Les coopérations construites par les SIAE : des leviers de développement des territoires

Publié le 18 mai 2023 - Mise à jour le 02 octobre 2023
Accompagnement socio-professionnel, pérennisation du modèle économique, relations avec l’écosystème, contribution à la transformation écologique et numérique… les défis auxquels doit faire face l’insertion par l’activité économique (IAE) sont nombreux. Pour les relever, les coopérations constituent un des leviers mobilisables par les structures de l’insertion par l’activité économique (SIAE). Adaptées aux objectifs des structures et au contexte territorial, ces coopérations constituent un levier efficace pour le développement des territoires.

Maximiser son impact social face aux défis des territoires, en premier lieu l’emploi durable

Répondre aux multiples enjeux des territoires grâce aux coopérations 

Tout d’abord, les coopérations développées par les SIAE peuvent contribuer à répondre aux besoins d’emploi au sein des territoires en apportant des solutions innovantes et inclusives aux enjeux de recrutement. 

 

Ces partenariats peuvent également constituer des atouts face à d’autres défis des territoires tels que :

  • la transition écologique (notamment à travers des projets dans l’économie circulaire) ;  
  • la dynamisation économique (relocalisation, lutte contre la désindustrialisation…) ; 
  • la cohésion ou l’aménagement (renforcement des infrastructures et services essentiels, par exemple au service de la mobilité).

Pour les SIAE, ces coopérations peuvent être un moyen pour toucher davantage de bénéficiaires (potentiellement sur de nouveaux territoires), augmenter leur efficacité pour chaque bénéficiaire ou encore élargir le champ de leur impact social (en touchant par exemple des bénéficiaires différents). Ces démarches peuvent donc constituer, pour les SIAE, un levier pour changer d’échelle dans l’optique de maximiser leur impact social.

 

Coopérer entre entreprises inclusives

La coopération entre structures inclusives désigne les partenariats pouvant unir par exemple des SIAE, des groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ) ou des structures du handicap comme les entreprises adaptées ainsi que les établissements ou services d’aide par le travail (ESAT).

 

Ces coopérations peuvent viser notamment à améliorer l’accompagnement des salariés en parcours. L’Union nationale des entreprises adaptées (UNEA), la fédération des entreprises d’insertion de Bourgogne-Franche-Comté et le Pôle Ressource IAE Bourgogne-Franche-Comté ont ainsi mis en place un programme de collaboration. En 2023, une trentaine de structures inclusives du territoire (SIAE et entreprises adaptées) ont été réunies lors de journées de professionnalisation communes. Les participants ont pu échanger sur l’accompagnement des publics et particulièrement sur les pratiques visant à la sortie vers l’emploi : participation aux clubs d’entreprises, valorisation des savoir-être des salariés en parcours, gestion des informations concernant les salariés, etc.

 

Coopérer avec les entreprises « conventionnelles »

Il est essentiel que les SIAE développent des liens avec les entreprises « conventionnelles » du territoire. Ces dernières peuvent en effet constituer de potentiels employeurs pour les salariés en parcours ainsi que de potentiels clients

 

Développer des relations partenariales équilibrées avec les entreprises implique que les SIAE se perçoivent comme des acteurs non seulement sociaux mais également économiques du territoire. Pour les SIAE, ceci peut consister en l’affirmation de leur capacité à échanger sur un pied d’égalité avec les entreprises et à entretenir, avec ces dernières, des relations partenariales structurantes, sur le moyen ou le long terme. En particulier, les SIAE peuvent se positionner comme spécialistes en ressources humaines auprès des entreprises. Il s’agit de révéler l’adéquation entre les compétences (actuelles et potentielles) des salariés en parcours et les besoins de main d’œuvre des entreprises. Les SIAE peuvent ainsi accompagner les employeurs du territoire dans le recrutement, l’intégration en milieu professionnel et le maintien en emploi des salariés issus de SIAE. Ceci en essayant autant que possible que les spécificités des salariés issus de l’IAE soient prises en compte par les entreprises.

