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Interview
Achats socialement responsables

L'EPT Grand Paris Sud Est Avenir : collaboration acheteur public - facilitateur

Publié le 11 mai 2018 - Mise à jour le 12 octobre 2020
Développer une stratégie d'achats responsables est une ambition de l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir (GPSEA). Pour y parvenir, la co-construction des marchés publics entre acheteurs et facilitateurs de clause sociale est essentielle. Témoignage de collaboration entre une acheteuse publique et une facilitatrice de ce territoire.

La collaboration en 5 questions à Latifa Mazza, responsable Clauses Insertion à Pôle Compétence Initiative et Aurore Caro, cheffe de projet Achat à GPSEA

Qu’est-ce que Grand Paris Sud Est Avenir ? Quelles sont ses compétences et ses spécificités en termes de marchés publics ?

Aurore CARO : Grand Paris Sud Est Avenir est le 11ème des 12 Territoires - établissements publics territoriaux (EPT) - créés en 2016 dans le cadre de la loi NOTRe du 7 août 2015. Il regroupe 16 villes et est présidé par le maire de Créteil, Laurent Cathala. La particularité de cet EPT réside dans la diversité de son territoire entre zones urbaines et zones rurales, né de la fusion de deux communautés d’agglomérations (notamment la ville de Créteil, comptant plus de 90 000 habitants) et d’une communauté de communes (avec la Ville de Périgny qui compte 2600 habitants). Les compétences vont du sujet des voiries communales, de la gestion de l’eau, des plans locaux d’urbanisme, de la restauration collective aux sujets de la culture et des équipements sportifs.

Comment vous êtes-vous rencontrées ?

Aurore CARO : Mon poste de chef de projet achat a été créé il y a 1 an avec l’ambition d’inclure tous les aspects stratégiques de l’Achat. Avant cette création de poste, la réflexion portait quasiment exclusivement sur les aspects juridiques de la commande publique. Aujourd’hui, les missions de la fonction achat sont bien plus larges et interviennent dès les arbitrages budgétaires afin de pouvoir anticiper les commandes, de pouvoir effectuer une analyse précise et de rechercher les réponses les plus adaptées aux besoins du territoire en termes d’achats, notamment responsables. C’est cette intervention très amont qui est garante de la bonne définition des cahiers des charges et de la pertinence des marchés qui seront mis en place.

Pour ma part, j’avais déjà travaillé avec des facilitateurs dans mes précédentes fonctions. J’ai donc directement cherché à créer un lien avec les facilitateurs du territoire lors de ma prise de poste. J’ai alors rencontré Latifa Mazza, Responsable Clauses Insertion à Pôle Compétence Initiative (PCI). Ainsi, en janvier j’ai pu partager avec Latifa le plan d’action des achats (PAA) prévoyant tous les marchés à venir sur l’année pour GPSEA afin de solliciter son expertise en termes de clauses sociales.

Latifa MAZZA : PCI est une association située à Alfortville qui a pour but de contribuer à l’insertion sociale et professionnelle des publics en difficulté du territoire de GPSEA. Il s’agit de l’opérateur en charge de la mise en place des clauses d’insertion dans le cadre de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ainsi que du support juridique du plan local d’insertion pour l’emploi (PLIE). J’y suis en charge des clauses d’insertion et plus largement des questions d’emploi. Ma mission en tant que facilitatrice consiste dans la mise en place et le suivi des clauses d’insertion et ce pour une vingtaine de donneurs d’ordres publics, tels que l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (APHP), la Ville de Créteil, etc.

Les facilitateurs sont garants de leurs ressources locales. Ils sont ainsi en veille constante des marchés à venir afin d’en informer les structures de l'insertion par l'activité économique (SIAE) ou le structures du secteur protégé et adapté (SPA). Par ailleurs, à PCI nous souhaitons faire le lien entre les acheteurs, les donneurs d’ordre et les structures locales. Nous organisons ainsi des visites sur le terrain afin de créer les rencontres et de pérenniser une relation partenariale et commerciale entre acheteurs publics et ainsi faciliter de futurs achats responsables. Pour cela, nous sommes en lien direct avec les réseaux qui nous font gagner du temps car ils ont un rôle central en termes de connaissance et d’accès aux structures. Nous essayons également de favoriser les coopérations dans la réponse à des marchés d’ampleur lorsque des structures individuelles ne pourraient pas y répondre, via la création de groupements par exemple.

Sur quels types de marché avez-vous travaillé ensemble ?

Aurore CARO : En janvier, sur la base du plan d’action des achats de l’année à venir, une première sélection des marchés pouvant être clausés a été faite sur recommandation de Latifa. Ces propositions de marchés ont été présentées aux services prescripteurs de GPSEA afin qu’ils les valident.

