L’essor des politiques publiques favorisant le développement de l’ESS

Publié le 17 avril 2023 - Mise à jour le 02 octobre 2023
Que ce soit à l’échelle locale, nationale ou européenne, l’économie sociale et solidaire (ESS) a, depuis la deuxième moitié du XXème siècle, trouvé une place grandissante au sein des politiques publiques. La législation s’affinant, l’ESS s’est institutionnalisée, intégrant de plus en plus d’acteurs – y compris dans le processus d’élaboration des politiques publiques.

L’institutionnalisation de l’économie sociale et solidaire (ESS) au niveau national

Si l’économie sociale est un terme qui remonte au XIXème siècle, les politiques publiques se sont emparées de ce champ plus tardivement.

 

Il faut attendre les années 1970-80, époque à laquelle le champ d’intervention économique de l’État s’élargit et où la notion de société civile prend de l’ampleur, pour que l’économie sociale soit politiquement reconnue, notamment pour sa capacité à corriger d'importants déséquilibres économiques ou sociaux et à contribuer à la réalisation de divers objectifs d'intérêt général.

 

Au sein des politiques publiques nationales en France, on parle d’une institutionnalisation accrue de l’ESS depuis la crise économique et financière de 2008 aboutissant à la loi du 31 juillet 2014.

La loi de 2014 a doté l’économie sociale et solidaire (ESS) d’un véritable statut juridique, la consacrant comme un mode d’entreprendre spécifique. Elle a également ouvert le périmètre de l’ESS à des sociétés commerciales à finalité sociale. Cette loi renforce également l’organisation de la représentation de l’ESS pour mieux l’associer à l’élaboration des politiques publiques. Elle entérine par exemple l’existence d’une tête de réseau nationale représentant les acteurs de l’ESS, ESS France et la pleine reconnaissance des Chambres Régionales de l’ESS (Cress).

En parallèle, l’État crée des outils au sein des administrations de l’Etat (promotion des achats responsables, intégration de volet ESS dans les schémas de développement économique des régions, délégation interministérielle dédiée, etc.) et plusieurs mesures sectorielles sont prises pour améliorer le financement de l’ESS.

Le rôle et les spécificités des collectivités territoriales

Les actions des collectivités territoriales, créées lors des différentes phases de décentralisation qui se sont déroulées à partir des années 1980, sont souvent mal connues par les citoyens ou les porteurs de projets. Pourtant, elles agissent quotidiennement sur des thématiques relevant du périmètre de l’ESS.

 

Selon les échelons, les collectivités territoriales ne sont pas en charge des mêmes domaines. En adoptant une vue d’ensemble synthétique, on peut distinguer :

 

  • L’échelon communal : la commune peut intervenir sur tous les sujets qui présentent un intérêt public local dès lors qu'elle n'empiète pas sur les compétences réservées à l'État ou à une autre collectivité territoriale (on parle de « clause générale de compétence »).
  • L’échelon intercommunal : les communes peuvent coopérer en se regroupant dans des intercommunalités (au sein d’établissements publics de coopération intercommunale – EPCI - par exemple) et prendre en charge une partie des services publics locaux considérés comme structurant pour le territoire (ramassage des ordures, transports, développement local).
  • L’échelon départemental : le département est principalement compétent sur l’action sanitaire et sociale (protection de l’enfance, handicap, dépendance ou encore versement des prestations légales d’aides sociales comme le RSA), la voirie, la gestion des collèges, la culture et le tourisme.
  • L’échelon régional : la Région concentre son action sur le développement économique, l’aménagement du territoire, par l’intermédiaire notamment des Contrats Plan Etat Région (CPER), les transports ou encore la formation professionnelle. Depuis 2015, elle est en charge de rédiger un Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) qui définit les orientations en matière de développement de l’économie sociale et solidaire, en s’appuyant notamment sur les propositions formulées au cours des conférences régionales de l’ESS.

 

Dans le cadre de politiques publiques locales, les différentes collectivités territoriales peuvent ainsi être des soutiens et des partenaires d’une structure d’utilité sociale en création ou en développement.

