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Interview
Un garage solidaire à Montbéliard

Hugues Menant, directeur de La Roue de Secours

Publié le 26 septembre 2017 - Mise à jour le 17 décembre 2018
Créée en 1999, La Roue de Secours, implantée à Montbéliard, propose à des personnes en difficulté d’accéder à une plateforme mobilité. Objectif : lever leurs freins à l’emploi à travers la mise en place de solutions de déplacement adaptées à leurs besoins. D’ici quelques mois, l’association ouvrira son garage solidaire. Une initiative largement soutenue par les collectivités locales du territoire, comme en témoigne Hugues Menant, directeur de la structure.

En quoi consiste la plateforme mobilité que vous animez sur le territoire de Montbéliard ?

Notre objectif est d’améliorer le « pouvoir » et le « savoir » bouger de nos bénéficiaires, et par conséquent d’accroître leur périmètre géographique d’employabilité. Nous réalisons des bilans de compétences mobilité pour les orienter vers les solutions les plus adaptées. Parfois, il peut s’agir de leur apprendre à mieux s’orienter sur le territoire, à utiliser les cartes de transports en commun, ou à faire du vélo. D’autres fois, nous leur permettons d’accéder à un scooter, de passer le permis en partenariat avec des auto-écoles locales, ou de louer un véhicule à bas prix, pour qu’ils retrouvent le chemin de l’emploi.

Pour quelles raisons le projet de garage solidaire a-t-il été développé au sein de l’association ?

Le garage solidaire entre dans la continuité des actions que nous proposons. L’accès à l’entretien et à la réparation des véhicules constitue un levier incontournable pour favoriser l’autonomie des déplacements, notamment dans un territoire dominé par une culture automobile forte. Et pourtant, cela ne va pas de soi pour les personnes les plus vulnérables.

Quelles prestations leur seront proposées ?

Des réparations de véhicules seront effectuées à bas coût, uniquement pour des personnes en difficulté, afin de ne pas concurrencer les garages classiques. Nous proposerons aussi pour ce public des ventes solidaires de voitures, pour des montants ne dépassant pas 3 000 euros grâce aux dons de véhicules, indispensables au succès de notre projet. Une convention est déjà signée en ce sens avec Enedis, et nous sommes à la recherche d’autres dons de voitures provenant de collectivités, d’entreprises et/ou de particuliers.

Le projet est né avec une forte implication des acteurs locaux, et notamment d’un dispositif régional, « émergence ». De quoi s’agit-il ?

Nous ne sommes en effet pas à l’origine du projet : « émergence », animé par Franche-Comté Active, a largement été à la manœuvre. Il s’agit d’un programme visant à accompagner les territoires dans la construction de nouvelles activités économiques à partir de l’analyse des besoins sociaux non couverts. L’ex-Région Franche-Comté a lancé un appel à candidatures fin 2013, et le Pays de Montbéliard Agglomération a été sélectionné comme territoire d’expérimentation. A l’issue d’une étude-action participative, le garage solidaire a été défini comme l’un des projets prioritaires à développer. En 2016, La Roue de Secours est devenue la structure porteuse. Nous étions déjà connus par les institutions locales, on reçoit plus de 600 personnes par an sur le territoire : sur les questions de mobilité inclusive, nous paraissions donc légitimes pour lancer le garage solidaire.

Comment l’ex-Conseil régional de Franche-Comté est-il intervenu dans cette phase d’étude sur la création du garage ?

Le Conseil régional est d’abord intervenu indirectement, à travers le financement octroyé au dispositif « émergences », qui a permis à ses équipes de mener l’étude d’opportunité du garage solidaire sur laquelle nous nous sommes appuyés. Nous avons aussi pu obtenir un Fonds de confiance, porté par Franche-Comté Active et soutenu financièrement par le Conseil régional. Cette subvention nous a permis de mener l’étude de faisabilité et de valider la création du garage.

Aujourd’hui, quelles sont vos relations avec la Région Bourgogne-Franche-Comté ?

Les services Economie, ESS et Europe du Conseil régional nous appuient techniquement. Nous les avons sollicités par exemple lorsque nous avons voulu déposer une demande de subvention auprès du fonds européen de développement régional (FEDER), pour prendre leurs conseils sur le montage du dossier. Dans les mois à venir, nous devrions également avoir une réponse concernant une demande de subvention à l’investissement que nous avons déposée sur leur ligne budgétaire « soutien régional aux projets mobiliers et immobiliers des entreprises de l’ESS ».  

Avez-vous reçu d’autres soutiens financiers pour le garage solidaire ?  

Le Pays de Montbéliard Agglomération nous a beaucoup soutenus, notamment à travers l’aide accordée lors de la recherche d’un local nous permettant de centraliser toutes nos activités. Nous avons également déposé auprès de cette collectivité des dossiers pour une subvention à l’investissement, d’une part, et au fonctionnement, d’autre part.

