Décryptage
Petites villes de demain

Habitat inclusif et revitalisation territoriale

Publié le 28 janvier 2022
Les structures de l'économie sociale et solidaire (ESS) sont à la manœuvre sur de nombreux projets d'habitat inclusif, prisés notamment par les Petites villes de demain en quête de revitalisation. Ils répondent au double enjeu d'offrir un cadre de vie adapté aux personnes dépendantes tout en ramenant de la vie dans les centre-bourgs. Enquête sur les modèles et les partenariats opérationnels émergents.

Le bien-veillir au sein des Petites villes de demain

Et si l'enjeu du bien-veillir était une opportunité de redonner vie aux petite villes des campagnes françaises, comme en témoigne la multiplication des projets d’habitat inclusif et des politiques publiques qui les soutiennent ?

« Les plus de 75 ans représentent près de 14 % de la population des 1600 petites villes de demain, contre 9 % en moyenne nationale », constate Juliette Auricoste, directrice du Programme Petites villes de demain au sein de l’Agence nationale pour la cohésion territoriale (ANCT)« La question du bien vieillir est nécessairement une approche qui va croiser différentes politiques publiques. Par ailleurs, il est opportun d’avoir une approche par territoire avec des élus qui sont parties prenantes pour éviter le cloisonnement de ces politiques », ajoute-t-elle.

Une diversité d'acteurs mobilisés

"Nous sommes un territoire à la population vieillissante. L'habitat inclusif ramène de la vie en centre-bourg avec des personnes qui vont consommer localement. C'est aussi une opportunité de rénovation de bâtis délaissés qui contribue à l'embellissement de la ville ", résume Charlène Imbert, cheffe de projet Petite Ville de demain à Craponne-sur-Arzon, non loin du Puy-en-Velay.

Dans cette commune de 2000 habitants de Haute-Loire, plusieurs solutions sont étudiées, comme l'installation au centre-ville de services publics et d'associations (comme les Restos du coeur). 

La singularité du projet d’habitat inclusif se retrouve dans la diversité des intervenants

  • L'association Maison Bolène, qui regroupe des personnes intéressées ou leur famille autour de la conception du projet ;
  • La Mairie, qui a accompagné la structuration du collectif par des actions de communication lors de sa phase de constitution et par la mise à disposition du foncier;
  • et, enfin, Solidaire pour l'habitat (Soliha), une association qui accompagne les personnes âgées dans leur projet d’aménagement et d’adaptation de leur logement, mais également un “bailleur social”, qui envisage de porter le programme immobilier.

Les échanges entre Maison Bolène et Solihan entamés fin 2021 débouchent aujourd'hui sur l'étape de recherche de financements. C'est par la mixité des intervenants et l'énergie du collectif qu'on parviendra à reconquérir ce centre-bourg", salue Charlène Imbert. La mixité est d'autant plus nécessaire que l'habitat inclusif renouvelle en profondeur les modèles existants, que ce soit sur le plan de la conduite des projets que dans la mobilisation du foncier.

Zoom sur l'association Habit'âge

Vanessa Couvreux-Chapeau est une pionnière de l'habitat inclusif. Elle créa en 2013 l'association Habit'âge qui, de manière totalement bénévole, ouvrit sa première maison Habit'âge en 2017 : "à l’époque, on parlait d’habitat senior solidaire", sourit-elle. 

Quatre personnes vivent en autonomie dans des logements indépendants, l'une d'elle évolue en fauteuil roulant. "Une équipe de bénévoles de proximité anime le comité de maison pour partager le fonctionnement du lieu et cela maintien une ouverture de la maison sur le village", explique Vanessa devenue coordinatrice salariée de l'association depuis. "Les bailleurs sociaux n'ont pas l'habitude de venir sur des opérations de quelques logements, alors que nous, nous sommes une petite structure. De plus, ils ne savent pas faire d'animation territoriale".

Près de dix ans après la création, les projets de maisons habit'âge se sont multipliés. L'association s'est professionnalisée et diversifiée. En dehors de projets immobiliers pré-existants, "nous animons des ateliers "avancer en âge et penser son habitat de demain" avec des partenaires locaux dont le premier but est d'anticiper la question du logement avec les personnes concernées".

Un écosystème en mutation : le réseau HAPA

En dix ans le paysage a largement évolué et un réseau national de partage de pratiques et de veille s'est créé : le Réseau national de l'Habitat partagé et accompagné (Hapa). "La Loi Elan a été un gros changement avec le Plan habitat inclusif. Le forfait habitat inclusif permet de financer le projet de vie sociale, mais seulement là où il y a du handicap. Certains départements testent l'allocation d'aide à la vie partagée. Et sur le plan du bâti, nous bénéficions des subventions de l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (Anah). Il faut tout de même toujours faire courir les dossiers au niveau régional, auprès des caisses de retraite, ou des fondations", raconte la coordinatrice d'habit'âge, membre du réseau HAPA.

Rétablir le foncier d'intérêt général

La mobilisation foncière est l'autre champ d'innovation. Novo loco, foncière solidaire lancée en 2020 dans les Hauts-de France, est déjà un être hybride en ce qu'il réunit des professionnels de la promotion immobilière et une quinzaine d'associations du handicap et du vieillissement afin de promouvoir un foncier d'intérêt général.

"Le monde associatif avait besoin d'un acteur de l'immobilier qui émane du monde associatif", explique Thibaut Vullin, cofondateur de Novo loco. Novo loco agit comme opérateur immobilier au service de ses membres: "Au cœur de notre modèle, il y a la maitrise foncière. Il faut comprendre que lorsque l'argent a disparu dans l'achat du foncier, c'est 30 % du budget qui ne va pas à la qualité de l'habitat."

La structure cible des biens qui n'ont pas de valeur comptable - du fait de leur emplacement ou de leur inadaptation. Des anciennes maisons de mine au cœur de Liévin, des bureaux de Poste désaffectés trop grands pour attirer un propriétaire individuel mais parfait pour y installer quelques logements adaptés aux handicap. "Notre statut associatif nous confère une légitimité auprès des collectivités qui assument de participer activement aux projets". 

  1. Première étape - Novo loco réalise les études d'assistance à maîtrise d'ouvrage  (AMO ou AMU) pour trouver le foncier et passe des conventions avec les communes pour leur trouver des projets.
  2. Deuxième étape - La foncière monte le projet. Elle signe un bail emphytéotique de 25 ans sur le terrain et/ou devient propriétaire du bâti qu'elle rénove selon les critères établis par le projet. 
  3. Troisième étape - Les logements sont loués aux associations membres et le montant des loyers permet d'amortir les coûts de constrution ou de rénovation. 

Le dispositif Novo loco permet aux associations demandeuses de conserver la maîtrise du projet social tout en fluidifiant leurs partenariats avec les acteurs des territoires, collectivités et opérateurs. Novo loco est donc le fruit de 2 phénomènes convergents :

  • Des opérateurs immobiliers traditionnels qui souhaitent enrichir et diversifier leurs méthodologies
  • Des acteurs associatifs qui veulent monter en compétence et participer activement à leurs projets immobiliers et urbains 

Les exemples d'Habit'âge et de Novo loco illustrent les chemins de traverses pris par l'ESS pour trouver les voies de modèles spécifiques à l'habitat inclusif. Des chemins qui rencontrent de plus en plus les intérêts de bailleurs sociaux. Cela pose, comme à Craponne, la question de l'équilibre des coopérations entre acteurs, pour que chacun trouve sa place au bénéfice du projet et pour contribuer à développer une nouvelle attractivité des centres-bourgs.

En savoir plus

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