Enjeux

Comment concilier enjeux écologiques et sociaux et autonomie énergétique ?

Publié le 02 juin 2023 - Mise à jour le 28 juin 2023
L’urgence climatique rend incontournable l’évolution du modèle énergétique actuel qui nécessite d’être recentré autour du triptyque énergies renouvelables – efficacité énergétique – sobriété. Une transformation qui est également nourrie par les préoccupations des citoyens en matière de gouvernance de l’énergie et de justice sociale.

Privilégier des sources d’énergie et des moyens de production plus durables

L’OCDE estime qu’en 2050, le nombre global de décès prématurés associés à l’exposition aux particules issues de la pollution atmosphérique devrait plus que doubler pour atteindre 3,6 millions de décès par an. 

 

Les politiques publiques mises en place ces dernières années en France engagent l’action publique sur la voie d’une économie plus verte, moins polluante et plus durable, notamment par l’apport d’un soutien marqué au développement et à la structuration du secteur des énergies renouvelables : hydroélectrique, éolien, biomasse, solaire, géothermie, énergies marines. 

 

Ces énergies, dont la source n’est pas limitée, au contraire des énergies fossiles, sont en outre peu émettrices de gaz à effet de serre (GES) et permettent de diversifier le mix énergétique en matière de production. Comme pour d’autres énergies néanmoins leur développement nécessite d’une part un important travail de la part des acteurs de l’énergie et des acteurs publics quant à l’acceptabilité des nouveaux équipements et, d’autre part, l’identification d’espaces suffisants pour permettre leur installation sans concurrencer d’autres activités humaines essentielles. 

 

Depuis peu, les exploitants agricoles sont d’ailleurs devenus de véritables partenaires de la transition énergétique grâce à la mobilisation de leurs terres ou de leurs matières premières pour la production d’énergies propres : implantation d’éoliennes dans les champs, installation de panneaux photovoltaïques sur les zones de pâturage, utilisation de matières organiques végétales ou animales (biomasse), etc. Le secteur agricole assurerait déjà 20% de la production d’énergies renouvelables, selon le rapport L’agriculture face aux défis de la production énergétique déposé en juillet 2020 par le député Jean-Luc Fugit et le sénateur Roland Courteau.  

 

En 2015, l’ADEME - Agence de la transition écologique, envisageait un scénario 100% énergies renouvelables, techniquement et économiquement viable, basé sur une réduction des consommations énergétiques et l’utilisation complémentaire des diverses sources renouvelables. Ce mix assurerait l’alimentation du pays en énergie de façon continue, même en cas de conditions météorologiques fortement défavorables (vagues de froid ou de sécheresse, périodes d’absence de vent). En effet, si la variabilité et l’intermittence de ces énergies ont longtemps été des facteurs de risque pour la sécurité du réseau électrique, la gestion de ces caractéristiques peut aujourd’hui être garantie par un certain nombre de mesures techniques. 

Renforcer l’efficacité énergétique et lutter contre les déperditions d’énergie

En France, le secteur du bâtiment émet plus de 123 millions de tonnes de C02 par an, selon le ministère de la Transition écologique, et devra réduire ses émissions par quatre d’ici à 2050 pour atteindre les objectifs fixés par l’Etat. 

 

Aujourd’hui, en France comme en Europe, certains secteurs affichent une consommation d’énergie particulièrement importante. Le secteur du bâtiment avec une consommation finale d’énergie de 44 % de la consommation française totale, selon le ministère de la Transition écologique, est le plus énergivore. Cette consommation considérable, qui s’apprécie en millions de tonnes d’équivalent pétrole, s’opère tout au long du cycle de vie du bâtiment (construction, entretien, habitation et destruction) et se compose à la fois de consommations directes et de déperditions d’énergie. 

 

L’amélioration de la performance énergétique, particulièrement dans le secteur du bâtiment, devient ainsi un enjeu majeur pour les pouvoirs publics qui investissent amplement dans des dispositifs d’incitation à la rénovation énergétique et de soutien aux innovations technologiques. En parallèle, le mouvement low-tech (ou basse technologie) défend la possibilité de limiter l’usage des technologies énergivores tout en répondant aux mêmes besoins humains et prend ainsi à revers la réflexion menée de longue date sur l’efficacité énergétique via l’innovation technologique.

