondre aux enjeux de renouvellement agricole

Accompagner les personnes dans la création et la reprise d'activité agricole ou rurale est l'activité au coeur des projets des Civam (Centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural), avec des outils d'éducation populaire. Constitué de 240 associations et 250 salariés, le réseau rassemble des groupes d'agriculteurs et de ruraux qui travaillent de manière collective à la transition agro-écologique sur le territoire national. 

Sixtine Prioux, Coordinatrice Transmission et Création d'Activité agri-rurale, Femmes et milieu rural pour le Réseau CIVAM, a rappelé les principaux résultats d'une recherche-action réalisée afin démontrer l'utilité sociale des installations accompagnées. Auprès de 15 paysans, artisans et ruraux accompagnés, l'étude a évalué la vitalité sociale du territoire, leur épanouissement personnel et professionnel, le maintien et la stimulation d'une économie durable, la préservation de l'environnement, et la sécurité et l'autonomie alimentaire. Ainsi, elle nous apprend quelles activités agri-rurales évaluées sont des activités : 

  • Rémunératrices et créatrices d’emplois de qualité, peu endettés et en adéquation avec les aspirations personnelles (création d'emploi en quantité et en qualité, autonomie financière, économes en capital, en emprunt et en aides publiques)
  • Qui produisent une alimentation pour les habitants (contribution au développement de systèmes agricoles et alimentaires territoriaux, création de nouvelles filières, fournitures de biens et services alimentaires)
  • Qui entrainent d’autres installations dans leur sillon (mobilisation et/ou création de réseaux professionnels, contribution à l'attractivité du territoire, implication dans son territoire, logique diffusionniste)

Le réseau a également analysé la transmission-restructuration, partant du constat de la double inadéquation du secteur agricole : des fermes (grandes surfaces, accès poly-culture et/ou élevage) sont à reprendre, et en face, des porteurs de projet qui sont esentiellement sur des productions végétales (petites surfaces, accès circuits-courts, agro-écologie et bio).

"On voit se développer de plus en plus d'installation de collectifs, avec des projets très diversifiés, à l'image du collectif de La Tournerie dans le Limousin: en récupérant une ferme de 82 hecatres en bovin-viande portée par une personne, ils se sont installés à 11 pour développer 7 activités différentes. Cela a permis l'installation de ces collectifs de projets agri-ruraux : les accompagner est une des solutions pour répondre aux forts enjeux de renouvellement de la population agricole, puisqu'actuellement, il y a beaucoup moins d'installations que de départs". 

Retours d'expérience des accompagnateurs des projets agri-ruraux

Lors du webinaire, trois accompagnateurs ont apporté leur retour d’expérience et ont témoigné de leurs actions pour répondre au mieux aux besoins spécifiques des porteurs de projet agri-ruraux : 

  • Emilie Morin, animatrice et formatrice à l'AFIPaR. Cette association issue de l'éducation populaire, basée dans le Sud Deux-Sèvres, existe depuis 30 ans et est membre du réseau Civam. Ses deux pôles d'activités sont : l'accompagnement aux circuits-courts (notamment pour les magasins de producteurs et les collectivités) et l'accompagnement à la création d'activité en milieu rural, tous secteurs confondus (artisanat, commerce, agriculture, etc.). Parmi les projets agricoles accompagnés, de nombreux projets ont une dimension de production agricole couplée à des activités de transformation, d'accueil, ou un autre lien particulier au territoire. "Nous accompagnons des personnes avant d'accompagner des projets, et nous leur fournissons des outils et des méthodologies pour leur permettre de structurer leur projet, en le confrontant à la réalité du terrain", explique Emilie.

