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Interview
Financer l’ESS

#5 L’investissement dans des fonds à impact : un effet de levier important

Publié le 22 août 2022
Quels sont les objectifs d’impact et les critères de sélection de la Banque des Territoires quand elle investit dans des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) ? De quelle manière les projets soutenus répondent-ils à des enjeux de société majeurs tels que la santé et le vieillissement, l’éducation et l’emploi, la formation ou encore l’économie circulaire ? L’Avise a rencontré les responsables des équipes d’investissement de la Banque des Territoires afin de mieux comprendre comment celle-ci soutient les entreprises de l’ESS. Pour le cinquième volet de cette série d’interviews : rencontre avec Pierre Menet, Responsable du pôle impact Investissements intermédiés.

Partenaire historique de l’Avise depuis sa création en 2002, la Caisse des Dépôts investit depuis plusieurs années dans des entreprises de l’ESS ayant déjà atteint une certaine maturité. Réunies dans le département Cohésion Sociale et Territoriale de la Banque des Territoires, cinq équipes d’investissement s’attellent à sélectionner les projets les plus prometteurs dans différents domaines. Rencontre avec Pierre Menet, Responsable du pôle impact Investissements intermédiés. 

Pourquoi, aux côtés des investissements directs dans des projets à impact, la Banque des territoires réalise-t-elle des investissements intermédiés ? 

L’investissement intermédié, c’est confier des ressources à une société de gestion, pour que cette dernière investisse ces ressources selon une thèse déterminée que nous définissons ensemble. Cela suppose que nous soyons bien alignés, avec les autres investisseurs et la société de gestion, sur l’impact que nous souhaitons avoir. Ce schéma nous permet d’avoir un effet de levier plus important que dans le cadre des investissements directs : avec une participation de l’ordre de 15% dans un fonds, nous sommes capables de rayonner aussi fortement sur la thèse d’investissement et les opérations conduites que lorsqu’on investit directement dans une entreprise à impact avec une participation plus importante.   
La thèse d’investissement est définie de manière générale, par l’adhésion du fonds aux objectifs de développement durable (ODD) de la Banque des Territoires – des ODD qui sont partagés par les autres investisseurs avec lesquels nous co-investissons. Quant à la définition de l’impact, nous demandons à la société de gestion d’élaborer, investissement par investissement, des trajectoires extra-financières pour les entreprises dans lesquelles elle investit la ressource des investisseurs. Il s’agit à la fois d’objectifs généraux – de responsabilité sociale des entreprises notamment – et d’objectifs spécifiques qui rejoignent nos ODD. Par exemple, si le fonds nous fait une promesse d’éducation et de formation, nous nous assurons que le taux de sortie de telle formation certifiante pour trouver un emploi dans les trois mois soit de x la première année et de y la deuxième année et que ce soit croissant. Et si le gérant ne tient pas sa promesse d’impact, nous avons la possibilité de le sanctionner en réduisant sa rémunération (jusqu’à la moitié de cette rémunération).

Quels sont ces fonds à impact et quels types de projet financent-ils ?   

C’est par exemple France impact investissement (France 2i), un fonds dans lequel nous avons co-investi avec la Fondation de France. Pour ce fonds de capital développement (qui intervient donc plutôt dans des deuxièmes et troisièmes tours de financement), qui est géré par la société de gestion Raise, nous avons une clause de partage au profit de la Fondation de France. Cela signifie qu’une fraction des revenus que nous tirons de ce fonds est reversée à la Fondation de France pour soutenir des causes sociales que nous partageons. La moitié des encours des fonds d’impact dans lesquels nous investissons sont assortis d’une clause de partage, entre 10 et 30% des revenus produits bénéficiant ainsi à des causes portées par des fondations ou associations reconnues d’utilité publique. 
Nous déployons aussi le fonds Alliance for impact avec Aviva. Alimenté par un incubateur opéré par La Ruche, ce fonds est destiné à de l’amorçage et du capital investissement de premier tour, du capital-risque. C’est la société de gestion Ventech qui identifie dans l’incubateur des entreprises dont elle pense qu’elles pourront se développer. Sur ce dispositif, j’invite les porteurs de projets en phase d’amorçage à prendre contact avec La Ruche. 
Nous avons également investi dans le fonds de capital développement Green impact growth fund (GIGF) qui est géré par Méridiam. Nous participons aussi au fonds 123 IM Impact Senior, géré par la société de gestion 123 IM en partenariat avec l’association Siel bleu qui promeut l’activité physique auprès des personnes âgées et du personnel dans les Ehpad.   

