Interview
Lionel Prouteau, Maître de conférence émérite à l’Université de Nantes

Quels sont les liens entre l’engagement associatif et le bénévolat aujourd’hui en France ?

Publié le 03 septembre 2019 - Mise à jour le 10 septembre 2019
L’Association Rénovation et l’Ifaid Aquitaine, qui porte le Dispositif local d’accompagnement (DLA) en Gironde, ont organisé à Pessac en juin 2019 une journée de réflexion sur le thème de l’engagement associatif et du bénévolat. A cette occasion, Lionel Prouteau, maître de conférences émérite à l’Université de Nantes, a accepté de répondre à nos questions.
Lionel Prouteau, Maître de conférence émérite à l’Université de Nantes

Comment définir le bénévolat et combien de bénévoles dénombre-t-on en France aujourd’hui ?

Quatre critères permettent de définir la notion de bénévolat. Premièrement, le bénévolat désigne une activité exercée volontairement. Deuxièmement, cette activité ne doit pas être rémunérée bien qu’elle puisse être défrayée. L’absence de rémunération, monétaire ou en nature, ne signifie pas pour autant absence de gratification, notamment d’ordre symbolique. Le bénévolat peut en effet être considéré comme un échange. Non pas un échange marchand et monétaire mais un échange de dons. Troisièmement, cette activité non rémunérée doit bénéficier à autrui. Enfin, celle-ci peut s’exercer en organisation mais elle désigne également des services rendus spontanément d’individus à individus dès lors qu’ils ne font pas partie d’un même ménage. 

Dans l’enquête que j’ai menée en 2016, un peu moins de 22 millions de personnes majeures, résidant en France métropolitaine, disent avoir réalisé des activités bénévoles. J’ai constaté une très grande diversité des pratiques. Par exemple, un quart des personnes ayant répondu a donné moins de 10 heures par an et un autre quart plus de 144 heures.

Une enquête INSEE réalisée en 2002 sur la vie associative et le bénévolat permet de dresser quelques éléments de comparaison. On constate ainsi une forte progression du taux de participation bénévole qui passe de 28 à 43% et du nombre de bénévoles, qui passe de 13 millions à un peu moins de 22 millions. On remarque aussi une part importante de bénévoles investis dans plusieurs structures avec une très forte progression du bénévolat d’action sociale et caritative. Il y a également deux constantes : le taux de participation au bénévolat qui augmente avec le niveau de diplôme initial ainsi que la forte transmission intergénérationnelle des comportements liés au don. C’est-à-dire que lorsqu’au moins un de leurs parents avait été bénévole antérieurement, les enquêtés étaient plus susceptibles de l’être également. 

Quel lien faites-vous entre bénévolat et engagement ?

Il est délicat de qualifier une action bénévole d’engagement ou non. L’engagement doit en effet se comprendre en termes de trajectoire. Par exemple, une participation bénévole ponctuelle aujourd’hui, limitée par des contraintes personnelles ou professionnelles, peut très bien annoncer un engagement profond ultérieurement comme elle peut être sans lendemain. Il est par ailleurs difficile de qualifier le bénévolat d’occasionnel ou de régulier. Une personne qui accompagne des jeunes dix jours chaque été est-elle bénévole occasionnelle ou régulière ? Je m’élève contre les propos hâtifs qui insistent sur l’importance contemporaine du bénévolat « zapping », « post-it » ou volatile. Dans mon enquête, je constate que 45% des participations déclarées ont au moins 5 années d’ancienneté. Aujourd’hui, le bénévolat de longue durée n’a pas cessé d’exister ; la volatilité de l’engagement n’est pas systématique.

Le nouveau plan comptable des associations qui sera obligatoire à compter du 1er janvier 2020 oblige les associations à valoriser monétairement le bénévolat. Que pensez-vous de cette évolution ?

Le bénévolat n’est pas un service de nature marchande. Le valoriser monétairement, c’est le réduire à son caractère de travail. Cette valorisation peut s’opérer au niveau macroéconomique mais il existe toujours un risque que cette dimension économique occulte les autres dimensions du bénévolat. Je pense que la valorisation comptable ne doit pas devenir la règle. Elle doit rester optionnelle pour les associations et faire suite à une discussion interne avec les bénévoles impliqués. 

Je reste convaincu de la nécessité de comprendre le bénévolat dans ses différentes dimensions : économique, d’adhésion à un projet associatif mais surtout dans sa logique de don et d’intervention dans l’espace public. Pour l’intérêt de la démocratie, il me semble tout à fait important de reconnaître la pluralité des registres du bénévolat ainsi que la valeur – non monétaire - du fait associatif.

>> Pour aller plus loin : Enquête sur le bénévolat en France (2017) dirigée par Lionel Prouteau
>> Pour en savoir plus sur le Dispositif local d’accompagnement (DLA) animé par l’Avise : avise.org/accompagner-la-consolidation et info-dla.fr

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