Décryptage
Insertion par l’activité économique

Stratégie prévention et lutte contre la pauvreté : quels impacts pour l’Insertion des publics éloignés de l’emploi ?

Publié le 26 septembre 2018
Le 13 septembre dernier, le président Emmanuel Macron a annoncé sa stratégie de lutte contre la pauvreté devant, entre autres, l’ensemble des acteurs de l’Insertion par l’activité économique (IAE). 8,5 milliards d’euros vont être mobilisés d’ici la fin de son quinquennat pour créer "l’Etat providence du XXIe siècle". Quel rôle sera attendu des structures et dispositifs d’inclusion dans l’emploi ? Décryptage.

"Faire plus pour ceux qui ont moins". C’est le crédo défendu par Emmanuel Macron, lors de la présentation, le 13 septembre dernier, au Musée de l’Homme à Paris, de sa stratégie de lutte contre la pauvreté. 8,8 millions de Français sont considérés aujourd’hui comme « pauvres », selon les derniers chiffres de l’INSEE. Avec un taux de pauvreté à la hausse depuis 20 ans.

Le plan pauvreté entrera en vigueur le 1er janvier 2019, mettant l’accent sur la petite enfance, les jeunes, une simplification du système social (avec notamment un revenu universel d’activité à l’étude) et un accompagnement vers l’emploi pour tous. Il sera déployé sur quatre années.

Création d’un service public de l’insertion

Parmi les volontés phares affichées par l’exécutif concernant l’inclusion dans l’emploi des publics les plus éloignés de l’emploi : créer un « véritable service public de l’insertion », en partenariat avec les collectivités et les acteurs du secteur. « C'est le seul moyen de garantir l'universalité des droits », a prévenu Emmanuel Macron, considérant que le système actuel est « trop éclaté » et « inégal » selon les territoires.

Concrètement, chaque personne s’inscrivant au Revenu de solidarité active (RSA) devra pouvoir bénéficier d’un accompagnement global, dans le mois, avec un guichet unique « simple ». Les problèmes du quotidien seront pris en charge de manière simultanée à l’insertion professionnelle. L’accompagnement devenant « un droit » pour tous les bénéficiaires de minima sociaux, dans le cadre d’une « Garantie d’activité ». Objectif : accompagner 300 000 personnes par an.

Du côté des acteurs, le gouvernement veut repenser le système de gouvernance de l’insertion pour « trouver la solution la plus intelligente avec les départements, les communes, les régions, les métropoles », martèle Emmanuel Macron. Les collectivités territoriales seront donc en première ligne, et notamment les départements. Insistant sur « la clarté des financements », le président a également annoncé une dimension contraignante : les départements ne s’engageant pas dans la démarche d’insertion pourront être pénalisés.

100 000 contrats à durée déterminée d’insertion (CDDI) supplémentaires d’ici la fin du quinquennat

Autre décision attendue, le Président de la République a annoncé l’augmentation du nombre de contrats d’insertion d’ici à la fin de son mandat, en investissant 450 millions d’euros d’aides aux postes dans le secteur de l’IAE. Cela pourrait permettre la création de 100 000 CDDI supplémentaires, représentant environ 55 000 équivalents temps plein dans le secteur de l’IAE : « nous porterons à 240.000 le nombre de contrats, il y en a aujourd'hui 140.000 », a ainsi déclaré Emmanuel Macron. Objectif : favoriser le retour à l’emploi des personnes les plus fragiles en s’appuyant sur les Structures de l’insertion par l’activité économique (SIAE), reposant sur le triptyque « mise en situation de travail-formation-accompagnement ».

Le gouvernement rebondit ainsi sur une préconisation du Rapport Borello, sorti en janvier dernier, qui encourageait « un pacte d’ambition avec le secteur de l’IAE », en atteignant « une croissance annuelle de 20% du nombre de salariés jusqu’à la fin du quinquennat, avec une hausse budgétaire plus modérée, grâce à une plus grande performance ».