 

Porté en France par des acteurs comme le Low-Tech Lab, le mouvement complète son approche par la recherche d’une accessibilité pour tous aux solutions peu énergivores, à travers des expérimentations, des explorations et des outils collaboratifs (tutoriels de fabrication, groupes d’échange, annuaire des acteurs low-tech, etc.). 

[Les] low-technologies permettent à chacun de subvenir plus sainement et plus sobrement à ses besoins, améliorent l’autonomie et la résilience des communautés, et contribuent à préserver ou régénérer les écosystèmes. Nous sommes convaincus qu’en étant plus largement connues, adaptées, répliquées, elles constitueraient une réponse simple, efficace et durable aux enjeux du XXIe siècle.
Low-Tech Lab
Manifeste, 2019

Enfin, le secteur de l’énergie, appuyé sur un modèle de production relativement concentré autour des grandes centrales de production est lui aussi générateur, à chaque étape de son cycle (extraction, transport ou transmission, transformation et stockage) d’importantes déperditions d’énergie. Le modèle énergétique français reposant sur quelques acteurs majoritaires et sur une production aujourd’hui peu coordonnée avec les besoins réels en énergie est largement interrogé dans le cadre de la transition énergétique.

Promouvoir la sobriété énergétique

Depuis 2005, en Europe, grâce à l’amélioration de l’efficacité énergétique mais aussi du fait de la crise économique de 2008, la consommation finale d’énergie a fortement diminué (-8,1 % entre 2005 et 2018, selon l’Agence Européenne de l’Énergie ). Pourtant, quels que soient les progrès envisageables en termes d’efficacité énergétique, la réduction de la consommation finale d’énergie par le biais d’une plus grande sobriété énergétique est un cheminement incontournable qui induit une importante modification des modes de vie, de consommation et de production. 

La sobriété énergétique est une démarche qui vise à réduire les consommations d’énergie par des changements de comportement, de mode de vie et d’organisation collective (moindre usage de la voiture, alimentation plus locale et de meilleure qualité, etc.). Une société engagée dans la sobriété énergétique modifie ses normes sociales, ses besoins individuels et ses imaginaires collectifs au profit d’une réduction volontaire et organisée des consommations d’énergie.
Association Virage Énergie

La sobriété énergétique se distingue de l’efficacité énergétique en ce qu’elle n’est pas une réduction de la quantité d’énergie nécessaire pour satisfaire un besoin mais une démarche de priorisation et de réduction des besoins eux-mêmes. Elle est complémentaire de la recherche d’efficacité énergétique car une démarche de sobriété énergétique peut éviter l’effet rebond souvent constaté lors de gains importants d’efficacité. L'effet rebond correspond au réinvestissement voire au surinvestissement du coût énergétique évité par le gain d’efficacité dans de nouveaux besoins. 

 

La transformation des modes de consommation et de production, notamment par le biais de la lutte contre le gaspillage, par la valorisation du réemploi ou par le développement de l’économie de la fonctionnalité qui privilégie l’usage à la possession, est essentielle à la mise en œuvre d’un système plus économe en matières premières et en énergie. Cette réduction de la consommation de ressources, et donc d’énergie, permettrait, selon la Commission européenne, des gains de productivité et des économies et générerait ainsi 23 milliards d’euros d’activité économique en Europe. Ainsi, une réduction de 17 % de la consommation de ressources occasionnerait la création de 1,4 à 2,8 millions d’emplois en Europe.  

Lutter contre la précarité énergétique

En 2018, selon l'ONPE, 3,4 millions de ménages français étaient en situation de précarité énergétique, soit environ 7 millions d’individus, c’est-à-dire 10 % de la population française. En 2017, 15 % de la population mondiale étaient totalement privés d’accès a l’électricité, selon la Banque Mondiale. 

