Enjeux

Concilier droit aux vacances pour tous et respect des territoires d’accueil

Publié le 02 juin 2023 - Mise à jour le 23 août 2023
Chaque année, quatre Français sur dix ne partent pas en vacances. Si les structures du tourisme social et solidaire s’engagent au quotidien pour rendre effectif le droit aux vacances pour tous, elles sont également soucieuses de la préservation de l’environnement et du développement local des territoires d’implantation.

Lutter contre la fracture touristique

Si, dans l’après-guerre, ceux qui partent en vacances font figure d’exception, aujourd’hui ce sont les non-partants qui apparaissent hors de la norme sociale.

 

En France, le taux de départ en vacances était de  43 % en 1964, de 61 % en 1985 et de 63 % en 2019. 

 

Autrement dit, en 2019, près de quatre Français sur dix n’ont pas quitté leur domicile pendant quatre nuits consécutives pour des motifs autres que professionnels, un chiffre qui stagne depuis 30 ans.  À noter : selon le Crédoc les vacances sont définies comme le fait d’avoir passé au moins quatre nuits consécutives hors du domicile au cours des douze derniers mois de l’enquête pour des motifs autres que  professionnels.

 

La répartition entre Français « partants » et « non-partants » est intimement liée au niveau de revenus :  les hauts revenus sont ainsi trois fois plus nombreux à partir en vacances que les classes moyennes inférieures . D’après une enquête réalisée par le Credoc auprès des familles, le manque de moyens financiers est la première raison invoquée pour le non-départ en vacances, mais les freins sont aussi d’ordre psychologique, culturel et social.  

Les personnes en précarité ne s’autorisent pas à partir d’autant que la société leur dit : « ceux qui ne travaillent pas n’ont pas droit à des vacances ». On a ainsi deux batailles à mener : l’accès de tous aux vacances et la bataille contre les préjugés. 
Marc Pili
Délégué général de Vacances ouvertes

Marc Pili, délégué général de  Vacances Ouvertes, perçoit même une  régression de la perception du droit aux vacances. L’enjeu n’est donc pas seulement de proposer des aides financières aux familles mais aussi d’accompagner socialement les non-partants dans la préparation au départ.

 

Loin d’être un luxe, le départ en vacances est un besoin essentiel et présente une forte valeur sociale. Selon le Crédoc, s’offrir une échappée dans l’année permet de « décompresser », « d’être comme tout le monde », « de changer ses habitudes », ou encore « de faire une coupure ». Un séjour hors de son environnement habituel est l’occasion d’accroître son réseau social, de réduire le sentiment de solitude et de favoriser une mobilité sociale future grâce à la diversité des expériences vécues. Les vacances ont aussi un effet sur la perception de son propre statut social : à niveau de revenu équivalent, les Français se sentent plus « riches » s’ils partent en vacances.

 

Les vacances représentent enfin un temps privilégié pour renforcer les liens familiaux et maintenir des relations sociales pour les personnes isolées, notamment les personnes âgées vivant seules. Pour les parents, c’est l’occasion de partager des activités et des découvertes avec leurs enfants et d’exercer la dimension éducative de la parentalité dans un environnement différent et un climat de détente.

Participer à la préservation de l’environnement

Selon l'UNTWO, les arrivées de touristes internationaux ont grimpé de 25 millions dans le monde en 1950, de 278 millions en 1980, puis 674 millions en 2000, pour atteindre 1,4 milliards en 2018, provoquant l’émergence de  très fortes affluences saisonnières  et, dans de nombreuses régions du monde, des formes de « surtourisme », néologisme inventé pour définir le phénomène de saturation observé.   

 

La pression sur la biodiversité et les ressources naturelles  dans les zones très fréquentées est inévitable : défrichage de forêts intactes, pollution de l’air, introduction d’espèces envahissantes ou encore dégradation des ressources en eau. Comme l’indique le Programme des nations unies pour l’environnement (Pnue), le tourisme a doublé, en 10 ans, dans les régions les plus riches en espèces les plus menacées, « points chauds » de la diversité biologique.  En raison de l’intérêt des voyageurs pour l’expédition et l’exploration, le Pnue estime que le tourisme continuera à se multiplier dans des espaces naturels riches en diversité biologique mais très fragiles. La production de grandes quantités de déchets est un autre effet du tourisme de masse, que les régions d’accueil ne savent pas toujours bien prendre en charge : en mer Méditerranée, 52 % des détritus seraient liés au tourisme balnéaire.

  

L’activité touristique augmente également  la pression sur la consommation alimentaire, énergétique et hydrique dans les régions d’accueil. Lors de leurs séjours sur le territoire national ou à l’étranger, les touristes développent un comportement de surconsommation. Plus les activités de tourisme et de loisirs proposées se rapprochent du haut de gamme, plus la pression sur les ressources est forte, en raison des services proposés (ex. : piscine chauffée, spa, etc.).  En Espagne, un touriste consomme 440 litres d’eau par jour (WWF, 2017), soit presque le double du volume utilisé par les habitants locaux. De même, les communes de France observent une moyenne de 392 kilogrammes de déchets par an et par habitant contre 496 kilogrammes dans les communes touristiques.

 

Autre fait marquant du tourisme mondial : son empreinte carbone élevée. Le secteur serait responsable à lui seul d’environ  8 % du total des émissions de gaz à effet de serre  générées par l’activité humaine.

