Décryptage
Financement participatif

Financer l'ESS : les régions s'emparent de la finance participative !

Publié le 30 mai 2018 - Mise à jour le 14 mai 2021
Avec 336 millions d'euros de fonds collectés en France en 2017 [1], le crowdfunding se développe considérablement. Nouvelle modalité de financement de projets pour les collectivités, instrument de rayonnement territorial et puissant vecteur de dynamisme économique et social, son potentiel apparaît encore sous-exploité.

Un outil au service des compétences de la collectivité

Le crowdfunding ou “financement par la foule” offre différentes modalités de financement de projets à vocations économique, sociale ou culturelle. Il peut s’agir de participation au capital d'entreprises mais il est également possible aux citoyens de contribuer en prêts ou en dons aux projets associatifs et… à ceux portés par les collectivités territoriales. En effet, depuis le décret du 16 décembre 2015, les collectivités peuvent désormais financer leurs projets en faisant appel aux habitants. Fléchant prioritairement les projets de service public à vocation culturelle, éducative, sociale ou solidaire, ce texte fait du financement participatif un outil au service du développement social et économique des territoires.

Première plateforme dédiée au financement de projets portés par les collectivités, Collecticity référence actuellement une trentaine d'initiatives locales. « Pour l’instant ces initiatives émanent essentiellement de communes ou d’intercommunalités avec des campagnes de dons ou de prêts avec ou sans intérêt(s) » explique Julien Quistrebert, son co-fondateur. « Valorisation du patrimoine historique, équipements culturels, et service de livraison intra-urbain écolo, les petites collectivités ont de vrais besoins en financement pour ce type de projets. Les régions ne portent pas encore de projets, mais l’idée doit suivre son chemin dans les conseils régionaux », poursuit-il.

Un outil de dynamisation et d’animation territorial

Olivier Sanch, responsable collectivités et acteurs publics chez KissKissBankBank passe une grande partie de son temps à expliquer aux collectivités les vertus qu’offre le Crowdfunding. « Il permet d’une part aux collectivités d’impliquer les citoyens dans leur projet, de le tester et, le cas échéant, de l’améliorer. Les projets financés par crowdfunding permettent par ailleurs aux habitants de sortir d’une posture passive ou consommatrice pour se sentir véritablement acteurs de leur territoire ».

Consciente de ces enjeux, Financement Participatif France (FPF), association de référence qui réunit l’écosystème du secteur a mis à disposition de tous les acteurs locaux, et notamment des collectivités un Guide du financement participatif pour le développement des territoires. « Le financement participatif fait indéniablement partie de la palette de solutions que les collectivités, notamment les Régions, ont intérêt à promouvoir en complément des dispositifs qu’elles offrent déjà, comme les aides à la création d’entreprises », indique Florence de Maupeou, coordinatrice générale de l’association. « Au-delà des aspects financiers, le financement participatif constitue un véritable outil au service du lien social, du développement économique et de la création de communautés actives autour des projets locaux ».

Si les Régions et les Départements ne se sont pas encore approprié l’outil pour financer leurs propres infrastructures et projets, il n’en demeure pas moins que certaines ont compris l’intérêt du financement participatif en termes de dynamisation de l’écosystème économique et social du territoire.

« Le crowdfunding est un formidable outil de marketing territorial, complète Julien Quistrebert de Collecticity. Le digital offre des possibilités de présentation sur les plateformes dynamiques et interactives qui permettent aux projets de rayonner bien au-delà de leurs frontières. Il permet aussi aux collectivités de capitaliser sur la dynamique des campagnes en cours sur leur territoire et de toucher une jeunesse plus hermétique aux supports de communication classiques », précise-t-il.

Des collectivités pionnières

Certaines régions sont pionnières en la matière, proposant des outils d’accompagnement au crowdfunding et labellisant des projets exposés sur des plateformes développées avec des partenaires spécialistes de l’accompagnement de projets. Ainsi, la Nouvelle-Aquitaine est partenaire de la plateforme associative Jadopteunprojet.com qui présente 150 initiatives locales ayant réunis 5750 contributeurs pour un montant collecté total collecté de plus de 410 000 euros (voir l'article sur le sujet).

La Région Hauts-de-France de son côté est partenaire de la plateforme tellement-pret.com propulsée par le réseau Initiative Hauts-de-France et hellomerci, système de prêts sans intérêt entre particuliers. Maryse Fagot, Première vice-présidente à l’aménagement du territoire et à la transition énergétique de la Région Hauts-de-France a en effet bien repéré l’intérêt stratégique de ce nouvel outil : « Les études menées dans le cadre de la dynamique Rev3 engagée par la Région avec la Chambre de commerce autour du concept de 3ème révolution industrielle conçue par J.Rifkin ont largement mis en évidence le rôle d’avenir du financement participatif », indiquait-elle lors de son intervention au séminaire Finance Participative et Territoires du 7 novembre organisé par FPF en partenariat avec la Région.

La Région Bretagne aussi investit dans le crowdfunding. Elle a notamment cofinancé la plateforme de financement participatif bretonne gwenneg.bzh à hauteur de 100 000 euros sous forme d’avances remboursables. L’objectif de cette opération est de maintenir 3000 emplois sur le territoire par le financement de 300 projets. Par ailleurs, depuis 2015, la collectivité apporte dans le cadre d’un appel à projets un soutien financier de 4000 euros aux projets déposés par les jeunes de 18 à 29 ans sur les deux plateformes régionales (voir la fiche dispositif).

Le financement participatif pourrait être un outil au service du mandat des régions en leur permettant de jouer un rôle dans les transitions écologique, numérique ou encore politique qui sont à l’œuvre. Mais l’outil apparaît sous exploité. « Nous n’avons pas de données formelles faute d’étude sur le sujet, mais il semble qu’au-delà de la curiosité suscitée, les régions ne sont pas encore tout à fait converties alors qu’il s’agit d’un outil de la réallocation de l’épargne des Français au service de l’économie réelle », explique Florence de Maupeou de FPF. « Quelques régions nous ont contacté pour se renseigner mais le mouvement en est encore à son commencement, confirme Julien Quistrebert. Des aménagements législatifs et une meilleure information seront sans doute encore nécessaires pour libérer totalement le potentiel du crowdfunding », conclut-il.

Rudy Pignot-Malapert

[1] + 44% par rapport à 2016 - Baromètre du crowdfunding en France 2017 réalisé par KPMG pour FPF

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