 

Les disparités territoriales sont parfois importantes concernant l’accompagnement de l’ESS : certaines collectivités sont très en avance sur le sujet et ont structuré leurs actions depuis plusieurs années, tandis que d’autres ne vont pas plus loin que les obligations issues de leurs compétences (l’action publique de proximité par l’intermédiaire des Centres Communaux d’Action Sociale pour les communes, l’action sanitaire et sociale comme la protection de l’enfance pour les départements ou encore le développement économique à travers la formation professionnelle pour les régions, à titre d’exemples) et ne disposent pas, par exemple, de service spécifique aux questions de l’ESS.

Zoom sur le Contrat de relance et de transition écologique (CRTE) : la promesse d’un outil d’articulation des politiques publiques

Nouvelle méthode de contractualisation entre l’État et les collectivités locales, les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) remplacent les dispositifs existants au niveau infrarégional afin de simplifier les différents programmes d’aide de l’État au service des territoires.

 


Annoncés dans une circulaire datant du 20 novembre 2020, les CRTE s’inscrivent dans un contexte particulier de relance économique de l’activité des territoires et affichent donc une double ambition :
- à court terme, identifier les actions à impact immédiat permettant de mettre en œuvre rapidement les politiques publiques de relance au niveau local ;
- à moyen et long terme, favoriser une transition écologique, sociale et économique à travers les dynamiques partenariales et la cohésion.

 


Pour en savoir plus, vous pouvez consulter les décryptages :
- CRTE : Comment coopérer entre collectivités et acteurs de l'ESS ?
- Acteurs de l’ESS, saisissez-vous des nouveaux contrats de relance et de transition écologique (CRTE) !

L’intégration progressive de l’économie sociale au sein des politiques européennes

L’Union européenne, élaborant depuis les années 1990 de plus en plus de politiques sociales, s’est emparée du sujet de l’économie sociale de manière assez naturelle, même si elle revêt des formes extrêmement variées selon les pays.

 

Adoptée en 2010, la stratégie "Europe 2020" place la cohésion territoriale et la recherche de solutions innovantes à des problèmes sociaux (notamment dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion) au cœur des préoccupations de l’Union européenne. L’ESS y a donc toute se place.

 

En décembre 2021, la Commission européenne a publié un plan d’action dédié à l’économie sociale, en s'appuyant sur l'Initiative pour l'entrepreneuriat social (SBI) lancée en 2011. Sans valeur contraignante, il permet de donner de la visibilité aux ambitions européennes en matière d’ESS, à savoir :

 

  • créer les conditions propices à l’essor de l’économie sociale ;
  • favoriser l'émergence et le développement des organisations de l'économie sociale ;
  • veiller à la reconnaissance de l'économie sociale et de son potentiel.

Cette reconnaissance politique définit l’ESS pour la première fois de façon inclusive, en intégrant, comme dans la législation française, les entreprises commerciales à finalité sociale ou environnementale. Selon Michel Catinat, référent ESS européenne au Labo de l’ESS, « cette définition fait définitivement basculer la politique européenne d’une politique d’entreprenariat social vers une politique de support à l’économie sociale ».

Coconstruire les politiques publiques

Les acteurs de l’ESS, qui portent souvent des innovations sociales et expérimentent de nouvelles réponses aux besoins économiques et sociaux non pourvus, sont de plus en plus nombreux à être impliqués dans la définition ou l’élaboration de politiques publiques : on parle alors de coconstruction. Cette dernière concerne le plus souvent les orientations générales et est rendue possible par la mise en place de formes de gouvernance adaptées.

 

L’article 8 de la loi du 31 juillet 2014 indique : « Les politiques publiques des collectivités territoriales et de leurs groupements en faveur de l’économie sociale et solidaire peuvent s’inscrire dans des démarches de coconstruction avec l’ensemble des acteurs concernés. Les modalités de cette coconstruction s’appuient notamment sur la mise en place d’instances associant les acteurs concernés ou de démarches associant les citoyens au processus de décision publique. » À titre d’illustration, c’est en suivant ce principe que les stratégies ou feuilles de route de l’ESS sont adoptées (comme celle de Nantes Métropole).

Thématiques

Économie sociale et solidaire
Politiques publiques Coopération territoriale

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