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Décryptage
Energie renouvelable citoyenne

Les Régions s’investissent !

Publié le 29 mai 2017 - Mise à jour le 14 mai 2021
« HydroRaon », centrale hydraulique dans les Vosges, « La Jacterie », parc éolien en Maine-et-Loire, ou encore « la Grappe Solaire », ensemble de panneaux photovoltaïques installés sur des bâtiments publics dans le Puy-de-Dôme… Ces projets citoyens de production d’énergie renouvelable, constitués sous la forme de SCIC ou de SAS coopérative, font partie de la cinquantaine d’initiatives accompagnée à ce jour par Energie Partagée. Les Régions sont partie prenante de ces projets, en les subventionnant ou en constituant des outils d’investissement pour leur apporter du capital. Cette logique financière est d’ailleurs « un mouvement de fond », comme en témoigne Arno Foulon, responsable de l’animation du réseau Energie Partagée dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA).

Energie Partagée est présente en région par l’intermédiaire de réseaux locaux. Quel est votre rôle en PACA ?         

En tant que responsable de l’animation en PACA d'Energie Partagée, j’organise des ateliers avec les porteurs de projets, j’interviens en coaching là où il y a des besoins, je rencontre les élus et les techniciens des collectivités locales, etc. Je fais en sorte que les initiatives se multiplient. Au démarrage, j’accompagnais deux projets. Aujourd’hui, il y en a une vingtaine en cours de développement et une dizaine en émergence sur le territoire. Les investissements suscités se chiffreront d’ici 2018 en millions d’euros !

Comment le conseil régional de PACA participe-t-il au financement du réseau ?

Chaque réseau régional d’Energie Partagée repose sur l'activité de sensibilisation et d'accompagnement d'un animateur. Son rôle est d'accompagner les projets de territoire d'énergie renouvelable au début de leur vie, quand ces derniers ne sont pas encore solvables. Aussi, le financement régional est-il nécessaire.  Il s’agit bien souvent d’une subvention liée à la politique d’économie sociale et solidaire ou d’énergies renouvelables de la collectivité. Nous finançons également l’animation grâce à l’appui de l’Ademe, à des fonds privés (par exemple la fondation Rexel) et à notre autofinancement lié aux cotisations de nos adhérents et à notre activité de formation.

De manière générale, comment les conseils régionaux peuvent-ils intervenir dans le financement des projets citoyens de production d’énergie renouvelable ?

D’abord, les Régions ont développé le subventionnement, notamment pour aider les porteurs de projets à réaliser les premières études de faisabilité ou à faciliter l'investissement, quand le projet est exemplaire. Par exemple, la société Provence Energie Citoyenne, constituée en mai 2016 pour un projet de rénovation d’une centrale hydraulique dans les Bouches-du-Rhône, a obtenu une subvention à l’investissement de 150 000 € de la Région. On observe cependant un mouvement de fond, qui est celui du développement d’outils d’investissements dédiés, pour entrer au capital et à la gouvernance des projets.

Concrètement, par quels mécanismes le conseil régional peut-il investir ?

Il y a deux possibilités. La première, c’est la prise directe de participation dans les SCIC ou les SAS qui produisent des énergies renouvelables. En ce qui concerne les SAS, c’est une nouveauté introduite par la loi sur la transition énergétique. C’est très intéressant pour les collectivités locales, car cela signifie qu’elles peuvent faire remonter des dividendes, et ainsi faire de la production d’énergie renouvelable locale un levier d’hybridation de leurs ressources.

La deuxième possibilité est la création ou le soutien d’une entreprise de droit privé à capitaux publics, les sociétés d’économie mixte (Sem). Les Régions agissent ainsi quand elles veulent maitriser complètement leurs investissements en matière d’énergies renouvelables et conserver la majorité dans la gouvernance des projets.

Quelles Régions utilisent ces leviers aujourd’hui ? 

La Région PACA est entrée au capital de la SCIC Enercoop PACA, par exemple. C’est le cas également de la Région Occitanie, avec Enercoop Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées.

La Région Bretagne a été à l’initiative de la création d’une société d’investissement sous forme SAS, Eilañ, qui investit sur le territoire breton dans des entreprises réalisant des équipements ou des infrastructures de production d’énergies renouvelables. Elle intervient par des prises de participation minoritaires dans les projets et est portée par la SEM pour l’aménagement et l’équipement de la Bretagne (dont la Région détient plus de 70 % des parts). Cela répond aux engagements qu’elle a pris dans le Pacte Electrique qu’elle a signé avec l’Ademe et l’Etat.

Autre initiative intéressante, celle du Syndicat Intercommunal d’Énergies, d’Équipement et d’Environnement de la Nièvre (SIEEE), qui a créé la Sem Nièvre Energies. Son objectif est d’avoir la maitrise du développement des énergies renouvelables sur le territoire. En 2015, le conseil régional de Bourgogne était entré au capital de la Sem pour augmenter ses moyens d’action.

