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La conférence "Comment l’innovation sociale répond-elle aux enjeux de santé dans les territoires ?"

Publié le 06 avril 2020
Mardi 3 mars 2020, la Fondation Crédit Agricole Solidarité Développement (FCASD) et l’Avise ont organisé une conférence sur les enjeux dans les territoires et le rôle qu'y joue l'innovation sociale. 110 acteurs de l’économie sociale et solidaire ont pu ainsi échanger et s’inspirer des projets et dispositifs innovants présentés ! Retour sur les grandes séquences de cet événement.

Rôle des associations dans la réponse aux besoins des territoires en matière de santé

Les associations représentent une grande partie du secteur de la santé et de l’action sociale en France. Selon une étude du Mouvement associatif de 2016 et sur les 1,3 million d’associations dans le secteur, 70% des structures d’aide à domicile, 75 % des maisons de retraite et 10% des hôpitaux sont sous forme associative.  
Roger Sue, sociologue professeur des universités à l’Université de Paris, était invité à intervenir en ouverture de la conférence afin d’apporter son regard sur l’évolution récente des enjeux de santé en lien avec l’essors actuel des associations. A ce sujet, il dégage trois constats : 

  • Une extension du périmètre de la santé (bien-être, forme psychologique, avoir envie, etc.) ; 
  • Une aspiration des individus vers de plus en plus de biens communs ; 
  • Le développement de la santé et du bien-être des salariés comme enjeux de performance pour les employeurs. 

Face à ces constats, un phénomène d’« associativité » est observable soit une forte dynamique de création d’associations, qui répondent notamment aux enjeux de santé dans les territoires. 

Retour sur 3 projets socialement innovants en santé

Un objectif majeur de la conférence était de mettre en valeur l’action d’associations qui répondent aux besoins des bénéficiaires dans les territoires. Pour cela, 3 structures lauréates des appels à projets de la FCASD étaient invitées à témoigner afin d’inspirer et de créer des synergies avec les autres structures d’utilité sociale présentes.

1/ Médecins du monde dans l’Aude représenté par Damien Nantes, coordinateur régional Languedoc Roussillon

Le projet porté par l’antenne de Médecins du Monde dans l’Aude est un projet de médiation en santé en zone rurale dont l’objectif est de favoriser l’accès à la santé (état complet de bien-être physique, mental et social) des personnes précaires dans un territoire au taux de chômage et de pauvreté élevés.

Afin de favoriser l’accès aux soins des personnes en précaires, l’association met en place :

  • 5 permanences médico-sociales décentralisées avec entretiens santé et accompagnement vers les droits de manière décentralisée.
  • Un rapprochement des lieux déjà fréquentés par les personnes précaires, notamment de distribution alimentaire (Restos du cœur). 
  • Des modes d’actions adaptés aux personnes, tels que des visites à domicile ou maraudes impliquant l’appui des relais communautaires facilitant l’accès à des personnes en habitat non conventionnel (tentes, squats, grottes). 
  • Un réseau de santé-précarité avec des professionnels de la santé et du social dont l’interaction professionnels génère une meilleure capacité de prise en charge.

2/ Habitat et Humanisme et le Centre Léon Bérard représenté par le Dr Emile Hobeika, directeur médical de la Pierre Angulaire 

Le projet porté par Habitat et Humanisme et le Centre Léon Bérard est de développer un accueil réservé aux malades bénéficiaires de l’hospitalisation à domicile sans logement adapté à ce dispositif. En effet, le centre Léon Bérard avait constaté que des patients pouvant bénéficier de l’hospitalisation à domicile ne le faisaient pas faute de conditions de logement adaptées (SDF, domicile insalubre, sans aidant), et restaient en milieu hospitalier. Pour répondre à ce besoin, la Pierre angulaire (branche spécialisée dans les EHPAD chez Habitat et Humanisme) a mis à disposition des lits dans un EHPAD à proximité pour les patients concernés.
Le patient est pris en charge par l’équipe de l’hôpital et de l’EHPAD, l’équipe du Centre Bérard assure en continu la formation du personnel de l’EHPAD. Un accompagnement social et humain est proposé, avec des repas pris en commun, des animations, des ateliers artistiques et des temps d’écoute et de soutien par des bénévoles en plus de l’accompagnement en santé, permettant de rompre l’isolement.

