Clôture du programme TRESSONS : étudier et renforcer les contributions de l'ESS aux enjeux agricoles et ruraux

Valoriser le rôle de l'ESS dans les territoires ruraux
Mené conjointement par l'Avise et le RTES - Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire, le programme TRESSONS est lauréat de l'appel à projets ANIMERA du Réseau National Agricultures et Ruralités porté par le Ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, l’ANCT - Agence nationale de la cohésion des territoires et Régions de France. Faisant suite à une première édition menée entre 2018 et 2022, le programme TRESSONS s’est attaché, entre 2024 et 2025, à identifier et renforcer les contributions de l'ESS aux principaux enjeux agricoles et au dynamisme des territoires ruraux.
Il repose sur trois axes stratégiques :
- Soutenir le renouvellement générationnel et l’installation en agriculture durable avec l’ESS.
- Développer l’emploi agricole et l’inclusion dans les territoires ruraux.
- Mobiliser l’ESS pour favoriser l’attractivité des territoires ruraux et la transition écologique dans ces territoires.
La journée de clôture, organisée à la Ferme des Possibles à Stains (Seine-Saint-Denis) le 20 mai 2025, a rassemblé plus de 70 participants : réseaux d’associations rurales et agricoles, structures d’accompagnement à la création de projets d’ESS, de collectivités locales, et décideurs publics. Articulée autour d’échanges sur les réalisations du programme, d’illustrations concrètes d’initiatives, et de tables-rondes visant à faire émerger des recommandations pour la mobilisation de l’ESS au service des principaux défis agricoles et ruraux, cette journée aura également permis de faire dialoguer des acteurs et écosystèmes variés, réunis sur des défis communs.
Photos de l'événement
La Ferme des Possibles est une ferme urbaine située à Stains (Seine Saint-Denis). Fondé en 2015, ce projet allie insertion par l’activité économique et production maraichère locale et durable. Les participants au séminaire ont pu bénéficier d’une visite des lieux guidée par Mohamed Gnabaly, Maire de L’Île-Saint-Denis et co-fondateur de la Ferme des Possibles.
copyright Studio Fengari



















Une matinée sous forme de coups de projecteur sur le programme Tressons
Après un mot d’accueil par Mohamed Gnabaly, Maire de L’Île-Saint-Denis et co-fondateur de la Ferme des Possibles, (retrouvez son interview dans Localtis réalisée à l’occasion du séminaire), le séminaire a débuté avec une plénière d’ouverture avec les partenaires institutionnels du projet TRESSONS et les acteurs de l’ESS et de l’installation agricole :
- Cécile Leclair, directrice générale de l’Avise ;
- Patricia Andriot, vice-présidente du RTES ;
- Lucie Louessard, cheffe du bureau de la coordination du développement rural-pilotage PSN-PAC au Ministère de l’agriculture ;
- Florent Bernard, vice-Président d’Accueil Paysan Bourgogne, membre du Pôle InPact
- Fabrice Dalongeville, maire d’Auger-Saint-Vincent et Président de l’association des maires ruraux de l’Oise ;
- Antoine Détourné, délégué général d’ESS France ;
- Eric Rossi, conseiller Europe, territoires et collectivités à Familles Rurales.
Lucie Louessard, a tout d’abord relevé l’importance de projets comme TRESSONS qui contribuent aux objectifs de la PAC, en matière notamment d’accompagnement à l’installation, de développement de projets partenariaux , et de liens entre agricultures et ruralités.
Collectivement, les intervenants de la table-ronde sont revenus sur l’importance de décloisonner les mondes de l’agriculture (dans leur diversité), des ruralités et de l’économie sociale et solidaire (dans sa diversité également) L’importance de la création d’espaces de dialogue et d’interconnaissance a également été soulignée. Pour Florent Bernard, du réseau Accueil Paysan (membre du collectif RARES), « le décloisonnement est une solution pour mieux accompagner » les porteurs de projet agricole. L’interdépendance entre le rural et l’agriculture a rappelé Eric Rossi, de la fédération nationale de Familles Rurales. Patricia Andriot a pointé l’intérêt accrue depuis une dizaine d’années des collectivités territoriales pour les questions agricoles et foncières et le rôle qu’elles peuvent jouer à la fois en tant qu’ensemblier et comme garantes de l’intérêt général. Fabrice Dalongeville invite à sortir de l’approche d’attractivité des territoires, pour se concentrer sur leur habitabilité.