On ne cherche plus à placer un salarié défini quand on rencontre une entreprise. Notre objectif est de nouer un partenariat avec elle […]. On ne cherche pas à plaquer notre besoin sur son fonctionnement, on s’intéresse plutôt à ce que fait l’entreprise et ce dont elle a besoin. Ce n’est qu’après, quand nous avons créé les conditions d’une bonne écoute mutuelle, que nous proposons de répondre aux besoins qu’elle a exprimés.
Frédéric Menanteau
Directeur de l’Association Segréenne D’Insertion Economique et Sociale (ASDIES)

Les coopérations entre SIAE et entreprises « conventionnelles » peuvent évoluer dans le temps. Cela a été le cas dans l’Ain, à l’occasion du partenariat entre l’entreprise de distribution Mondial Tissus et la SIAE Tremplin, qui a plusieurs activités notamment la collecte ainsi que le recyclage de textiles et couture. La coopération entre ces deux structures portait initialement sur le don de tissu de l’entreprise à la SIAE. Elles ont poursuivi leur collaboration par un contrat de sous-traitance et le recrutement par Mondial Tissus d’un salarié issu d’un parcours d’insertion. Dans ce cadre, le responsable marketing de l’entreprise a appuyé les salariés travaillant dans les magasins de la SIAE dans leur montée en compétences sur l’aménagement de l’espace de vente. 

 

Pour favoriser le développement de liens entre les SIAE et les entreprises, plusieurs outils existent, parmi lesquels le programme SEVE Emploi développé par la Fédération des acteurs de la solidarité, la démarche Vita Air proposée par Coorace ou encore la communauté Les entreprises s’engagent.

Pérenniser ou développer son modèle économique

Pour les SIAE, les coopérations peuvent constituer des outils pour développer leur offre existante ou en concevoir de nouvelles. En effet, ces partenariats peuvent faciliter l’accès à des ressources, compétences et connaissances complémentaires. Ils peuvent également favoriser les économies d’échelle à travers la mutualisation de coûts ou de moyens humains. 

 

Si elles répondent effectivement à un besoin et s’inscrivent dans une vision globale, ces stratégies peuvent favoriser la pérennisation, voire le développement du modèle économique de la SIAE, tout en répondant à l’objectif de maximisation de l’impact social.

 

Le point de départ d’une démarche de partenariat doit toujours être de prendre le temps de se connaître et d’échanger. Par la suite, on distingue trois types de coopération dont l’intensité diffère en fonction des liens entre les structures participantes. 

 

  • La coopération simple permet d’avoir accès à des ressources que la structure n’aurait pas pu obtenir seule : emplois, locaux, logiciels, matériel, ressources financières, compétences, informations, expertise ou réseau. 

  • La coopération stratégique repose sur des structures qui continuent à exercer leur métier d’origine mais qui décident de s’organiser pour gagner en cohérence en proposant une offre territoriale coordonnée

  • La coopération renforcée repose sur des structures qui décident de se rapprocher pour « faire ensemble », c’est-à-dire créer une réponse innovante à un besoin social (nouveau produit, service, dispositif, offre, etc.), grâce à la complémentarité de leurs compétences et ressources.

Après l’étape indispensable d’interconnaissance, les acteurs peuvent engager des démarches visant par exemple à mutualiser des moyens.  

 

Ainsi, dans le Gard, onze SIAE ont constitué un groupement d’employeurs pour mutualiser les postes de chargé d’insertion professionnelle et de chargé des relations avec les entreprises. Cette démarche leur permet de renforcer le travail collectif avec les entreprises et les actions d’accompagnement proposées aux salariés en parcours. 

 

Les SIAE peuvent également s’associer avec des structures inclusives ou « conventionnelles » au sein de réseaux sectoriels. Elles peuvent ainsi atteindre une taille critique pour gagner en visibilité auprès de leurs partenaires ou viser des marchés de plus grande taille. Parmi ces réseaux, on peut citer Métamorphose qui fédère des SIAE dans le domaine de l’upcycling. 

