Interview
Entreprendre dans l'ESS

Créer un habitat partagé : la Maison Bolène

Publié le 29 juin 2022 - Mise à jour le 08 juillet 2022
Le 17 mai 2022, la Communauté Emergence & Accélération, animée par l'Avise, s’est réunie pour échanger sur l’accompagnement à la création de projets d’habitats partagés. Aline Robert et Léna Demengeon partagent leur expérience autour du projet de la Maison Bolène.

Plusieurs membres de la Communauté Emergence & Accélération, réseau national des incubateurs et accélérateurs de l’ESS animé par l’Avise depuis 2015, se sont réunis le 17 mai 2022 pour échanger sur les enjeux d’accompagnement à la création de projets d’habitats partagés. Après une présentation du réseau HAPA (qui vise à développer les projets d’habitat partagé et accompagné) par son co-président Erwan Leduby, Aline Robert, fondatrice et coprésidente de l’association Maison Bolène, et Léna Demengeon, consultante en innovation sociale chez Alter’Incub Auvergne Rhône-Alpes, ont partagé leur retour d’expérience.

Aline, pouvez-vous nous raconter la création de Maison Bolène ?

Maison Bolène est un projet d’habitat partagé et accompagné en Haute-Loire, dans la commune de Craponne-sur-Arzon, qui compte 2 000 habitants mais rayonne sur un bassin de vie de 11 000 habitants. Son objectif est de proposer une solution de logement adapté, financièrement accessible et proche des services et des commerces à une dizaine de personnes âgées de plus de 65 ans, isolées géographiquement et socialement.

Un projet d’habitat inclusif semblait répondre aux besoins de la commune en termes de logement pour les personnes âgées. Je me suis donc rapprochée du réseau HAPA, dont les ressources m’ont permis de définir les bases de mon projet. J’ai eu besoin par la suite d’être accompagnée sur la phase d’ingénierie de projet pour consolider la démarche, créer un collectif et une dynamique citoyenne autour du projet, définir le modèle économique et juridique. J’ai pour cela intégré le programme de pré-incubation d’Alter’Incub, qui accompagne les entrepreneurs à structurer et formaliser leur projet pendant 3 à 6 mois. 

Quel a été l’accompagnement d’Alter’Incub ?

L'accompagnement m’a notamment permis de préciser les besoins des personnes âgées de la commune en termes de logement et d’affiner la réponse proposée : un projet d’habitat inclusif spécifiquement destiné aux personnes âgées isolées, en faible perte d’autonomie (le territoire disposant de peu de solutions pour cette population), proposant des appartements individuels (souhait remonté lors de l’étude), accessibles financièrement (les personnes âgées de Haute Loire disposant de faibles revenus). L’accompagnement m’a également permis de définir les premiers éléments du modèle économique, grâce à un benchmark de projets existants et d’identifier de nouvelles pistes de développement.

Suite à cette première phase, j’ai intégré le programme d’incubation d’Alter’Incub : 12 mois pour expérimenter et mettre en œuvre mon projet. Cela m’a permis de poursuivre le travail sur le modèle économique et financier du projet, de créer l’association et de consolider des partenariats. J’ai également pu bénéficier de deux missions d’expertise : sur la communication (choix du nom, des éléments graphiques, etc.) et sur le volet juridique (modalités de contractualisation avec les partenaires). 

Quelles sont les prochaines étapes du projet ? 

Aujourd’hui, l’association est créée, fonctionnelle, avec un conseil d’administration actif et un groupe projet d’une vingtaine de personnes.  La mairie est très engagée dans l’apport d’un foncier en plein cœur de bourg. Nous avons également noué un partenariat avec Soliha (association qui vise à favoriser l’accès et le maintien dans l’habitat des personnes défavorisées, fragiles et vulnérables), qui se positionne comme maître d’ouvrage du projet, permettant de proposer des logements à loyers modérés. Nous travaillons avec d’autres associations locales sur le projet social et la mobilisation des futurs habitants.

L’association a également été lauréate de l’appel à manifestations d’intérêt « Habitat inclusif dans les Petites Villes de Demain » de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), ce qui nous a permis de développer de nouveaux partenariats, notamment financiers pour le volet immobilier.

Léna, vous avez accompagné Aline et Maison Bolène. Quels sont les principaux enjeux pour la création de ce type de projet ?

  • Surmonter le temps long de maturation du projet
    Le premier enjeu est le temps très long de développement de ces projets : en moyenne 3 à 5 ans entre les premières réflexions et l’ouverture effective du lieu. Il y a donc tout d’abord un manque d’adéquation avec le temps de l’accompagnement, qui est en général au maximum de 18 ou 24 mois : on doit travailler plein de choses dans un temps plus réduit, et parfois très en amont de la réalité du projet. Ensuite, il est difficile de maintenir une dynamique collective sur ce temps long, surtout quand la partie visible du projet (l’ouverture du logement) est 5 ans plus tard ! Que propose-t-on en attendant l’ouverture de l’habitat ? Comment donner de la visibilité à un projet qui n’existe pas encore concrètement ? Il est crucial de penser la vie associative et l’animation du collectif en attendant l’ouverture. Enfin, il y a un fort manque de financement dédié à l‘ingénierie de ces projets dans la phase de leur conception et montage, qui dure pourtant plusieurs années.
     
  • Faciliter l’accès au foncier constructible
    Le second enjeu concerne l’identification du bien qui doit souvent répondre à de multiples contraintes. Dans le cas d’Aline, aucun bâtiment existant ne pouvait correspondre : le bâtiment finalement identifié sera démoli puis reconstruit. Le financement de l’achat, de la rénovation et de la construction est également un fort enjeu et demande des investissements importants, pour lequel trouver des partenaires n’est pas toujours évident. Pour Maison Bolène, le budget pour le projet immobilier est 1,3 millions d’euros, dont 75% des financements sont identifiés. Concernant l’achat, une bonne piste peut-être de se rapprocher des collectivités, qui peuvent parfois accepter de mettre à disposition des bâtiments pour une contribution symbolique. 
     
  • Appuyer la construction d’un projet complexe
    Enfin, le troisième enjeu concerne la technicité de ces projets. Montages immobiliers, montages financiers, portage de la rénovation immobilière (bailleur social, foncière, foncière solidaire, etc.), réglementations pour les établissements recevant du public, etc., les porteurs de projet, comme les chargés d’accompagnement, ne peuvent pas devenir des experts sur tous ces sujets. Il est donc clé de pouvoir mobiliser des partenaires ou prestataires pouvant renforcer ces compétences

 

Pour en savoir plus :
> Découvrez la Communauté Emergence & Accélération et les cartographies des programmes d’accompagnement proposés 
> Découvrez les décryptages de l'Avise « Comment accéder à un local adapté à vos besoins ? » et « Le développement du foncier commercial solidaire »
> Découvrez le cahier pédagogique de la Caisse nationale de la solidarité pour l’autonomie (CNSA) sur l’habitat inclusif (2022)

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