Les équipes Avise et RTES ont ensuite pu présenter les travaux réalisés dans l’année :
- Un livret qui décrypte l’accompagnement des porteurs de projet d’agriculture durable avec l’ESS et analyse la manière dont l’ESS répond aux aspirations des nouveaux profils d’agriculteurs, souvent issus de milieux urbains et en reconversion.
- Une plaquette de chiffres clés sur l’ESS dans les territoires ruraux (mai 2025),
- Un guide recensant les leviers dont disposent les collectivités pour faciliter l'installation en agriculture durable avec l'ESS,
- Des fiches pratiques sur les formes juridiques de l’ESS pour favoriser la création et la pérennisation d’emplois agricoles (SCOP, SCIC, etc.)
Afin d’illustrer chaque axe du programme TRESSONS par des initiatives concrètes d’acteurs de l’ESS et de collectivités, trois panels d’intervenants ont pris la parole.
Favoriser l’installation en agriculture durable avec l’ESS
- Laurent Duclot, Responsable Offre et Stratégie de filière auprès de la Direction Générale France Active
- Marine Eyraud, Animatrice installation-transmission au sein de la FADEAR
- Delphine Lambert, Directrice du Pôle ES 21
La FADEAR, le Pôle Economie Solidaire (ES) 21 et France Active sont trois exemples de structures qui accompagnent à différents niveaux des projets d’installation-transmission en agriculture. Le pôle ES 21 (Côte d’Or, Bourgogne Franche-Comté) a témoigné de son accompagnement complémentaire à celui des associations d’aide à l’installation agricole, pour des projets mêlant agriculture et ESS, comme Le Champs des sourires. La fédération des associations pour le développement de l’emploi agricole et rural (FADEAR), réseaux d’associations qui accompagnent tout porteur de projet qui souhaite s’installer en agriculture paysanne, a fait état de leur projet REVISA, qui interroge le rôle des statuts innovants (dont ceux de l’ESS), dans l’aide à l’installation, la transmission des fermes, et l’amélioration des conditions de travail. Enfin, le témoignage de France Active a porté sur les travaux menés activement depuis plusieurs années pour développer des solutions de financement spécifiquement à destination de projets agricoles complexes et innovants, et a rappelé l’importance de s’articuler avec les nombreux acteurs existants.
Développer l’emploi agricole et l’inclusion dans les territoires ruraux
- Philippe Chagnon, Directeur général de Services (DGS) de la commune de Longvic
- Flore Geillon, Directrice du Champs des sourires
- Lison Lopez, Cheffe de projet Inclusion à la Caisse Centrale MSA
Le Champ des sourires est un projet fondé en 2022 par Flore Geillon, visant à relocaliser la production de fleurs en Côte d’Or en installant un chantier d’insertion autour de la métropole de Dijon. Accompagné par le Pôle ES 21, ce projet a notamment bénéficié du soutien de la commune de Longvic, tel que présenté par Philippe Chagnon, DGS de la commune de Longvic et coordinateur « Agenda 2030 », qui disposait de foncier et dont le projet du Champ des sourires faisait écho aux objectifs de la commune. Lison Lopez, responsable du programme Inclusion & Ruralité de la MSA, est revenue sur ce programme qui accompagne en local 35 structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) en ruralité par des trinômes d’accompagnateurs : MSA, SIAE et incubateurs de projets d’ESS du territoire. Ces témoignages ont montré l’importance du soutien politique pour la réussite d’un projet d’insertion par l’activité économique, et la nécessité de travailler sur les représentations de l’insertion par l’activité économique (IAE) et de renforcer les synergies et coopérations entre l’IAE agricole et les exploitants agricoles.