Quel est le montant investi par la Banque des Territoires dans ces fonds à impact ?

Nous investissons entre 50 et 100 millions d’euros par an dans des fonds. 

Quelle est la place de l’économie sociale et solidaire dans les projets qui sont financés par ces fonds ? 

Tous nos fonds ciblent des entreprises qui ont des objectifs sociaux et qui n’inscrivent pas le profit comme étant leur premier objectif, ce même si cela reste un de leurs objectifs. Ces fonds n’investissent pas dans des entités à but non lucratif, comme des associations, mais dans des entreprises qui ont un impact positif et qui produisent des revenus. Les organismes sans but lucratif sont bénéficiaires des revenus de ces fonds à travers les clauses de partage définies avec la Caisse des Dépôts.
Comme pour les investissements directs du département, notre objectif est d’avoir un impact social, environnemental ou territorial fort. Mais les revenus produits par le fonds doivent permettre de rémunérer un intermédiaire, donc nous demandons une rémunération souvent un peu plus élevée que ce que pourront accepter les lignes d’investissement direct. Ces dernières souscrivent aussi des titres associatifs, des financements sous la forme de prêts ou de dettes à des entités à but non lucratif, alors que nous n’investissons que des fonds propres. 

Votre pôle soutient également des projets via des contrats à impact… 

Dans le cadre des contrats à impact, nous investissons directement dans les projets. Le principe du contrat à impact, c’est que des investisseurs préfinancent les dépenses d’un opérateur social sur une mission souvent innovante que l’État lui délègue, et c’est l’État qui rembourse et rémunère par la suite ces investisseurs selon la réalisation d’objectifs extra-financiers. Si ces objectifs ne sont pas atteints, les investisseurs ne sont pas totalement ou partiellement remboursés et/ou pas rémunérés. Nous avons participé à la première vague des contrats à impact lancée en 2016 par le gouvernement de l’époque et nous nous sommes de nouveau engagés dans des contrats à impact issus des appels à manifestation d’intérêt lancés en 2020 et 2021 par le secrétariat d’État à l’économie sociale, solidaire et responsable. Nous avons signé aujourd’hui, avec l’État et d’autres investisseurs, les contrats à impact de la SCIC Envie Autonomie et de l’association Comme les autres qui portent de très beaux projets. A la Banque des Territoires, nous sommes favorables à l’amplification du recours au contrat à impact, pour favoriser le changement d’échelle de projets dans différents domaines – accompagnement médico-social, économie circulaire, formation certifiante dans des territoires fragiles, insertion par l’activité économique…. Ce développement doit passer par une forme de standardisation des contrats à impact, par une bonne professionnalisation des opérateurs sociaux pour pouvoir attirer plus d’investisseurs sur ces segments et par des architectures comptables et budgétaires publiques favorables à ce type de démarche. 

Sur quel autre sujet portent actuellement les réflexions du pôle ? 

Nous souhaitons approfondir notre capacité à mesurer l’impact, pas seulement au sein de la Banque des Territoires, mais de façon collective. Au-delà des objectifs de développement durable qui sont un peu la grammaire, il nous faut caractériser, documenter cet impact. Et si lorsqu’il s’agit d’impact environnemental, le sujet est bien défriché, lorsque l’on parle d’impact social, chacun a sa vision : il faut donc trouver un moyen de s’accorder sur les grands indicateurs et les méthodologies de mesure. Ce travail est notamment réalisé au sein du groupe de place Finance for tomorrow, auquel nous participons aux côtés d’autres services de la Caisse des Dépôts. 

 A propos de la Banque des Territoires
Créée en 2018, la Banque des Territoires est un des cinq métiers de la Caisse des Dépôts. Elle rassemble dans une même structure les expertises internes à destination des territoires. Porte d’entrée client unique, elle propose des solutions sur mesure de conseil et de financement en prêts et en investissement pour répondre aux besoins des collectivités locales, des organismes de logement social, des entreprises publiques locales et des professions juridiques. Elle s’adresse à tous les territoires, depuis les zones rurales jusqu’aux métropoles, avec l’ambition de lutter contre les inégalités sociales et les fractures territoriales. La Banque des Territoires est déployée dans les 16 directions régionales et les 37 implantations territoriales de la Caisse des Dépôts afin d’être mieux identifiée auprès de ses clients et au plus près d’eux.
Pour des territoires plus attractifs, inclusifs, durables et connectés. www.banquedesterritoires.fr

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Thématiques

Économie sociale et solidaire

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