Nous avons aussi reçu des financements de la part de fondations, notamment PSA Peugeot Citroën, la MACIF, et AG2R La Mondiale. D’autres demandes de financements auprès de l’Etat (CGET) et du Conseil départemental du Doubs, entre autres, sont en cours d’instruction.

Comment échangez-vous avec les autres plateformes mobilité sur votre expertise métier et en matière de recherche de financements ?

Le projet de garage solidaire est parrainé par Solidarauto 38, ce qui nous apporte une réelle plus-value. Globalement, les plateformes mobilité indépendantes manquaient jusqu’à présent d’un réseau les représentant au plus près des acteurs publics locaux et les fédérant sur les territoires. Au niveau régional, nous avons commencé avec d’autres plateformes à développer Mob’in Bourgogne-Franche-Comté pour répondre à ces attentes. Parallèlement, une association nationale fédérant les Mob’in régionaux vient d’être créée fin août 2017.

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LE POINT DE VUE DE LA REGION

Bourgogne-Franche-Comté : un soutien indirect aux garages solidaires

En Région Bourgogne-Franche-Comté, il n’existe pas de programme spécifique pour accompagner financièrement l’émergence ou le développement des garages solidaires. L’association La Roue de Secours a par conséquent adressé une demande de subvention en investissement sur la ligne budgétaire de l’institution consacrée globalement au « soutien régional aux projets mobiliers et immobiliers des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS)." Outre ce levier qui concerne potentiellement tous types d’initiatives relevant de l’ESS, deux programmes régionaux ont pu bénéficier à des porteurs de garage solidaire : l’un intervenant en phase d’émergence, l’autre dans une visée de valorisation locale.

Pleins phares sur le dispositif La Fabrique à initiatives

La Roue de Secours a ainsi été soutenue indirectement à travers le dispositif franc-comtois « émergence ». Lucien Da Ponte, Chef de service ESS, TPE et entrepreneuriat à la Direction de l’Economie du Conseil régional, explique : « l’ex-Région Franche-Comté a été parmi les initiateurs et les financeurs de cette action qui vise à faire émerger localement des projets. Le travail d’accompagnement des territoires est réalisé notamment par Franche-Comté Active. En a notamment émergé des projets de nouvelles activités, dont les garages solidaires ». Depuis l’année dernière, « émergence » a rejoint le réseau des Fabriques à initiatives, animé au niveau national par l’Avise. Il s’est associé à d’autres acteurs soutenant l’entrepreneuriat social localement (GRAIS, GO UP, Cluster Jura), donnant ainsi naissance au collectif « Générateur Bourgogne-Franche-Comté », co-financé par le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. Ce programme couvre désormais le périmètre de la nouvelle région. Un nouvel appel à projets a d’ailleurs été lancé jusqu’au 21 septembre 2017 pour identifier de nouveaux territoires souhaitant, à l’instar de Pays Montbéliard Agglomération, être accompagnés. Outre le garage solidaire, d’autres projets ont pu voir le jour, comme une conciergerie solidaire, un restaurant-conserverie d’insertion ou encore la structuration régionale de la filière chanvre.

Rally’nov, un dispositif moteur dans la promotion de l’inovation sociale

Une autre initiative a été soutenue indirectement par la Région : le garage solidaire du Jura, cette fois à travers le dispositif Rally’nov, qu’avait initialement mis en place le conseil régional de Franche-Comté dans le cadre de sa stratégie régionale d’innovation définie avec l’Etat. « Il y a eu la volonté de ne pas valoriser uniquement l’innovation technologique, et de mieux faire connaître les entreprises socialement innovantes du territoire », explique Sabrina Boudailler, chargée de mission au sein de l’ARACT Bourgogne-Franche-Comté, qui anime le dispositif en partenariat avec la CRESS et l’ARDIE. Le garage solidaire du Jura a ainsi reçu un prix de 2 000 euros en 2015, a été valorisé sur la plateforme web et a été mis en relation avec les parties prenantes du dispositif.

Aujourd’hui, Rally’nov est étendu à tout le périmètre de la Région et a lancé de nouveaux formats d’exploration territoriale de l’innovation sociale, comme le « Grand 8 ». Le pilotage en interne est passé du Service ESS au Service Internationalisation et thématiques transversales du conseil régional. Pour Patricia D’Elia, chargée de mission RSE au sein de ce service, « il s’agit dorénavant de valoriser plus globalement les entreprises actives dans le champ de la responsabilité sociétale, qu’elles soient classiques ou de l’ESS ».

Sébastien Lévrier, Les Petites Rivières

Thématiques

Mobilité

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