En quelques chiffres :

  • 20 malades accueillis depuis mars 2019, pour une durée de séjour d’environ 60 jours
  • Une moyenne d’âge de 50 ans : l’EHPAD a demandé une dérogation à la Métropole afin d’accueillir des personnes de moins de 60 ans
  • 4 lits dédiés durant l’expérimentation avant d’étendre le dispositif
  • Accompagnement gratuit pour les patients concernés
  • Coût de l’accompagnement : 300€ / personne contre 1500€ de coût d’hospitalisation au centre Bérard 
  • Déploiement prévu sur Nantes et Toulouse

3/ Association François Aupetit représenté par son directeur Alain Olympie

Le projet porté par l’association François Aupetit est une plateforme numérique MICI Connect sur ordinateur et smartphone à destination des personnes concernées par les MICI (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin) qui touchent 250 000 personnes en France. Cette plateforme, créée par les malades pour les malades avec l’appui d’un comité scientifique, permet aux personnes d’apprendre à vivre avec la maladie. A ce jour, 6500 personnes se sont inscrites sur la plateforme et l’utilisent.
La plateforme vient en complémentarité d’un parcours de soin classique car elle répond aux manques de temps et de disponibilités des praticiens. La plateforme permet d’entretenir une continuité du parcours de soins et une entraide entre personnes atteintes des MICI. Différents parcours ont été pensés, proposés par des patients, qui permettent de mieux connaître la maladie.

Zoom sur l’article 51 : un dispositif pour innover dans le domaine de la santé

Afin de répondre au mieux aux besoins des bénéficiaires dans les territoires, les associations développent des solutions innovantes dans le domaine de la santé (améliorer le parcours des patients, l’efficience du système de santé, l’accès aux soins). Au local, ces initiatives innovantes ne peuvent pas toujours rentrer dans le droit commun. C’est pourquoi, afin de soutenir le développement de ces innovations, la loi de financement de la sécurité sociale de 2018 a introduit un « dispositif des expérimentations pour l’innovation dans la santé », appelé communément « article 51 », permettant de déroger à plusieurs règles de financement de droit commun dans le cadre d’expérimentations de nouvelles approches et ce, sous condition de sélection. Cette disposition se base notamment sur le besoin de différenciation territoriale qui permet de répondre à des problèmes locaux indépendamment des règles imposées par les Agences régionales de santé (ARS) et le Ministère de la Santé.

Yannick Leguen, directeur de l’innovation, la recherche et la transformation numérique de l’ARS Ile-de-France et Guillaume Alsac, directeur de l’association Soignons Humain, bénéficiaire de ce dispositif, étaient invitées à détailler les modalités de l’article 51 et à les illustrer avec un exemple concret.

Le contexte général du dispositif de l’article 51 

  • Une gouvernance double : (1) au niveau national pour les projets muti-territoriaux piloté par l’équipe nationale expérimentation d’innovation en santé et (2) au niveau régional avec des référents au sein de chaque Agence régionale de santé
  • Un accompagnement des expérimentations sélectionnées via un système d’accélérateur mis en place avec des experts de l’Assurance Maladie, le Ministère de la Santé, l’ARS concernée et des porteurs de projets et avec l’appui d’un coach en innovation sociale.
  • 60 projets autorisés dont 40% sont portés par des associations. A l’échelle de l’Ile-de-France, cela représente 120 000 bénéficiaires.
  • Les thématiques sont diverses : prévention, renforcement du pouvoir d’agir, entrée de nouvelles professions dans les parcours de soin (éducateurs sportifs, psychologues, etc.).
  • Pour chaque projet autorisé par le dispositif, une évaluation externe est menée afin de suivre les résultats et d’arbitrer en fin d’expérimentation de leur généralisation dans le droit commun selon les conclusions des évaluateurs.