Les freins périphériques au développement de l’emploi agricole
- Nadège Serrero, Chargée de mission au pôle Territoires à l’Avise
- Eric Rossi, Conseiller Europe, territoires et collectivités à Familles Rurales
Nadège Serrero, de l’Avise a présenté quelques chiffres, consolidés avec l’appui de l’Observatoire national de l’ESS, sur la place de l’ESS dans les territoires ruraux – montrant sa prépondérance dans le secteur de l’aide à la personne et les services de proximité dans ces territoires. Eric Rossi a confirmé que « l’ESS constitue un observatoire des besoins locaux ». Face à des besoins qui évoluent dans les territoires ruraux, la force de l’ESS est sa capacité à proposer des solutions de proximité sur-mesure : les initiatives de transport solidaire sont un exemple concret de solutions de proximité répondant à des enjeux forts de mobilité des personnes âgées comme des jeunes dans les territoires ruraux, permettant entre autres de lutter contre l’isolement et de renforcer le lien social.
Livrables du programme TRESSONS 2024/2025
Table-ronde de l'après-midi : quelles recommandations pour répondre aux grands défis agricoles et ruraux avec l'ESS ?
La table ronde de l’après-midi, organisée en deux parties, a permis de partager de nombreuses recommandations pour répondre aux grands défis agricoles et ruraux avec l'ESS.
« Parole aux acteurs : Répondre aux grands défis agricoles : accès au foncier, emploi inclusif, nouvelles formes d’installation et renouvellement des générations »
Avec Maxime Baduel, Délégué ministériel à l’économie sociale et solidaire, Caroline Dumas, Responsable Installation – Transmission à Terre de Liens, Céline Riolo, Co-Directrice générale de Fermes Partagées et Sarah Solchany, Chargée de mission Accessibilité alimentaire du Réseau Cocagne.
Les intervenants du premier panel ont pu présenter des réponses apportées à trois grands défis identifiés dans le cadre des travaux TRESSONS :
- L’accès au foncier
Le mouvement Terre de Liens rassemble 19 associations territoriales, une foncière et 1une fondation qui lutte contre l’artificialisation des terres agricoles et la spéculation foncière. Afin de supprimer le poids de l'acquisition foncière lors de l'installation et de préserver le foncier agricole, Terre de Liens acquiert des terres (400 fermes – 12000 hectares) en s’appuyant sur l’épargne solidaire, des dons et des donations. Au-delà de l’acquisition de terres via la foncière, Terre de Liens accompagne et soutient plus largement les initiatives foncières associatives et citoyennes ainsi que les initiatives de portage foncier.
- L’emploi inclusif
Le Réseau Cocagne est un réseau de structures d’insertion par l’activité économique a comme activité-support l’agriculture. Environ 100 jardins de Cocagne et 200 structures de l’IAE ont pour support l’agriculture : les jardins du cœur, les fermes pénitentiaires d'Emmaüs, les fermes urbaines des régies de quartier, etc. Les jardins de Cocagne sont un lieu de remobilisation et réinsertion par le travail (7000 emplois) mais également des espaces de production de services (collecte, transformation, vente de paniers solidaires…).
- Les nouvelles formes d'installation et le renouvellement des générations
La société coopérative d'intérêt collectif (SCIC) Les Fermes partagées a été créée pour faciliter et accompagner le développement de fermes sous formes coopératives. Face à la crise de la transmission en agriculture, à l’hyperspécialisation et à la concentration des fermes, Les Fermes partagées cherchent à développer des modèles agroécologiques robustes et transmissibles. La forme collective et coopérative des fermes permet de sortir d’un schéma de patrimonialisation autour du foncier et du bâti, facilite les entrées et sorties, et apporte une protection sociale grâce au statut possible de salarié.
Les recommandations partagées :
La reconnaissance des dirigeants de SCOP, SCIC agricoles comme chefs d’exploitation (aujourd’hui limité aux non-salariés), sous conditions, notamment de l’appartenance majoritaire de la coopérative aux paysans qui y travaillent, afin d’éviter les effets de bords. Les objectifs liés à cette mesure sont :
- L’accès à un certain nombre d’aides
- L’éligibilité aux propositions foncières des SAFER - actuellement les projets en collectif n’étant pas considérés comme des exploitants agricoles, leurs projets ne sont pas éligibles pour les grilles d’attribution du foncier géré par les SAFER.
- Le développement du mouvement des SCIC et SCOP agricoles, encore émergent (21 SCOP et 29 SCIC à objet agricole), qui bénéficierait de cette reconnaissance du statut.