4 dispositifs d’insertion valorisés et accompagnés dans leur développement

A l’occasion de son discours, le Président Emmanuel Macron annonce de financer, pour un budget de 70 millions d’euros, l’essaimage de 4 expérimentations d’insertion évaluées positivement :

Dispositif d’accompagnement par le travail porté initialement par Emmaüs Défi, Convergence a pour objectif de sortir des personnes de la rue par le travail. Lancé en 2012, il a accompagné 300 personnes durant les trois premières années, avant d’être élargi. Dans le cadre de la Stratégie Pauvreté, le dispositif sera essaimé, avec le soutien d’Emmaüs France et de la Fédération des Acteurs de la Solidarité.

Déployé dans 24 villes françaises et s’inspirant d’un projet canadien, le dispositif Tapaj (travail alternatif payé à la journée) offre à des jeunes en errance un travail sur une journée, comme premier tremplin pour sortir de la rue. Outil de revalorisation social, il permet d’obtenir un petit salaire et de reprendre contact avec des éducateurs.

Porté par l’association éponyme, créée par ATD Quart Monde en partenariat avec le Secours catholique, Emmaüs France, Le Pacte civique et la Fédération des acteurs de la solidarité, le dispositif est expérimenté actuellement sur dix territoires, depuis fin 2016. Des entreprises à but d’emploi (EBE) y ont été ouvertes et ont recruté plus de 600 personnes en CDI.

Lancé en 2016 par la Fédération des Acteurs de la Solidarité, il vise à positionner les structures de l’insertion par l’activité économique (SIAE) comme des médiatrices pour favoriser un emploi durable des salariés en insertion. D’abord accompagnés dans des structures spécialisées (chantiers, associations intermédiaires, etc.), ils sont ensuite dirigés vers des entreprises classiques. Une expérimentation de 18 mois a d’ores et déjà été menée.

Des réactions enthousiastes… mais prudentes

Les réseaux de l’IAE et les acteurs associatifs – qui ont participé aux concertations pour l’élaboration de la stratégie pauvreté - se sont globalement félicité des annonces de l’exécutif. Coorace souligne ainsi que « La feuille de route gouvernementale reprend enfin les revendications des réseaux de l’insertion », estimant que : « lutter contre la pauvreté, c’est faire le choix de l’inclusion active et de la lutte contre le chômage de longue durée en accompagnant les publics les plus fragilisés dans l’emploi. »

La Fédération des Entreprises d’Insertion, quant à elle, salue « un choix social » qui est « aussi un choix économique, l’investissement de l’Etat se trouvant démultiplié par la création de valeur des entreprises d’insertion ». Dans la même veine, Chantier école se félicite de « la volonté ambitieuse » d’Emmanuel Macron, retenant « tout particulièrement le fait que pour la première fois un Président de la République annonce le développement de solutions à travers l’Insertion par l’Activité Economique ».

Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité  estime, dans une interview accordée au Monde, qu’il s’agit d’un « sursaut bienvenu », après 18 mois de mauvaises nouvelles. Il souligne cependant que la stratégie présidentielle ne peut-être qu’une « première étape ». Et tous les réseaux s’accordent sur un point : ils seront « vigilants », à l’instar de Chantier école, sur la mise en œuvre concrète de cette stratégie. Et ce, dès la prochaine loi de finances.

C’est d’ailleurs la dimension financière qui préoccupe le plus les acteurs associatifs. Certains jugeant le budget alloué sur quatre ans pas assez significatif. Le collectif ALERTE déplore par exemple le fait que « les mesures annoncées demeurent insuffisantes pour corriger les effets néfastes des choix politiques antérieurs, sur lesquels la stratégie pauvreté ne revient pas : baisse drastique des contrats aidés, diminution des APL, fragilisation des bailleurs sociaux, augmentation de la CSG, annonces sur la non-indexation de certains minima sociaux alors que l’inflation accélère ». Le collectif réclame davantage d’ambition, notamment sur la question des inégalités de santé. Et craint de voir baisser d’autres lignes budgétaires, comme par exemple l’hébergement.

Dans l’immédiat, la Stratégie pauvreté apparaît donc comme encourageante mais associations et acteurs de l’IAE appellent à la mobilisation et la vigilance constantes pour que les mesures se concrétisent et soient réellement efficaces. Un travail d’accompagnement des SIAE sera également probablement nécessaire pour permettre le développement du secteur.

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