Décryptage
Parole d'acteur

Culture et ruralités

Publié le 29 janvier 2019 - Mise à jour le 11 mars 2019
L’art et la culture en milieu rural participent à dynamiser ces territoires tout en étant de puissants moyens de transformation sociétale. Forts de ce constat, l’association Opale (Centre de ressources Culture du Dispositif local d’accompagnement), la Fédélima (Fédération des lieux de musiques actuelles) et d’autres acteurs ont mené une réflexion afin de mieux accompagner les structures culturelles vers la création et la pérennisation d’emplois et le renforcement de leur utilité sociale sur les territoires ruraux. Opale nous livre ici quelques repères et éclairages sur le potentiel d’innovation sociale de ces structures mais aussi sur les enjeux spécifiques qu’elles rencontrent.

Des défis pluriels pour des ruralités plurielles

Si les territoires ruraux partagent de nombreuses caractéristiques communes, il est plus juste de parler de ruralités plurielles, plutôt que d’une ruralité qui serait uniforme. L’INSEE définit un territoire rural lorsque l’on y trouve moins de 2 000 habitants, mais certains projets revendiquent leur caractère rural même dans des territoires plus habités. La densité d’habitants au mètre carré, la capacité de mobilité et l’environnement (comme par exemple le cas d’une petite ville entourée de montagnes) participent d’un sentiment d’appartenance essentiel à prendre en compte.

Ces caractéristiques induisent des difficultés spécifiques pour les projets culturels. Parce qu’ils souffrent d’un manque de visibilité et que leur répartition est diffuse par nature, les projets culturels sont souvent méconnus, moins bien valorisés et ont moins d’équipements structurants ou d’acteurs ressources à même de les accompagner à proximité. A cela s’ajoutent la baisse de moyens des collectivités (qui sont les principaux partenaires financiers des acteurs culturels), le manque de lieux dédiés (à la diffusion notamment) et le phénomène de concentration des métropoles qui aimantent professionnels de la culture et réseaux tout en attirant davantage de financements.

En plus de cela et du fait de leur proximité avec les habitants, les partenaires publics ont souvent de fortes attentes envers les acteurs culturels en termes de dynamisation et de cohésion des territoires, les plaçant parfois en position de délégation de service public. Ces dimensions sont complexes à intégrer aux projets, tandis qu’en parallèle il leur est d’autant plus difficile de revendiquer la légitimité de projets artistiques dans les programmes de soutien au développement territorial en dehors d’activités touristiques saisonnières.

Enfin, si la faible densité d’habitants est souvent un facteur facilitant pour rencontrer les partenaires ou favoriser le bouche-à-oreille, elle peut aussi s’avérer être un frein quand les relations inter-personnelles sont moins bonnes.

Un rôle central de cohésion territoriale

Malgré toutes ces difficultés, les acteurs culturels (comme d’autres acteurs associatifs d’ailleurs) jouent un rôle non négligeable dans la cohésion territoriale. La dimension bénévole de ces projets est remarquable, avec un engagement qui va au-delà des affinités artistiques et où les personnes sont très souvent engagées dans plusieurs associations.

Ce rôle peut être renforcé par des équipements ou dispositifs structurants comme le DLA (dispositif local d’accompagnement) ou par des fédérations qui facilitent les connexions et les accompagnent. Il n’est pas rare qu’en rassemblant les parties prenantes d’un même territoire autour de la table, la concertation ainsi facilitée laisse la place à de véritables coopérations, voire mutualisations de ressources ou de moyens, démultipliant ainsi l’impact social et territorial des projets.

A ce titre, nous pouvons évoquer le rôle de la Fédélima (Fédération des lieux de musiques actuelles) et de la FAMDT (Fédération des associations et musiques et danse traditionnelles), de THEMAA (Association nationale des Théâtres de Marionnettes et Arts associés) ou encore de l'Ufisc qui animent un groupe de travail sur les projets artistiques et culturels en milieu rural, une plateforme en ligne, et de nombreuses rencontres professionnelles.

Espaces ruraux : terres d’innovation

Si certaines problématiques des milieux ruraux semblent des obstacles difficiles à franchir, ils peuvent aussi être autant de facteurs dynamisants et laissent le champ libre aux expérimentations. Par exemple, face au manque de lieux de diffusion, certains artistes font le choix de l’itinérance et vont à la rencontre des habitants. Ils transforment alors ces contraintes en atouts artistiques avec des cadres uniques, fédèrent les habitants autour de leur projet et renforcent le lien avec leur public. Face au manque de moyens ou de ressources, l’émergence de pôles ruraux d’économie créative sont aussi une preuve de la créativité du secteur et des forts liens avec l’économie sociale et solidaire.

L’innovation s’incarne également dans la mise en place de collaborations transversales entre acteurs issus de différents milieux et partageant le même territoire. Évoquons ainsi le cas des cafés culturels, qui répondent à la fois aux besoins de promotion et de création artistique (tout en n’excluant pas d’autres domaines disciplinaires) et au besoin de cohésion sociale des habitants.

L’impact de l’ESS sur les territoires ruraux est de plus en plus observé et valorisé. Depuis 2018, le Ministère de la culture, conjointement avec le Ministère de la cohésion des territoires, organise des rencontres nationales sur le thème "Culture et ruralités". Une plateforme numérique permettant de recenser et de valoriser les projets culturels en milieux ruraux a également été créée. D’autres projets comme le projet TRESSONS de l’Avise et du RTES voient également le jour. De 2018 à 2020, ce projet vise à analyser et renforcer l’impact de l’ESS sur les territoires ruraux, identifier les leviers d’action et permettre le partage d’expériences entre acteurs des territoires et étudier la manière dont le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et les fonds européens sont ou pourraient être mobilisés pour y contribuer.

Pour conclure

Si les espaces ruraux souffrent parfois d’un certain abandon, ils sont aussi connectés au monde et choisis par de nombreuses personnes qui circulent entre les villes et les campagnes.

Depuis 2015 (suite à la promulgation de la loi NOTRe) "la responsabilité en matière culturelle est exercée conjointement par les collectivités territoriales et l’État". Le changement est donc en cours et les initiatives transformatrices évoluent progressivement pour davantage de co-construction entre les élus et les porteurs de projets.

Différents temps d’échange ont été consacrés à ce sujet ces dernières années et permettent aux acteurs culturels de se rassembler, de prendre conscience de leur expertise commune et de la valoriser. Ils ont contribué à élargir les perceptions et compréhensions des enjeux et besoins spécifiques des projets culturels et artistiques en milieu rural. Aujourd’hui, ils appellent des prolongements !

Article rédigé par l'association Opale


Pour aller plus loin

- Projets artistiques et culturels en milieu rural : www.ruralite.fedelima.org
- Accompagnement DLA de projets de coopération d’acteurs en milieu rural : www.opale.asso.fr
- Article de Vincent Dumesnil (La chambre d’eau) et Réjane Sourisseau (Opale) "Conformer la (re)connaissance des acteurs culturels en territoires ruraux"
- Article de Claire Delfosse et Pierre-Marie Georges, "Artistes et espace rural : l’émergence d’une dynamique créative, 2013"

Thématiques

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