L’exemple de l’association Soignons Humain, projet soumis au comité national Article 51

L’association Soignons Humain accompagne les professionnels de santé sur la levée des freins au travail en équipe et au déploiement d’une approche intégrale de la santé.  Pour l’association, les infirmiers libéraux à domicile ont vocation à prendre en charge intégralement les besoins d’une personne. Cependant, le mode de rémunération à l’acte engendre une visée productiviste et une démultiplication des actes, et par ailleurs la non prise en compte d’un certain nombre d’interventions nécessaires aux patients. C’est pourquoi Soignons Humain a lancé une expérimentation auprès de 100 infirmiers libéraux dans le cadre du dispositif de l’article 51 au niveau national : 

  • Le principe : mettre de côté le schéma de droit commun de rémunération d’un infirmier libéral à l’acte pour tester une rémunération au temps passé, décidé par l’infirmier, pour assurer l’ensemble des interventions nécessaires incluant de la prévention, de l’éducation thérapeutique, etc. 
  • La durée de l’expérimentation : déploiement d’ici l’été 2020, projet soutenu de 2019 à 2022 (3 ans)
  • Les territoires de l’expérimentation : 100 infirmiers en Occitanie, Hauts-de-France et Ile-de-France

Pour l’expérimentation portée par Soignons Humain, un évaluateur externe a été missionné par l’Assurance Maladie et l’ARS. L’objectif de Soignons Humain est de prouver la décroissance du besoin de soins des patients suivis par les infirmiers de l’expérimentation grâce à une meilleure prise en charge au départ : des visites plus longues mais aussi plus globales et qualitatives qui permettent aux infirmiers de devenir « inutiles » plus rapidement.

Journée du 3 mars 2020 : lancement du partenariat entre la FCASD et l’Avise

Toutes les deux désireuses de soutenir les innovations sociales dans le secteur de la santé et de contribuer à leur croissance, la FCASD et l’Avise ont lancé un programme d’accompagnement dédié s’ouvrant par la journée du 3 mars 2020. Les objectifs de cette journée de lancement étaient à la fois de permettre l’échange et la mise en réseaux des porteurs de projets d’innovation sociale en matière de santé durant la matinée de conférence puis d’identifier les besoins encore mal couverts afin d’y répondre par de l’outillage, de l’orientation ou par l’impulsion de dispositifs d’accompagnement durant une après-midi de groupes de travail entre associations.

La Fondation Crédit Agricole Solidarité Développement

 La FCASD a été créée en 2014 avec pour mission de « favoriser l’autonomie socio-économique des personnes » et ce, en agissant sur 4 piliers : (1) l’insertion sociale, (2) l’insertion professionnelle, (3) l’accès au logement, (4) la santé et le bien-vieillir.
Grâce à son réseau d’une soixantaine de responsables mécénat en région et des fonds de dotation, et avec le soutien de La médicale (filiale de Crédit Agricole Assurances) et la Caisse d'Assurances Mutuelles du Crédit Agricole (CAMCA), des appels à projets sont lancés chaque année sur différentes thématiques santé telles que la lutte contre désertification médicale, la lutte contre renoncement aux soins ou encore la santé pour tous grâce au numérique. Au total, ces appels à projets ont permis à laFondation de soutenir 77 structures pour 1,5 million €.
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L'Avise, agence d'ingénierie pour entreprendre autrement

L’Avise a pour mission de développer l’économie sociale et solidaire (ESS) et l’innovation sociale en France, en accompagnant les porteurs de projet et en contribuant à structurer un écosystème favorable à leur développement.
Créée en 2002, l’Avise est une agence collective d’ingénierie qui travaille avec des institutions publiques et des organisations privées soucieuses de contribuer à l’intérêt général.
L’Avise intervient à chaque étape de la vie d’une entreprise de l’ESS, de l’émergence à la maximisation de son impact social, en produisant des outils, en animant des communautés d’acteurs des territoires et en construisant des programmes d’accompagnement dédiés.
> Plus d’infos 

ESS & Santé : un nouveau dossier thématique publié sur Avise.org

Augmentation des coûts de santé, vieillissement, évolution des pathologies, inégalités d’accès aux soins…  Le système de santé français doit aujourd’hui s’adapter pour perdurer et renforcer son action. Historiquement très présentes dans ce domaine, les structures de l’écnonomie sociale et solidaire (ESS) poursuivent leurs actions et innovent pour permettre à chacun d’accéder aux soins et à la prévention.
Réalisé par l’Avise, avec le soutien du Fonds social européen, du Haut-commissaire à l’Économie sociale et solidaire et à l’innovation sociale et de la Banque des Territoires, le Dossier ESS et santé apporte des clés de compréhension et d’action afin qu’un plus grand nombre d’acteurs de l’économie sociale et solidaire créent et développent des initiatives dans le domaine de la santé et du bien-être.
%20https://www.avise.org/actualites/le-dossier-ess-et-sante-est-en-ligne" target="_blank">> En savoir plus 

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