La Région Occitanie a, elle aussi, lancé un programme dédié aux énergies renouvelables…

En effet, en 2014, la Région Languedoc-Roussillon avait lancé un premier appel à projets avec le soutien de l’Ademe, permettant à onze initiatives de bénéficier de subventions pour mener à bien des études de faisabilité, d’avances remboursables mais également d’une prime à la participation citoyenne, sur le principe « 1 euro financé par la Région pour 1 euro citoyen investi ». Cet appel à projets a été reconduit en 2016 sur l’ensemble de la Région Occitanie et EC’LR, un réseau régional pour fédérer les porteurs de projets, a été mis en place.

Pour conclure, quels conseils donneriez-vous aux conseils régionaux qui souhaitent s’engager à vos côtés ?

On leur conseillerait de se doter d’outils d’investissement pour faire levier  sur les projets de production d’énergie renouvelable que portent les territoires. Au-delà de participer au développement local, c’est aussi une possibilité de faire remonter des bénéfices financiers aux collectivités et de les aider à prendre une place majoritaire dans la gouvernance des projets. Un autre axe de soutien fondamental est celui de l’animation locale, car elle est essentielle pour faire émerger de nouvelles initiatives.

EN SAVOIR PLUS

 

LE POINT DE VUE DES REGIONS

« La Région se met au service des initiatives citoyennes sur le territoire »

"Le potentiel de développement des énergies renouvelables en région Centre-Val de Loire est très important : bois-énergie, géothermie, solaire, éolien, etc. [voir ici]. Notre ambition politique est forte en la matière, il s’agit de doubler la production d’énergies renouvelables d’ici à la fin du mandat. C’est pourquoi le Conseil Régional soutient les acteurs locaux qui anime les filières sur le territoire. Nous avons lancé l’année dernière avec Energie Partagée une animation autour de l’énergie citoyenne. Nous avons financé, grâce à notre budget consacré à l’environnement et avec l’ADEME, un poste dédié à l’accompagnement des projets. Energie Partagée souhaitait davantage s’implanter en région, et nous avions de notre côté la volonté d’accompagner les initiatives citoyennes pour impliquer les habitants dans la transition énergétique : c’est ainsi qu’est né le partenariat. Nous avons créé un comité de pilotage avec l’ADEME et la DREAL pour orienter le travail de l’animateur. Ce n’est que le début, mais des réalisations concrètes en énergie éolienne et photovoltaïque devraient voir le jour d’ici à 2018. Dans le cadre du développement d’un service public local de l’énergie, nous réfléchissons également à mettre en place une aide à l’investissement pour les porteurs de projet, sur le modèle un euro investi par le citoyen = un euro investi par la Région. A l’avenir, nous pourrions également créer une société d’économie mixte pour nous doter de notre propre outil d’investissement, ou investir dans des SCIC, ce que nous avons d’ailleurs fait, à hauteur de 100 000 euros, dans le domaine de la culture avec le Bateau Ivre à Tours. De manière générale, ce que l’on peut constater, c’est que l’implication des habitants par l’intermédiaire des structures de l’économie sociale et solidaire est un gage de réussite pour faire aboutir les projets d’énergie renouvelable."

Benoît Faucheux, Vice-Président délégué à la Transition énergétique et à l’environnement au Conseil Régional Centre-Val de Loire.

 

 « L’énergie citoyenne doit s’inscrire dans de véritables stratégies de territoire »

"De nombreux projets d’énergie renouvelable sont aujourd’hui soumis à des recours. Le Conseil Régional Nouvelle-Aquitaine s’est donc interrogé sur les façons de procéder pour faire en sorte que les initiatives puissent émaner des territoires et être mieux acceptées. La co-construction est essentielle pour réussir, et la Région a développé des outils pour la favoriser. Nous soutenons financièrement l’association CIRENA, dont Energie Partagée est membre, pour accompagner les projets. Nous avons mis en place le conseil permanent de la transition énergétique et du climat (COPTEC), afin de gagner en transversalité de nos services, notamment sur ce sujet. Nous y organisons des réunions avec un conseil régional des acteurs composé de 400 organisations, ainsi que des « ateliers des solutions ». Le dernier a eu lieu à Angoulême en mars et portait justement sur les projets d'énergies citoyennes et participatives. Cette concertation nous a notamment servi à mieux appréhender les besoins en vue de lancer un nouvel appel à projets sur cette thématique. Précédemment déployé en Poitou-Charentes, nous allons l’étendre et le parfaire cette année sur le périmètre de la nouvelle région. Il consistera à soutenir les phases d’études des projets citoyens et à les subventionner sur le principe un euro de la Région pour un euro investi par un citoyen. La Région est aussi actionnaire du fonds d’investissement Terra Energies, qui associe des partenaires privés et du financement participatif à l’action publique pour soutenir des projets d’énergie renouvelable. Plus que jamais, l’énergie citoyenne doit s’inscrire dans de véritables stratégies de territoire, et la Région a des compétences clés (formation, développement économique, etc.) pour y prendre part."

Françoise Coutant, Vice-Présidente déléguée à la Transition Énergétique et au Climat au Conseil Régional Nouvelle-Aquitaine

Propos recueillis par Sébastien Lévrier, Les Petites Rivières

Thématiques

Mobilisation citoyenne
Région Transition écologique

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