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Éducation, insertion professionnelle : comment l’ESS favorise-t-elle l’égalité des chances ?

Publié le 18 octobre 2019
Mardi 10 septembre 2019, l’Avise organisait, en partenariat avec la Fonda, une rencontre au format "P’tit déj’", consacrée aux défis liés à l’éducation des jeunes et au rôle joué par les acteurs de l’ESS pour y répondre, aux côtés des autres parties prenantes de l’apprentissage ─ notamment l’école, ses professeurs, la famille et les entreprises.

P'tit déj' Avise - Comment l’ESS peut-elle favoriser l’accès à l’éducation pour tous ?

Cette rencontre réunissait Gaël Colin, directeur du développement et des relations investisseurs à la fondation AlphaOmega, Mahfou Diouf, directeur des opérations à Aide et Action, Arnaud Langlois-Meurine, président de l’association Coup de Pouce et Christine Rossignol, cheffe de projet aux Apprentis d'Auteuil et experte du décrochage scolaire. La rencontre était animée par Lauriane Barthélémy, chargée de mission à l’Avise et Bastien Engelbach, coordonnateur des programmes de la Fonda. 

Si l’éducation est obligatoire en France, le système éducatif peine encore à résorber les inégalités, favoriser l’inclusion de tous les jeunes et prévenir le décrochage scolaire. Dans ce contexte, les acteurs de l’ESS (associations d’éducation populaire ou d’insertion professionnelle, fondations), particulièrement présents dans le secteur de l'éducation (5e secteur d'activité de l'ESS) jouent un rôle prépondérant . Ils agissent pour l’égalité des chances et l’émancipation des jeunes, en proposant des solutions complémentaires aux enseignements dispensés à l’école, tout en renforçant le lien entre les différents membres de la « communauté éducative » : l’école, la famille, mais aussi la collectivité et l’entreprise.

Prévenir le décrochage tout au long du parcours scolaire : des interventions adaptées au besoin de l’élève

S’appuyant sur différents travaux d’analyse, la fondation AlphaOmega a recensé les risques de décrochage scolaire dans le parcours de l’élève et les leviers à activer pour les prévenir. Des associations ont développé des solutions adaptées aux difficultés rencontrées par certains jeunes, tout au long de leur parcours scolaire.

À l’école maternelle et en classes primaires, l’étape d’apprentissage des savoirs de base – parler, lire, compter – est un véritable prérequis. Sans ces fondamentaux, la poursuite des études semble inenvisageable. Aussi l’acquisition de ce socle constitue-t-elle un grand levier de prévention de l’échec scolaire. Au collège, des actions sont à mener pour consolider ses savoirs de base, mais également pour développer la confiance en soi des élèves et les inciter à persévérer malgré les difficultés. Au lycée, le décrochage est souvent lié à des problèmes d’orientation : il s’agit alors d’accompagner les jeunes pour leur démontrer qu’ils peuvent prolonger leurs études et développer leurs talents dans les domaines qui les intéressent. La prévention de la future précarité et de l’exclusion sociale peut également passer, pour les 16-25 ans, par l’insertion professionnelle. Dans ce cadre, l’accompagnement associatif vise à apporter des soft skills, ou « savoirs-être », indispensables pour trouver un emploi, s’intégrer dans une équipe etc. Les liens tissés avec le monde de l’entreprise sont, dans ce contexte, très importants également. 

Pour une éducation inclusive, l’importance de parcours individualisés

En France, certains enfants et adolescents rencontrent des obstacles pour accéder à l’école, alors que l’exercice de leur droit à l’éducation est la clé de leur insertion dans la société et bien souvent de celle de leur famille .  Afin qu’en matière d’éducation et d’apprentissages personne ne soit laissé de côté, il est nécessaire de penser des parcours individualisés, prenant en compte le vécu, les besoins et les attentes de l’enfant ou du jeune.

Ainsi, la fondation Apprentis d’Auteuil réalise un travail important auprès de mineurs non accompagnés, au titre de la protection de l’enfance, en proposant, en plus d’une mise à l’abri, un accompagnement éducatif. Dans le cas de ces jeunes, âgés le plus souvent de 16 à 18 ans et dont le parcours migratoire a été difficile, il y a une « dimension traumatique » à prendre en compte dans l’accès à l’éducation.

Si ces jeunes sont particulièrement demandeurs d’école, Apprentis d’Auteuil construit avec chacun d’entre eux des parcours d’apprentissages adaptés à leurs spécificités et leurs besoins. L’orientation vers des formations diplômantes et « de terrain » (CAP, BEP) ouvre les portes de l’insertion professionnelle, mais  il faut, en parallèle, activer « le levier culturel », afin d’aider ces jeunes à insuffler, dans leurs projets professionnel et de vie, leurs propres acquis et expériences. Pour qu’elle conduise à la réussite du jeune, la formation ne peut pas être en rupture avec son passé : il faut créer un continuum, des passerelles entre l’histoire personnelle du jeune et son avenir en France. Une médiation culturelle et artistique peut permettre cela. À titre d’exemple, Christine Rossignol cite l’histoire d’un jeune Afghan qui, ayant appris à broder dans son pays d’origine, a réussi à trouver une activité dans le secteur de la broderie, à Vannes, en Bretagne.