 

Ce chiffre élevé s’explique par la consommation et les achats des touristes sur leur lieu de vacances (nourriture, hébergement, shopping) mais surtout par l’explosion du trafic aérien que le tourisme engendre. Avec des prix souvent moins élevés que les modes de transport doux, comme le train, la part des voyages en avion est passée de 46 % en 2000 à 58 % en 2018 ; le transport terrestre tombant de 49 % à 39 % au cours de la même période.  Selon l’Organisation de l’Aviation civile internationale (OACI), si aucune mesure n’est prise, les émissions du transport aérien devraient tripler d’ici 2050, voire être multipliées par 4 à 6 par rapport à leur niveau de 2010.

 

A contrario, l’empreinte carbone du secteur du tourisme social et solidaire reste faible  car il s’agit surtout d’un tourisme de proximité et de séjours passés en France. Est-il possible de partir en vacances sans causer de dommages écologiques ? Comment les opérateurs touristiques peuvent-ils concilier confort, qualité et prix, d’une part, et préservation de l’environnement, d’autre part ?

 

Si la réponse n’est pas évidente,  les établissements du tourisme social et solidaire prennent de nombreuses mesures :  

  • rénovation énergétique des bâtiments ;

  • achats de produits bio et locaux ;

  • meilleure gestion des déchets ;

  • économies d’eau...

En 2018, 151 établissements s’inscrivaient dans une démarche officielle de promotion d’un tourisme durable au travers des différents labels (Clef Verte, Ecolabel européen, etc.). Ces établissements représentent environ 9 % du parc total du tourisme social et solidaire.  À titre d’exemple, des villages vacances décident de recourir aux énergies renouvelables et de s’approvisionner de produits du terroir, de ne pas utiliser de pesticides, de sensibiliser les visiteurs à l’environnement en proposant des activités d’éveil à la nature pour les enfants ou en organisant des visites avec des associations de préservation de la biodiversité. 

Contribuer au développement des territoires d’accueil

Avec 89,3 millions de visiteurs étrangers en 2018, la France est la première destination touristique mondiale. La filière représente 8 % du PIB national, 56,2 milliards d’euros de recettes et 2 millions d’emplois directs et indirects (commerce, transports, santé, etc.).

 

Le développement du tourisme social et solidaire est très favorable au développement local, à l’attractivité et au maintien de services de proximité de territoires isolés, avec une majorité d’établissements se situant en milieu rural ou en moyenne montagne. Près de 60 % des établissements sont ainsi situés dans des communes de moins de 3 000 habitants, selon l’UNAT. Avec une politique d’achats locaux, les structures du tourisme social et solidaire créent des revenus pour les commerces et collectivités du territoire – via les budgets achats et transports mais aussi à travers le versement de la taxe de séjour. Les dispositifs de soutien au tourisme, comme les Chèques-Vacances, peuvent démultiplier ces impacts : selon l’Agence nationale pour les Chèques-Vacances (ANCV), 1 € de Chèque-Vacances pourrait ainsi générer 2 à 3 € de dépenses supplémentaires, au bénéfice des opérateurs du tourisme.

 

Le secteur touristique est également pourvoyeur d’emplois : la population salariée est estimée à plus de 12 000 personnes et quelque 60 000 travailleurs saisonniers. La structure de l’emploi y est très diversifiée mais souvent précaire : on y trouve des contrats aidés, des contrats à temps partiel, des CDD et une faible proportion de permanents en CDI.

 

Le secteur du tourisme social et solidaire représentait quant à lui 13 000 équivalents temps plein en 2019, selon l’UNAT, et est considéré comme plus créateur d’emplois que le tourisme « classique ». À ce sujet, l’office de tourisme de Saint-Gervais (Haute Savoie) a conduit une étude démontrant que 15 emplois locaux (directs et indirects) sont générés pour 100 lits, en centres et villages de vacances, contre 6 emplois pour 100 lits, en secteur de droit commun (résidences de tourisme, meublés, hôtels).

 

Cette plus importante création d’emplois dans le secteur du tourisme social et solidaire s’explique en partie par l’ouverture des structures sur des périodes plus longues, souvent au-delà des périodes de vacances, et à leur fort ancrage local. Les activités touristiques, saisonnières et exigeant peu de qualifications, peuvent en outre servir de tremplin pour l’insertion professionnelle.

 

Plus largement, les associations du tourisme social et solidaire participent à la vie locale et au renforcement du tissu socio-économique du territoire d’accueil : elles optimisent la durée d’ouverture des structures et limitent la création de « lits froids » (résidences secondaires, résidences de tourisme délaissées), travaillent avec les partenaires touristiques présents sur la destination et offrant une diversité d’activités, établissent des partenariats avec les collectivités et offices du tourisme. À titre d’exemple, de nombreux centres de vacances mettent leurs équipements à disposition des communes ou des associations locales (salles de restauration, salles de spectacle, etc.).  

 

Si les emprises foncières du tourisme associatif sont fortes dans certains territoires – développement du foncier soutenu dans les années 1960 et 1970 par des politiques volontaristes comme le plan RACINE en Languedoc-Roussillon ou la MIACA sur le littoral aquitain – et ont contribué à ralentir l’artificialisation des zones touristiques remarquables et à limiter la création de « lits froids », ce foncier est soumis à la tension de la plus-value latente de la transformation de certains sites en résidences secondaires ou en résidences de vacances pour publics aisés. 

Thématiques

Tourisme
Lien social Ruralité Transition écologique Tourisme

Abonnez-vous à notre newsletter

Et tenez-vous informé.e.s des actualités de l’Avise et/ou de ses programmes

Sélectionnez la newsletter de votre choix