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L'avenir des territoires ruraux est-il social et solidaire ?

Publié le 20 mai 2020 - Mise à jour le 28 mai 2020
À travers leur webinaire du 7 mai 2020, l'Avise et le RTES ont présenté les résultats intermédiaires du programme TRESSONS, conduit de 2018 à 2021 pour renforcer l'ESS dans les territoires ruraux. Quand la transition écologique et solidaire est dans tous les esprits, cette « autre » économie semble offrir un projet alternatif intéressant pour les ruralités, qu’il convient néanmoins d’accompagner. Décryptage.

Comme l'a introduit Lucie Gras, déléguée générale d'ESS France, les structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) sont aujourd'hui parmi les premières à s'engager dans la construction de réponses face à la crise actuelle, à court-terme comme à moyen et long-terme. Comme elle le précise, "les organisations de l'ESS sont au coeur des dynamiques collectives de transition des territoires", notamment par leur mode d'action fondé sur la coopération, l'associastionisme ou le mutualisme, leur fort ancrage territorial, ou encore le caractère non-délocalisable de leurs activités, etc.

Ces caractéristiques découlent de leur raison d'être , fondée sur la recherche de l'intérêt général ou collectif. "L'ESS, c'est l'expression d'une dynamique collective de personnes engagées dans la réalisation d'un objet social commun, elle correspond à l'envie des habitants de se réapproprier leur avenir, la réponse à leurs propres besoins, de se réapproprier l'économie."

Ces propos sont confortés par les premiers résultats du programme TRESSONS, mené de 2018 à 2021 par l'Avise et le RTES pour analyser et renforcer l'ESS dans les territoires ruraux, avec l'appui du FEADER, du Réseau rural national et de la Banque des territoires. Illustration.

L'ESS, historiquement implantée dans les territoires ruraux

Si l’économie sociale et solidaire est historiquement implantée dans les territoires ruraux du fait de la coopération agricole, de l’éducation populaire et de l’action sociale, elle a plus récemment investi de nouveaux champs d’activité suite à la désindustrialisation et au développement de l’économie présentielle, sachant s’adapter aux besoins des territoires ruraux.

Comme l’a soulevé l’étude « L’économie sociale et solidaire dans les territoires ruraux » (Avise, RTES, CNCRESS, 2019), l’ESS représentait en 2015 près de 18% des emplois privés ruraux. Par ailleurs, entre 2008 et 2015, la croissance de l’emploi dans l’ESS atteignait 4,9% quand, au contraire, l’emploi privé hors ESS chutait de 4,1%. Comment l’expliquer ?

La jonction entre l’innovation sociale citoyenne et l’innovation sociale entrepreneuriale

À travers ses principes de gouvernance démocratique, de lucrativité limité et d’utilité sociale, l’ESS répond aux aspirations des habitants (mais pas que) en matière d’engagement pour leur territoire et permet la formalisation des logiques collectives qui en émanent.

Ainsi, des dynamiques citoyennes informelles trouvent dans l’ESS un cadre favorable d’expression, comme l’illustrent les nombreux exemples de collectifs d’habitants mobilisés contre la fermeture d’un service sur leur commune et ayant créé une association ou une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) pour relancer l’activité. C’est par exemple le cas du café associatif La Cambuse en Ille-et-Vilaine, mis en avant dans la monographie « Territoire d’innovation sociale ».

Des services et du lien social essentiels à l’attractivité des territoires

Dans les territoires ruraux, l’ESS représente près de 56% des effectifs dans le champ de l’action sociale, 50% dans les sports et loisirs, 27% dans les arts et spectacles et 24% dans la santé. Autant de secteurs essentiels à l’attractivité des territoires, pourtant trop souvent sous-valorisés du fait de leur impact économique parfois indirect.

Hors, si certains territoires peinent à attirer de nouveaux actifs bien qu’ayant des postes ouverts, c’est aussi par manque d’activités qui concernent directement le bien-être des habitants et génèrent du lien social.

Des modèles innovants qui irriguent l’économie de proximité

Les structures de l’ESS, notamment les associations et les coopératives, s’avèrent de véritables laboratoires d’innovation sociale, faisant du lien aux habitants et au territoire une force pour réinventer leurs actions.

En recherche permanente de réponses nouvelles aux enjeux locaux et mobilisant des ressources hybrides (publiques, privées, bénévoles), les structures de l’ESS sont souvent pionnières et initient des projets innovants au cœur des transitions et des filières d’avenir telles que l’économie circulaire ou l’alimentation durable. Les coopératives d’installation en agriculture paysanne se sont, par exemple, inspirées du modèle des Coopératives d’activité et d’emploi pour accompagner les projets agricoles innovants.

L’implication dans l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies territoriales

La culture collaborative inhérente aux organisations de l’ESS en fait des partenaires privilégiés de l’élaboration et la mise en œuvre des projets de territoire aux côtés des collectivités locales. Comme le souligne Emmanuelle Rousset, vice-présidente du Département Ille-et-Vilaine, "l'ESS, c'est du multi-parties prenantes, ce qui en fait sa richesse. L'ESS propose des réponses durables aux problématiques qui se posent sur un territoire, au Département nous avons retravaillé notre politique de soutien à l'ESS pour en faire un outil de développement local."

Cette contribution se retrouve par exemple dans l’élaboration des Schémas de cohérence territoriale, la mise en place des Contrats de ruralité ou encore celle du programme LEADER (Liaison Entre Action de Développement de l’Economie Rurale), à travers leur participation aux Groupes d’action locale.

Les structures de l’ESS partagent également leur savoir-faire au service d’autres projets du territoire, développant fréquemment une ingénierie d’accompagnement de projets en parallèle de leurs actions premières, comme c’est le cas des Familles rurales ou de certains PTCE.

Un déficit d’ingénierie d’accompagnement

Afin de renforcer cette dynamique, de nombreux freins restent à lever. Parmi ceux relevés durant le Forum de la ville durable, l’Agora des Colibris et les Rencontres nationales de la coopération LEADER, on retrouve par exemple l’essoufflement du bénévolat et la faiblesse des salaires, le manque de crédibilité accordée à l’ESS ou encore la formation des élus locaux. Autre problématique centrale : le déficit d’ingénierie d’accompagnement. En effet, les porteurs de projets et les petites associations demeurent isolés, loin des réseaux d’appui spécialisés. Si certains programmes accompagnent les projets formalisés, l’accompagnement aux premiers pas fait bien souvent défaut. Par ailleurs, de plus en plus de projets relèvent de la pluriactivité, et les accompagnateurs à l’expertise sectorielle (agriculture, commerce, artisanat) se retrouvent démunis face ces nouveaux modèles.

Pour y répondre, l’Avise a notamment lancé via le programmeTRESSONS un groupe de travail ouvert autour de l’accompagnement des projets d’ESS en milieu rural : le Collectif Créa'Rural

>> Télécharger le support de la conférence

>> Revoir le webinaire

Programme TRESSONS

Thématiques

Économie sociale et solidaire
Ruralité

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