 

De façon plus intégrée, les SIAE peuvent se regrouper au sein d’un ensemblier. Cette organisation permet de proposer localement une offre d’insertion plus complète, reposant sur plusieurs conventionnements parmi les cinq existant dans l’IAE : atelier et chantier d’insertion, entreprise d’insertion, association intermédiaire, entreprise de travail temporaire d’insertion et entreprise d’insertion par le travail indépendant.  

Elles peuvent également former un groupe économique solidaire (GES). Ce type de groupement a pour but « de favoriser la coordination, la complémentarité et le développement économique du territoire et de garantir la continuité des parcours d'insertion » (Code du travail, article L5132-15-2). 

 

>> Pour en savoir plus sur les cinq conventionnements dans l’IAE, consultez « Insertion par l'activité économique : de quoi parle-t-on ? »

Dans le cadre de la coopération stratégique, les SIAE peuvent se rapprocher de structures inclusives ou d’entreprises « conventionnelles » qui commercialisent des produits ou services complémentaires ou bien similaires. Ces structures peuvent alors proposer une offre territoriale coordonnée pour mieux répondre aux besoins du territoire et renforcer leur modèle économique. 

 

Par exemple, dans les Yvelines, quatre associations intermédiaires (AI) se sont associées pour proposer un accès unique à leurs offres à travers un site internet commun

 

Par ailleurs, les SIAE peuvent s’associer avec des structures inclusives ou des entreprises « conventionnelles » pour répondre à des marchés

 

Exemple : Deux entreprises, un projet commun 

D’un côté, Vitaservices, une entreprise d’insertion (EI) filiale du groupe Vitamine T, ayant plusieurs activités dont le nettoyage. De l’autre, Protim, une entreprise « conventionnelle » spécialisée dans la sécurisation de l’habitat.  

Ces deux structures ont répondu conjointement, avec succès, à un marché lancé par la META (Mutualisation des énergies pour transformer et aménager), groupement d’intérêt économique pour le renouvellement urbain de la métropole européenne de Lille (le groupement est constitué de Lille Métropole Habitat et de Vilogia, groupe privé d’immobilier social).  

 

Ce marché, dont les opérations ont démarré en 2020 pour une durée de quatre ans, porte sur la sécurisation de 15 000 logements dans le cadre de chantiers de rénovation de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Vitaservices est chargé du nettoyage des logements ; Protim pose les barrières de sécurisation contre les intrusions. Ce marché, à l’origine de la coopération entre Vitaservices et Protim, a permis à des salariés issus de parcours d’insertion au sein de Vitaservices d’être positionnés chez Protim en CDI.

Dans ce cadre, les SIAE peuvent se rapprocher d’autres structures inclusives ou d’entreprises « conventionnelles » pour développer ensemble de nouveaux produits ou services répondant aux besoins du territoire. 

 

Par exemple, une entreprise inclusive et une entreprise conventionnelle peuvent créer ou reprendre ensemble une entreprise sociale. L’entité développée est nommée « joint-venture sociale ». En 2021, ce modèle est incarné par au moins une quinzaine de structures actives en France, parmi lesquelles :  

 

  • Acces Inclusive Tech, entreprise d’insertion (EI) et entreprise adaptée (EA) localisée à Saint-Denis (93). Cette structure emploie et accompagne des personnes en insertion dans le secteur du numérique. Elle est née de la collaboration entre le groupe Ares (acteur de l’IAE en Ile-de-France), la fondation Accenture (l’une des principales entreprises de services numériques en France) et Investir&+ (structure d’investissement). 
  • TriVEL, centre de tri à vocation d’insertion. Cette structure traite les déchets de chantiers générés par les activités dans le bâtiment du groupe Legendre et d’autres entreprises situées dans les Côtes d’Armor et le Morbihan. L’entreprise a été cocréée par Envie (fédération qui regroupe des entreprises d’insertion positionnées sur des activités en lien avec l’économie circulaire), Véolia (entreprise proposant des solutions de gestion, d’optimisation et de valorisation des ressources en eau, en matière première et en énergie aux collectivités et aux entreprises) et le Groupe Legendre (groupe majeur de la construction, de l’immobilier et de l’énergie). 

