Interview
Sarah Persil, chargée de développement économique du Pays Lédonien

L' ESS rentre dans notre logique de développement harmonisé du territoire

Publié le 19 février 2020
Témoin lors du Forum de la Ville de demain organisé par le Ministère de la transition écologique et solidaire le 6 février 2020, le Pays Lédonien a par ailleurs été labellisé French Impact Territoire par le Haut-Commissariat à l'ESS et à l'innovation sociale en 2019. Retour sur sa politique d'engagement pour l'ESS avec Sarah Persil, chargée de développement économique.

De votre point de vue, quelle est la place de l’ESS sur votre territoire ?

Comme partout mais particulièrement dans le Jura, les coopératives agricoles sont importantes (ici, les fruitières à Comté). Mais de par ce fort ancrage, nous avons des coopératives également sur l’énergie, le bâtiment ou la gestion des déchets. Le milieu associatif maille l’ensemble du territoire et les mutuelles sont bien visibles dans notre ville centre. 10 SIAE sont implantées sur notre bassin, offrant un maillage remarquable pour les personnes éloignées de l’emploi. Nous connaissons enfin de nombreux projets de SCIC sur les questions alimentaires et agricoles, foncières, gestion de tiers-Lieux ou numériques.

Cependant, la plus-value sociale ou même économique n’est pas réellement visible pour les collectivités que nous sommes. Il faut aller chercher l’information au cas par cas.

Quelles actions sont mises en œuvre par le Pays Lédonien soutenir l'ESS ?

Tout le programme LEADER (2,9 millions d’euros) a été pensé en 2016 pour une économie de la coopération, avec des partenariats et un ancrage large valorisés. Naturellement, que nous travaillions sur la dynamique Bourg-centre, l’agriculture, la culture ou l’économie circulaire, les projets ESS rentrent dans notre logique de développement harmonisé du territoire.

Nous avons donc encouragé les associations culturelles à émarger aux financements autour d’une programmation et d'équipements culturels partagés. Nous avons fait le lien entre les SIAE du territoire, leurs besoins, leur dynamique et les politiques de nos EPCI (EIT, partenariat avec les entreprises, connaissance de l’IAE pour les élus,….).

Dernièrement, nous avons mobilisé chambre consulaire, syndicat professionnel, associations citoyennes et de producteurs ainsi que le Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricoles autour d’un projet partenarial venant consolider l’agriculture biologique. L’objectif est de se doter d’un outil de gouvernance au service d’une stratégie locale, en fonction des besoins de tous. Le Pays Lédonien a animé la démarche, déposé les appels à projets au nom du collectif mais les fonds iront à cette nouvelle structure coopérative.

Comment coopérez-vous avec les autres niveaux de collectivités sur l’ESS ?

Le rôle du Pays Lédonien est d’être au service des ses communautés de communes et d’agglomération. Un travail en direct avec ses techniciens (mise en forme d’argumentaires, recherche de sources et de contacts, analyses sectorielles, mises en avant des initiatives) se fait en fonction des sujets sur lesquels les EPCI n’ont pas forcément le temps de se former. Les espaces de travail que proposent le Pays (entre techniciens mais également entre élus) sont aussi l’occasion de diffuser les exemples pilotes des initiatives locales publiques.

Le Conseil Régional, s’il finance l’ESS selon certains dispositifs spécifiques (dont l’accompagnement des territoires par des structures de l’ESS avec Émergence), propose cependant comme beaucoup une logique en silo (ESS et l’économie d’un côté, le sport, la culture et la vie associative de l’autre). Nous travaillons donc avec eux selon les secteurs d’activité, que l’ESS soit présente ou pas. Nous pouvons nous rendre compte que cela invisibilise l’ESS et sa plus-value.

Vous avez évoqué comme enjeu la formation des élus lors des 10 ans du Plan Ville Durable, pouvez-vous détailler ?

Les collectivités sont amenées à participer à des prises de décisions de plus en plus techniques (développement économique, gestion de l’eau et milieux aquatiques, documents d’urbanisme...). Or les élus sont d’abord des passionnés avant d’être des techniciens. Et peu connaissent la diversité et la richesse de l’ESS en tant que telles. Les chiffres eux-même sont difficiles à trouver et encore plus à capitaliser (plus-value sur le territoire, nombre d’adhérents, chiffre d’affaire, coût environnemental évité, journées de formation passées...). 

Il s’agit donc de faire un travail de dentelle par thématique et de faire prendre conscience aux élus que leurs structures locales et non délocalisables participent à la vie économique et sociale de notre territoire. Le décloisonnement des thématiques doit se faire pour faire prendre conscience de la force de l’ESS en ruralité. Aujourd’hui, un élu dira qu’il connaît les associations de par son club sportif ou un événement culturel. Un autre pourra parler des coopératives laitières. Mais peu relieront toutes ces structures, actrices du développement local, et en feront des interlocuteurs de premier plan. Or l’information, c’est le pouvoir. Et inversement.

Ainsi, présenter aux élus la réalité économique de nos structures, les retombées produites, la diversité et l’agilité des structures de l’ESS, leur participation à nos sessions de travail, à leurs côtés devrait se faire au moment de la prise en fonction et en responsabilité des nouveaux élus. La valorisation de la dimension collective, la solidité économique du modèle, l’investissement des structures de l’ESS sur leur territoire doit pouvoir être mise selon moi sur le même plan que la défense de l’intérêt général.

Quels sont selon vous les enjeux pour renforcer l'ESS au niveau national ?

Mes propositions n’engagent que ma vision des choses, mais pour avoir accompagné de nombreuses structures de l’ESS, je pense qu’il serait important de réformer un certain nombre de points :
  • Financer correctement le milieu associatif et son fonctionnement ;
  • Revenir au principe républicain de la subvention sans passer par des appels à projets mettant en concurrence les structures entre elles ;
  • Respecter la liberté d’association et encourager toute dynamique de gouvernance partenariale ;
  • Simplifier enfin les démarches administratives, la demande de financement, les rendus-compte en privilégiant la confiance et l’expertise des structures de l’ESS au contrôle et surtout le versement des financements rapide et sécurisé sans mettre en danger la trésorerie des structures ;
  • Se doter d’indicateurs performants, accessibles et transposables de la plus-value sociale et environnementale des acteurs économiques au-delà des seuls indicateurs de croissance et de production.

Pour finir et illustrer, pouvez-vous citer quelques structures de l’ESS du Pays Lédonien qui vous ont marquée ?

  • Le ClusTer Jura, notre PTCE, fait un travail remarquable au bénéfice des collectivités, des porteurs de projets et de la dynamique coopérative.
  • L’ADAPEMONT est l’acteur historique de la Petite Montagne au bénéfice de son développement. Elle porte un Atelier Chantier d’Insertion, un Fab Lab, un troupeau de vaches Highlands pour les trouées paysagères de zones Natura 2000, une maison d’édition et enfin un festival culturel et gastronomique. Tous ces supports ont vocation à servir les habitants et le lien social.
  • Le Groupe DEMAIN, première coopérative à avoir développé un support d’insertion, fait toujours office de pionnier en matière de coopération territoriale, de gestion des déchets.
  • Rudologia, - Pôle de Compétences Déchets - est un organisme national sous statuts associatifs fédérant les principaux acteurs de la filière, basé à Lons-le-Saunier. Il est centre de ressources national, forme élus, entreprises à la gestion des déchets et porte en direct une licence professionnelle « Traitement et gestion de déchets ».
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