Décryptage
La relance des PTCE

Le nouveau printemps des Pôles territoriaux de coopération économique

Publié le 12 avril 2021 - Mise à jour le 15 avril 2021
Depuis 2017 et la fin des appels à manifestation d'intérêt, les Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) ont du trouver d'autres moyens pour continuer leur action. Rachid Cherfaoui et Damien Gaucherand, dirigeants de deux PTCE engagés dans la transition écologique de leur territoire, expliquent comment ils ont fait et ce qu'ils attendent de la relance d'une politique PTCE annoncée par la Secrétaire d'Etat Olivia Grégoire.
Damien Gaucherand, directeur du PTCE InnoVales en Haute-Savoie
Rachid Cherfaoui, président de La Maison de l'économie solidaire du Pays de Bray (Oise)

L'actualité des PTCE

Le 8 janvier 2021, la secrétaire d'Etat à l'Economie sociale, solidaire et responsable Olivia Grégoire recevait des mains de Hugues Sibille, président du Labo de l'ESS, un état des lieux et des préconisations pour relancer la dynamique des PTCE. Selon le rapport du Labo de l'ESS, 74 PTCE ont été créés depuis 2013 dont 56 sont toujours actifs. Environ 70 % des PTCE disposent d'un budget dédié qui oscille entre 27 000 et 750 000 euros (pour 42 % d'entre eux, il est inférieur à 100 000 euros).

La lutte contre les inégalités sont au cœur de leur motivation, notamment par la création d'activités et de filières génératrices d'emplois locaux dont une partie permettent l'insertion de personnes éloignées du marché de l'emploi. Ces activités viennent répondre aux besoins non-couverts sur le territoire et sont très souvent connectées avec les secteurs clés de la transition écologique : agriculture durable, alimentation de qualité, transition énergétique, mobilité douce, etc.

« Enraciner la coopération prend du temps »

Qu'espèrent les PTCE de ce renouvellement du soutien gouvernemental ? Rachid Cherfaoui, président de La Maison de l'économie solidaire du Pays de Bray (Oise) et Damien Gaucherand, directeur du PTCE InnoVales en Haute-Savoie, espèrent d'abord une plus grande stabilité des politiques publiques. « Nous avons fondamentalement besoin d’une politique simple et inscrite dans la durée. Enraciner la coopération dans les pratiques demande du temps », résume Damien Gaucherand.

InnoVales et La Maison de l'économie solidaire font partie des PTCE pionniers. Ils ont été initiés avant même la loi cadre de 2014  qui leur a donné un cadre légal par des acteurs de l'insertion et œuvrent à la transition écologique de leur territoire. Dans le très rural Pays de Bray, cela a commencé par le développement d'une filière d'écoconstruction associant entreprises de l'économie sociale et solidaire, artisans et PME. En Haute-Savoie, le niveau élevé de pollution de l'air atteint dans la vallée de l'Avre imposait l'objectif d'inverser la courbe par l'émergence d'alternatives au pétrole (habitat, mobilité, alimentation).

« Nous avons survécu parce-que nous avions été attentifs, très rapidement, à nous assurer 50 % de nos ressources issues de nos activités, l'autre moitié provenant du fonds d'amorçage », explique Damien Gaucherand. A la Chapelle aux Pots (Pays de Bray), l'inclusion au cœur du PTCE d'un bureau d'étude au service de la filière écoconstruction a permis, là-aussi, de dégager des ressources propres et garantir une relative indépendance économique.

Financer la Recherche et Développement sociale

Ensuite, il a fallu penser l'architecture du financement. Rachid Cherfaoui explique : « il y a trois dimensions : l'animation territoriale, l'ingénierie de projet et la recherche et développement (R&D) ». Selon lui, les départements et collectivités intercommunales sont en capacité de financer l'animation via leur compétence de promotion de l'expérimentation à des fins sociales. La Région, elle, peut soutenir l'ingénierie de projets socioéconomiques via l'appui à des bureaux d'études qui accompagnent les PTCE sur des projets structurants.

Vient ensuite la R&D qui reste le point noir de cette architecture du financement : « Nous sommes capables de nous autofinancer au moins en partie en réinvestissant les excédents de l’activité du bureau étude. C'est un vrai choix des salariés et des membres de la Scic sur le partage de la valeur. Mais, il faudrait créer les outils de financement de la R&D sociale. Nous avons besoin de l'appui de chercheurs, or nous n'avons pas accès aux financements classiques comme le Crédit impôt recherche ou le financement de thèses via le CIFRE. »

Prendre en compte les charges d'ingénierie

Autre difficulté : financer le fonctionnement. A la Maison de l'économie solidaire comme chez InnoVales, le financement du quotidien, à commencer par la juste rémunération des emplois est un défi. Si l'engagement bénévole est précieux et nécessaire, tout comme l'apport des étudiants en alternance sur l'ingénierie de projet, « il serait bon d'avoir la capacité de pérenniser le travail de certains alternants » selon Rachid Cherfaoui. « L'alternance c'est super, mais on s'achète de la matière grise pour pas cher !, renchérit le directeur d'InnoVales. Et l'énergie des bénévoles n'est pas infinie ».

Pour Damien Gaucherand, « il faut convaincre les services de Bercy pour que les charges d’ingénierie soient clairement identifiées dans les appels à manifestation d'intérêt (AMI) et qu'on arrête de ne financer que de l'investissement. ». Le Haut-savoyard a vu s'allumer une lueur d'espoir récemment : l'AMI gouvernemental Fabrique de territoires qui a rendu son verdict en début d'année pour mailler le territoire de tiers-lieux, prévoit expressément de financer le fonctionnement en phase d'amorçage.

Accompagner la gouvernance interne

La fin du soutien gouvernemental aux PTCE est intervenue alors qu'une cellule d'animation nationale des PTCE devait être installée. Le rapport du Labo de l'ESS remet cette action sur le dessus de la pile. Damien Gaucherand salue la nécessité de soutenir le travail de réseau pour « renforcer le maillage des expérimentations territoriales. Mais attention cette animation doit prendre en compte que les PTCE sont très divers. Là où ils convergent c'est sur un partage de valeurs ».

Rachid Cherfaoui, lui imagine « des tiers lieux de recherche où trois, quatre PTCE se retrouvent sur des programmes mutualisés ». Pour faire quoi ? Pour avancer sur les processus de coopération et partager les modèles de gouvernance interne. « Nous avons besoin d'aide pour définir ce qu'est un contrat de coopération », estime le directeur d'InnoVales qui a pris le statut associatif.

Le Pays de Bray, lui, a opté très vite pour le statut de Scic. « Sans ce statut nous n'en serions pas là aujourd'hui », explique Rachid Cherfaoui.
Scic ou association ? Pour Damien Gaucherand, « la Scic est pertinente si on trouve le modèle économique. Voilà un sujet où les PTCE auraient besoin d'être accompagnés, voire d'une évolution réglementaire ».

Les mesures de relance de la politique des PTCE sont attendues pour la fin du mois d'avril.

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