Stade le plus abouti de la démarche partenariale, la coopération renforcée demande une forte coordination entre les acteurs. 

Coopérer pour proposer une offre territoriale coordonnée ou pour cocréer une entreprise nécessite de la préparation. Il est recommandé d’être accompagné dans cette démarche. Ainsi le DLA (le dispositif local d’accompagnement de l’ESS) des Yvelines a réalisé deux accompagnements successifs pour les quatre SIAE qui souhaitaient mettre en place un accès unique à leurs offres à travers un site internet commun.

 

Renforcer les liens avec ses parties prenantes internes et externes

Les partenariats développés par les SIAE renforcent et améliorent bien souvent les relations avec leurs parties prenantes internes et externes sur toute la chaîne de valeur (création de valeur dont bénéficient à la fois les partenaires et le territoire, optimisation de la chaîne de valeur, etc.). 

 

Exemple : un écopôle alimentaire qui renforce les relations entre des acteurs du territoire

L’écopôle alimentaire de la région d’Audruicq (Pas-de-Calais) est un « centre de ressource et de développement de nouvelles activités agrorurales et d'appui aux systèmes alimentaires locaux » (selon le Centre Ressource du Développement Durable). Développé à partir de 2011, il est le fruit d’une coopération entre la communauté de communes de la région d’Audruicq qui a initié cette démarche et les associations Terre d’Opale et les Anges Gardins.  

 

Les objectifs communs de cette coopération sont de  : 

  • structurer un système alimentaire local, biologique et solidaire ;  
  • développer l’accès à une alimentation saine et durable pour tous ;  

  • contribuer à la professionnalisation de la filière et à la création d’emplois ;  

  • valoriser la pertinence de nouveaux modèles résilients qui anticipent les changements climatiques. 

Dans le cadre de ce partenariat, chaque acteur apporte sa valeur ajoutée au projet :  

  • la communauté de communes met à disposition un espace agricole et des bâtiments ; 

  • les Anges Gardins apportent leur pratique et leurs compétences en matière d’éducation populaire en faveur de l’insertion et du bien-vivre alimentaire pour tous ; 

  • Terre d’Opale apporte son expertise en coordination de systèmes de production et de distribution contribuant au développement d’une alimentation biologique, locale et solidaire. 

Les rôles et responsabilités sont répartis comme suit :  

  • Terre d’Opale gère l’organisation agricole, technique et commerciale de la plateforme de production et de distribution, qui regroupe quinze producteurs ; 

  • les Anges Gardins développent des structures d’insertion et des chantiers apprenants, portent les activités de sensibilisation et contribuent à une dynamique de transfert de savoir-faire et de développement d’une communauté de travail autour du bien-vivre alimentaire ; 

  • la communauté de communes préside le comité de pilotage de l’écopôle. 

Les parties prenantes du territoire sont au cœur de l’écopôle puisque « l’ambition du projet consiste à redonner un horizon alimentaire à chacun en renforçant la capacité des différents acteurs (mangeurs, producteurs, acteurs publics, etc.) à porter un point de vue renouvelé sur le bien vivre alimentaire » (selon Dominique Hays). L’ancrage territorial du projet a été reconnu et renforcé par la labellisation en tant que pôle territorial de coopération économique (PTCE) obtenue par l’écopôle suite à un appel à projets national lancé en 2015.    

 

Dans le cadre de ce PTCE, plusieurs partenaires se sont joints aux membres fondateurs, notamment d’autres acteurs de l’ESS, dont le réseau Cocagne, des producteurs et le laboratoire de recherches ATEMIS. L’un des apports du PTCE a donc été l’introduction, dans le collectif, de chercheurs disposant d’une expertise sur le sujet de l’économie de la fonctionnalité et de la coopération. Or, dans le cadre du projet, l’introduction de ce concept a permis de mieux identifier les problématiques en présence, de renforcer la compréhension de la trajectoire économique en cours de construction et de bâtir un argumentaire sur l’intérêt de la démarche au regard des enjeux de modèle économique et de développement des territoires.

Thématiques

Insertion par l'activité économique

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