Pour un jeune en difficulté ou qui aurait décroché, un autre levier dans la personnalisation des parcours est de l’interroger sur le sens qu’il donne à son histoire, à sa vie, en tant qu’individu mais aussi vis-à-vis des autres, de son environnement. L’objectif est de lui redonner confiance en sa capacité d’agir.

Agir en partenariats pour construire des communautés de réussite éducative

 « Il faut tout un village pour éduquer un enfant », dit le proverbe africain. Ainsi, donner toutes ses chances à un jeune, c’est pouvoir compter sur l’apport complémentaire de toutes les « parties prenantes » de son éducation ou de son insertion professionnelle.

Un premier frein à lever est celui des visions qui s’opposent en matière d’éducation, selon que l’on soit un parent, un enseignant ou un éducateur associatif. Il est fréquent que ces mondes ne se rencontrent pas, voire nourrissent du mépris ou des rancœurs les uns envers les autres. Ce constat est partagé par les intervenants, qui témoignent du rôle essentiel de « connecteur » que doit endosser l’association. Objectif : comprendre ensemble les problématiques et chercher à les résoudre collectivement.

La fondation des Apprentis d’Auteuil met ainsi en place des temps pédagogiques réunissant enseignants et éducateurs, pour les amener à mieux se connaître et identifier des complémentarités d’action possibles.

Aide et Action réalise depuis 2009 des actions en partenariat avec la Maison de l’éducation du Val d’Oise autour de différentes problématiques éducatives : elles ont ainsi organisé des événements de sensibilisation, des journées de formation à destination des enseignants et des groupes de réflexions autour de la relation école et famille . Cette mise en commun des savoirs et expériences a permis d’ancrer davantage l’école dans son territoire, en ouvrant celle-ci aux parents et aux acteurs associatifs. À l’échelle de la ville s’est ouvert un dialogue favorisant l’interconnaissance entre toutes les parties prenantes. Ayant identifié ensemble les défis majeurs à résoudre, les groupes de travail influent aujourd’hui plus significativement sur les projets et politiques de la ville.

Coup de pouce quant à elle fédère ainsi autour d’elle municipalités et Éducation nationale pour déployer, sur différents territoires, des dispositifs d’accompagnement périscolaires et péri-familiaux. Pour Arnaud Langlois-Meurinne, « la réussite éducative nécessite un engagement solidaire de l’ensemble des partenaires ». Le dispositif des Cités éducatives, actuellement en cours de déploiement, entend répondre à cet enjeu.

Par ailleurs, l’entreprise est un acteur à placer au cœur des dispositifs de formation et d’insertion des jeunes adultes. L’enjeu est de créer de la motivation. Beaucoup d’actions existent, prenant diverses formes : intervention de représentants d’entreprises en classe, stages, tutorats (comme le fait l’Institut Télémaque ou United Way L’Alliance), dispositifs d’accompagnements spécialisés en pédagogie « active » (comme les Écoles de la deuxième chance), création d’entreprises fictives ou réelles en classe (comme le fait l’Esper)…

Enfin, les fondations sont des acteurs-clés. Par leur mécénat, elles permettent d’améliorer l’efficience des dispositifs mis en place, en agissant de différentes manières et sur plusieurs années, comme le fait la fondation AlphaOmega aux côtés de l’association Coup de Pouce : audit stratégique, soutien financier, mécénat de compétences (missions de pro bono auprès de l’association par exemple)…

Pour une approche globale et innovante de l’éducation

Tous les intervenants convergent sur ce point : avant d’être formelle, l’éducation est globale. Les enfants sont, comme tout individu, des êtres « en relation » avec l’ensemble du monde qui les entoure, à l’école et en dehors. Tout est lieu d’apprentissages. Il faut penser l’éducation dans cette approche globale, sinon « on formate, mais on ne forme pas », témoigne Christine Rossignol. Les associations et les fondations doivent concevoir des programmes qui prennent en compte les enjeux multiples que revêt l’éducation : savoirs, savoirs-être, éthique et citoyenneté, vivre-ensemble, etc. Dans ce cadre, le bénévolat ou le volontariat est également une piste pour favoriser le développement des compétences, du pouvoir d’agir et de l’émancipation des jeunes. De même, une éducation globale, c’est une éducation qui se pense au sens individuel mais aussi collectif.

Par ailleurs, il semble qu’il faille ouvrir le monde de l’éducation pour innover, en dépassant les habitudes et en repensant les dispositifs institutionnels. Mahfou Diouf évoque les projets d’Aide et Action qui se sont construits et développés à partir de l’observation, dans le monde entier, de pratiques locales alternatives et inspirantes. Christine Rossignol se demande pourquoi, par exemple, ne pas imaginer un laboratoire d’idées dans chaque établissement scolaire, porté à la fois par les enseignants, les élèves, leurs parents et d’autres acteurs ? « Le monde associatif est très vaste, et également très ingénieux », témoigne Gaël Colin, « les solutions émergent en croisant les mondes et les idées ».

>> Pour aller plus loin sur le sujet, découvrez le Dossier thématique « ESS & éducation » de l'Avise
>> Retrouvez aussi la Tribune Fonda n°242 « Favoriser l'accès de tous à l'éducation » de la Fonda

Cette synthèse a été rédigée par Claire Rothiot, chargée de communication de la Fonda.

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