L’importance de travailler sur l’accessibilité au logement pour les travailleurs agricoles et l’habitabilité des territoires ruraux. L’ESS et les collectivités pourraient en effet développer des initiatives en ce sens (nouvelles formes de logements en commun, services à la population, etc.)
La reconnaissance de la pertinence de l’agriculture pour favoriser l’insertion, et donc la création de postes pour permettre notamment aux ateliers chantiers d’insertion de développer leurs activités, en prenant en compte ce que les structures produisent sur les territoires au-delà des chiffres de sorties positives vers l’emploi. Maxime Baduel, délégué ministériel à l’ESS, a précisé que l’emploi agricole était intégré dans les discussions actuelles autour du Fonds d’inclusion dans l’emploi.
« Parole aux territoires : Agir pour la transition agricole avec l’ESS »
Avec Justin Amiot, Conseiller agriculture alimentation, pêche et forêt de Régions France, Rémi Beslé, Vice-Président de Redon Agglomération , Marie-Martine Lips, Vice-présidente de la CRESS Bretagne et Maxime Baduel, Délégué ministériel à l’économie sociale et solidaire
La seconde partie de la table ronde a souligné l’importance de l’échelle territoriale, et du rôle des collectivités pour répondre aux défis agricoles avec l’ESS, depuis l’échelon communal et intercommunal.
Rémi Beslé, agriculteur et vice-président de Redon agglomération et Justin Amiot, en charge de l’agriculture et de l’alimentation à Régions de France ont souligné la capacité d’action des élus, avec par exemple la mise en place d’une “politique agricole communale”, ou de projets agricoles et alimentaire territoriaux, qui permettent de prendre en compte les sujets de foncier, d’installation/transmission, de ressources alimentaires. Les intervenants se sont accordés pour souligner le fait que nul n’a la réponse seul face à l’ampleur des défis et des évolutions du monde agricole, et que seules des démarches multi acteurs sont en capacité d’apporter des réponses. Autre élément de consensus : pas de transformation de l’agriculture en se concentrant uniquement sur le monde agricole. L’économie sociale et solidaire peut être une source d’inspiration pour le monde agricole en termes de modèles de coopération, d’espaces de dialogue entre les différentes agricultures (autour des CUMA, par exemple), de modèles juridiques innovants. L’ESS investit également un certain nombre de filières et de domaines d’activités comme la filière bois-énergie, le logement pour les travailleurs agricoles ou encore les commerces locaux de proximité.
Marie-Martine Lips, vice-présidente de la CRESS Bretagne, soulignait enfin l’importance du maillage territorial de l’ESS en citant l’exemple de la Bretagne qui compte aujourd’hui 5 pôles ESS à l’échelle des pays. Pour avancer sur ces enjeux, il est selon elle nécessaire d’adopter une approche partenariale avec un comité stratégique réunissant les acteurs de l’ESS, la Région, les métropoles, les départements, et les EPCI, et d’inscrire les orientations stratégiques dans la politique régionale.
Les enseignements partagés et les recommandations formulées :
- L’importance d’impliquer davantage les collectivités, avec l’appui des régions, sur les questions de foncier, avec des modèles hybrides allant au-delà de la propriété, et sur les sujets d’innovation, pouvant aller jusqu’à la participation dans les fermes.
- Le soutien à la professionnalisation des néo-agriculteurs en faisant évoluer le contenu des formations notamment celui dispensé dans les lycées agricoles qui est encore pensé pour des personnes issues du monde agricole) la nécessité de “faire système”, de mettre en réseau toutes les solutions portées par l’ESS et ses partenaires, afin de contribuer à changer les imaginaires.
Comme l’a souligné Maxime Baduel, délégué ministériel à l’ESS, en clôture de cette journée, la rencontre a mis en évidence la capacité de l’ESS à se mobiliser pour apporter des solutions innovantes, axées sur la coopération, qui contribuent à renforcer l’action publique, les échanges et propositions de la rencontre permettront d’alimenter la stratégie nationale de l’ESS en cours d’élaboration.
Cette édition du programme TRESSONS se termine, mais la newsletter TRESSONS, lettre d'information des initiatives de l'ESS sur les territoires ruraux, continuera d’être diffusée à la suite du projet.
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