 

Si le critère social fait partie de la définition du développement durable depuis l’émergence de ce terme, la notion de précarité énergétique n’a été définie par la loi française qu’à partir de juillet 2010, ouvrant la voie à la création de l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE)

 

Depuis, la Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement définit la précarité énergétique ainsi : « Est en situation de précarité énergétique une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat. » 

 

C’est en 2015 que la lutte contre la précarité énergétique a réellement trouvé un écho dans les programmes gouvernementaux et textes de loi, grâce à l’action conjointe d’ONG environnementales, telles que le CLER, et d’associations de lutte contre la pauvreté, comme la Fondation Abbé Pierre, lors des débats parlementaires de la future Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV).  

 

Dès lors, un objectif clair de réduction de 15 % de la précarité énergétique d’ici 2020 s’est ajouté à la feuille de route du gouvernement français venant également répondre à l’engagement pris dans le cadre des objectifs de développement durable de l’ONU de « Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable ».

Favoriser une gouvernance partagée de l’énergie

Alors [que l’énergie] irrigue l’ensemble de notre modèle socio-économique et concerne tous les citoyens, sa dimension stratégique d’une part, son caractère hautement capitalistique d’autre part, en ont fait une chasse gardée des états, des multinationales de l’énergie et de la finance internationale. Les citoyens sont globalement exclus des choix la concernant. 
Le Labo de l’ESS
rojets participatifs et citoyens d’énergie renouvelable : de quoi parle-t-on ? [en ligne], 2016

Longtemps considérée comme un secteur essentiellement technique et scientifique, l’énergie est en France principalement dominée par de très grandes entreprises. Avec un contexte réglementaire peu favorable à l’émergence d’initiatives citoyennes, ce secteur n’a pas fait, comme en Allemagne par exemple, l’objet d’une appropriation par les citoyens et d’un investissement de la société civile dans sa gouvernance. À titre comparatif, l’éolien et le photovoltaïque « citoyens » représentaient environ 4 % de la puissance totale installée en France en 2015, tandis que les citoyens allemands étaient, en 2017, en possession d’environ 43 % des capacités renouvelables électriques.

 

Ce n’est, en effet, que très récemment et sous l’impulsion des grands acteurs de l’énergie citoyenne que les gouvernements se sont saisis, sur le volet énergétique, des deux leviers de mobilisation que sont la consultation publique et la participation citoyenne.  

 

À travers des consultations tant territoriales que nationales, telles que celles engagées début 2020 autour de la Programmation pluriannuelle de l’énergie ou la Convention citoyenne pour le climat, la puissance publique entame un mouvement d’ouverture de la gouvernance de l’énergie, en permettant aux citoyens de peser sur les orientations stratégiques des politiques publiques. Ce levier puissant répond au très fort enjeu d’impliquer l’ensemble des acteurs dans l’accélération de la transition énergétique, en favorisant la sensibilisation et la réappropriation par les citoyens du sujet de l’énergie et de sa maîtrise, mais aussi à l’attente de la société civile de considérer l’énergie comme un sujet d’intérêt général dont la gouvernance peut et doit être rendue collective.  

 

Afin d’ouvrir plus largement la gouvernance de l’énergie aux citoyens, les grands acteurs de l’énergie citoyenne mettent en avant l’implication des citoyens au sein de projets de centrales de production d’énergie comme moyen de réappropriation des questions énergétiques par les habitants, de mobilisation et de transformation des comportements, d’amélioration de l’acceptabilité sociale des installations d’énergies renouvelables mais aussi comme assurance d’un ancrage local de l’activité et des emplois et d’un réinvestissement des bénéfices sur le territoire. 

 

Face à ces enjeux majeurs pour la société mais aussi face aux opportunités que ces défis peuvent représenter, tous les acteurs, quel que soit leur modèle ou leur taille et quel que soit leur secteur d’activité, sont concernés. Par ses actions, par ses décisions ou ses investissements, chaque acteur, privé ou public, peut s’investir pour répondre aux défis que sont le développement des énergies propres, l’amélioration de l’efficacité énergétique, l’inscription du principe de sobriété énergétique dans les pratiques, la lutte contre la précarité énergétique et le développement d’une gouvernance partagée de l’énergie. 

Thématiques

Transition écologique
Alimentation & agriculture durables Ruralité

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