    Au quotidien, Emilie note que la plupart des porteurs de projet ne sont pas issues du milieu agricole, en reconversion professionnelle, diplômés, et portant des convictions environnementales et sociales fortes. "Ils souhaitent participer à la transition écologique et sociale". En conséquence, les projets portés ont dans leur ADN des valeurs fortes, sans ambition économique affichée, et se structurent autour de plusieurs dimensions : la dimension agricole, des activités artisanales, des fonctions d'accueil touristique ou social, d'évènementiel, etc. Ainsi, ces projets nécessitent un accompagnement spécifique :"ils ont besoin de structurer et de prioriser leurs nombreuses envies, tout comme ils ont besoin de trouver l'adéquation entre leurs nombreux objectifs", précise Emilie. "Nous les aidons aussi à sortir des idées reçues, via la mise en réseau avec des personnes installées. Nous leur apportons des compétences de production mais aussi de gestion, de commercialisation, de communication - parfois mises en second plan, mais pourtant essentielles". 
     
  • Anne Falgueurettes, coordinatrice de l'Université Rurale Quercy Rouergue (URQR). Cette association d'éducation populaire et de développement local, organisme de formation, basée sur l'Aveyron et el Lot, est entre autre opérateur du DLA (dispositif local d'accompagnement) et point d'appui à la vie associative. De plus en plus sollicitée par des collectifs agri-ruraux hybrides et atypiques (mêlant une dimension lucrative agricole et non-lucrative, portée par une ou plusieurs associations), l'URQR a experimenté, soutenue par le projet TRESSONS, l'accompagnement de ces collectifs de l'ESS (utilité sociale, statuts juridiques coopératifs ou associatifs, autre rapport au travail et au capital, etc.).

    "Ces collectifs rencontrent des problématiques spécifiques : ils défrichent des zones encore non réglementées, réinterrogent le rapport à la propriété, expérimentent des montages juridiques et comptables complexes, et ont du mal à être identifiés et reconnus par les collectivités locales et les élus", explique Anne. "Leurs modes d'organisation collective cassent les codes. Nous avons donc mené un cycle avec des temps de rencontre et des visites apprenantes entre élus, agents de collectivités et collectifs porteurs de projet". Voici deux exemples de projets collectifs : 
    • Aux prés en bulles - 3 ans d'existence. L'association a pour objectif de maintenir une vie Paysanne à La Marinie à travers le développement et la promotion d’activités agricoles, artisanales, sociales, pédagogiques et culturelles, générant des dynamiques humaines et du lien social en milieu rural. 
    • Le Pré Grand - 9 ans d'existence. Cn collectif de vie et/ou de travail de 5 personnes développe des activités économiques dans le domaine de l'agriculture, de la construction, du social et du soin.

      >> En savoir plus sur l'expérimentation de l'URQR
       
  • Ronan Dumoulin, chef de projet TerrAES, Territoires engagés vers l'AgroEcologie Sociale et Solidaire, pour France Active AIRDIE Occitanie. Cette association de financement solidaire finance des artisans et des commerçants, des structures de l'ESS et des projets agricoles (particularité du territoire depuis 25 ans). Plus d'une centaine de projets agricoles, souvent portés par des personnes en reconversion professionnelle, ont été financé.

    Depuis quelques années, l'association est sollicitée par des collectivités souhaitant installer des collectifs sur du foncier. Cela a par exemple permis à la ferme urbaine de la Condamine de s'installer. "Depuis un an, nous accompagnons des collectivités dans une dynamique d'installation de projets, en partenariat avec le CEN", explique Ronan. "Les communes souhaitent dynamiser leur projet de territoire, mais on parfois des attentes trop exigentes. Notre mission est d'identifier des collectifs ou des agriculteurs pouvant répondre à leurs attentes, sur des projets d'insertion par exemple".

En savoir plus

>> Découvrez le Collectif Créa'rural 
>> Visionnez le webinaire en replay

Thématiques

Alimentation & agriculture durables
Économie sociale et solidaire

Abonnez-vous à notre newsletter

Et tenez-vous informé.e.s des actualités de l’Avise et/ou de ses programmes

Sélectionnez la newsletter de votre choix