Nous avons travaillé sur plusieurs marchés ensemble, pour des segments d’achat classiques tels que de l’entretien de locaux ou d’espaces verts mais aussi de la mise sous pli où nous avons pu travailler avec un ESAT, Alter Ego à Alfortville, pour un volume de 1200 enveloppes avec une série de documents.

Latifa MAZZA : GPSEA est également en charge de certains marchés d’assistance à maitrise d’ouvrage dans le cadre du plan pour la rénovation urbaine. Nous essayons d’insérer de la clause sociale sur ces marchés afin de diversifier les secteurs de l’insertion, et d’élargir les domaines d’intervention dès l’ingénierie en cabinet d’architecte en amont des travaux, via une clause d’insertion comme condition d’exécution (article 38-i) qui impose à l’entreprise de réserver un certain nombre d’heures travaillées à des personnes en parcours d’insertion. L’objectif n’est cependant pas de décourager les entreprises classiques dans la réponse à nos marchés c’est pourquoi nous proposons de fixer la clause à 5 ou 8% d’heures. Ce type de dispositif pourra être remis en place avec l’arrivée de l’ANRU II.

Aurore CARO : Un autre exemple de marché dans un secteur moins classique est celui des jouets recyclés. C’est après avoir transmis le PAA à Latifa, elle a porté à notre connaissance l’Association REJOUE, qui recycle et revalorise des jouets pour enfants. Cette activité correspondait complètement aux besoins de nos trois ludothèques et avons organisé une rencontre et une visite des locaux de ce chantier d’insertion. Le service prescripteur a été convaincu et nous avons créé un lot réservé -dans notre marché global d’achat de jeux et jouets- auquel seul Rejoué a répondu.

Quels freins identifiez-vous dans la mise en place de clauses sociales ?

Latifa MAZZA : Selon moi, il s’agit souvent d’une question d’appétence personnelle pour des acheteurs ont certaines habitudes dans la réalisation des marchés et qui ne changent pas ou n’ont pas encore changé leurs pratiques.

Par ailleurs, d’autres freins concernent la méconnaissance globale des postes des dispositifs de clause sociale et des postes de facilitateurs, et ainsi, le temps que cela peut prendre à un acheteur afin de sourcer des structures responsables.

C’est un enjeu pour nous en tant que facilitateurs que d’expliquer notre rôle auprès des acheteurs afin de leur montrer que nous pouvons les accompagner dans la mise en œuvre de clauses sociales afin de les rassurer sur ces sujets et de les encourager à s’engager dans ces démarches. Pour cela, PCI organise des conférences et des ateliers avec les donneurs d’ordre afin de les sensibiliser.

Quelles bonnes pratiques souhaiteriez-vous partager avec les acheteurs publics et privés ?

Aurore CARO : Je recommande aux acheteurs de faire un benchmark des démarches d’achats responsables d’autres collectivités ou structures similaires à celle de l’acheteur en question. C’est ce que nous avons fait avec la ville de Romainville qui avait également réalisé un marché pour Rejoué. Nous avons étudié les détails opérationnels du marché et nous avions pu notamment avoir des informations sur les critères de prix, qui, pour Rejoué, portent sur le poids des jouets et non le nombre de jouets vendus. Ceci nous a permis de gagner du temps dans l’évaluation de notre budget et la réalisation de nos critères de sélection afin d’analyser les devis à recevoir.

Latifa MAZZA : Je leur recommande d’être en veille sur le secteur de l’IAE en participant à des évènements des réseaux et des journées thématiques sur les clauses sociales. Pour cela, les facilitateurs du territoire peuvent orienter les acheteurs vers ces réseaux et présenter les spécificités des dispositifs de clauses sociales.

Aurore CARO : Ainsi, par exemple dans le cadre de notre réseau de la commande publique regroupant une fois par trimestre l’ensemble des chefs de service commande publique de nos villes membres, où nous travaillons sur la mutualisation de nos achats, nous avons invité Latifa à venir se présenter auprès de tous les acheteurs de notre réseau. Cela a eu un effet très positif car les participants étaient intéressés, d’abord à titre professionnel puisqu’on aborde des enjeux stratégiques du métier mais aussi dans le cadre de leurs fonctions en termes de développement local des territoires.

Enfin, un dernier conseil : Echanger en amont sur le plan d’action des achats, l’anticipation est la clef de la réussite d’une stratégie d’achats responsables. Pour cela, il faut se saisir de l’outil du plan d’action des achats afin d’analyser très en amont les marchés à venir et de co-construire avec les facilitateurs en présence sur le territoire.

>> En savoir plus : consultez l'annuaire des facilitateurs d'Alliance Villes Emploi

Thématiques

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