Interview

La Fondation Daniel et Nina Carasso, pour des systèmes alimentaires durables

Publié le 27 avril 2023 - Mise à jour le 04 juillet 2023
Depuis 2010, la Fondation Daniel et Nina Carasso soutient, accompagne et relie les « audacieuses et audacieux » qui font émerger des pratiques plus durables de la graine au compost. Entretien avec Guilhem Soutou, responsable de l’axe Alimentation durable.
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Quels sont les 3 mots-clés qui définiront l’agriculture et l’alimentation durables de demain ? 

L’agriculture et l’alimentation doivent devenir agroécologiques, solidaires et démocratiques !

 

Agroécologique : pour nous, ce terme ne correspond pas à une définition idéologique précise mais plutôt à une direction vers laquelle devrait tendre tout l’appareil de production agricole et agro-alimentaire. Elle n’exclut personne et propose des principes que chacun peut s’approprier : prise en compte du temps long, utilisation de mécanismes écologiques, diversification des productions, etc.

 

Solidaire : il nous paraît essentiel d’intégrer la dimension sociale dans l’acte d’achat, que ce soit au niveau des collectivités pour la restauration collective, des individus, ou des industries agro-alimentaires. Nos achats peuvent contribuer à la création ou au maintien d’emplois locaux, à la lutte contre l’exclusion et la marginalisation des agriculteurs et travailleurs et sont le reflet de nos choix éthiques.

 

Démocratique : nous nous apercevons que beaucoup de décisions sont prises en favorisant l’intérêt privé plutôt que l’intérêt général. Or, appliquer nos principes démocratiques dans toutes les prises de décision est la meilleure garantie d’un équilibre dans les rapports de force entre les différentes parties prenantes. La participation de tous permet de prendre en compte les intérêts du plus grand nombre.

 

Quelles sont, selon vous, les principales évolutions nécessaires pour atteindre des systèmes alimentaires durables ? 

Au sein de la Fondation Daniel et Nina Carasso, nous considérons que l’agriculture et l’alimentation forment un système indissociable, allant de la fourche à la fourchette, et même de la graine jusqu’au compost. Pour faire évoluer ce système, l’ensemble doit changer et donc la société entière doit changer.

 

L’agriculture et l’alimentation jouent un rôle prépondérant dans les grandes problématiques de notre siècle : chute de la biodiversité et réchauffement climatique, problèmes de santé (obésité, maladies cardio-vasculaires, cancers, etc.). Le système alimentaire dans son ensemble participe à 30% des émissions de gaz à effet de serre en France. Mais il peut aussi être porteur de solutions ! Le scénario Afterres2050 de Solagro montre qu’en conjuguant alimentation sobre et production agro-écologique pour l’agriculture, la pêche et l’élevage, il est possible de répondre aux enjeux climatiques, environnementaux, sanitaires et alimentaires du moment.

 

Pour atteindre un système durable, nous devons donc agir sur l’offre et la demande :

 

  • Choisir des modes de production agro-écologiques, compatibles avec la préservation et la restauration de la biodiversité et qui portent en eux des solutions aux enjeux environnementaux. Par exemple, l’initiative 4 pour 1000 part du constat qu’en augmentant de 0,4% par an le stock de carbone dans les sols, on pourrait stopper l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère liée aux activités humaines. 
  • Changer nos pratiques alimentaires. Nous ne pouvons pas continuer à manger comme nous le faisons aujourd’hui sur le long terme. Il faut parvenir à résoudre plusieurs problèmes sanitaires et environnementaux à la fois, en optant pour une consommation plus sobre et raisonnée. Il faut pour cela aller vers une alimentation plus végétalisée, notamment en diminuant notre consommation de viande rouge.

Quels sont les freins à lever pour parvenir à cette transition ? 

Les freins se situent à différentes échelles et chacun a son rôle à jouer dans cette transition : 

 

  • Le financement : les agriculteurs investissent énormément dans leurs appareils de production, bien plus que des entrepreneurs classiques. Or, il existe très peu de financements pour les aider à réaliser ces investissements ou convertir leurs exploitations. Cela demande notamment une modification en profondeur de la Politique agricole commune (PAC) pour pouvoir mieux soutenir les initiatives vertueuses. 
  • La reconnaissance de la plus-value de l’agroécologie pour la société : le marché ne rémunère pas à leur juste valeur les services environnementaux, nutritionnels et sociétaux rendus par les agriculteurs. Aujourd’hui, les produits labellisés agriculture biologique et agro-écologique coûtent plus cher au consommateur que les produits issus de l’agriculture intensive. Pourtant si on intégrait les vrais coûts de l’agriculture intensive pour la société (dépollution des eaux polluées par les pesticides, appauvrissement des sols, etc.) et qu’en parallèle on rémunérait les pratiques vertueuses de l’agriculture durable, nous aurions un alignement des prix entre les produits biologiques et non-biologiques, voire une inversion !  

  • L’information des citoyens : les citoyens doivent contribuer à la transition à travers la demande notamment, mais pour cela, il faut les informer et leur expliquer les conséquences de leurs choix de consommation. Il faut qu’ils puissent avoir confiance dans les règlementations et qu’ils aient accès à une information claire et complète sur les produits qu’ils consomment. 

  • Un changement politique et règlementaire : c’est fondamental. Au niveau européen, la PAC doit évoluer. Elle représente près de la moitié du budget de l’Union Européenne et est une rémunération majeure pour les agriculteurs. Étant donné son poids économique, elle doit absolument prendre en compte ces enjeux agro-écologiques et être un moteur de la transition agricole et alimentaire. La réforme de la PAC en 2021 est clé, car elle nous engagera dans une voie ou dans une autre pour les 7 prochaines années.

Sur ces éléments, l’ESS et l’ensemble des acteurs économiques ont leur rôle à jouer, sur tous les maillons de la chaîne, pour proposer de nouveaux modèles et accompagner le changement des pratiques.  

 

Comment soutenez-vous les projets engagés pour une production agricole durable ? 

Nous soutenons les projets à travers de l’investissement et des subventions, qui sont essentiels pour le développement des initiatives, mais pas suffisants. Nous activons également d’autres leviers très importants : la mise en réseau, la création de liens entre acteurs pour créer des communautés, l’accompagnement des porteurs de projet pour avoir des modèles plus solides et enfin la capitalisation et la communication sur ces pratiques pour inspirer et diffuser les savoir-faire et ainsi accélérer la transition, portée par tous. 

 

Nous participons au changement des pratiques agricoles en diffusant des connaissances sur l’agroécologie et en soutenant des projets de recherche ou de fermes expérimentales, comme le projet de la ferme La Durette dans le pays avignonnais, qui teste des méthodes de production agro-écologiques innovantes. 

 

Nous accompagnons ensuite les publics en précarité à qui la société propose aujourd’hui de se nourrir des invendus des publics solvables. Nous encourageons des expérimentations permettant à ces personnes d’avoir accès à une alimentation saine pour leur santé et la planète et d’éviter une alimentation à deux vitesses.

 

Enfin, nous travaillons avec les entreprises. Beaucoup d’entreprises souhaitent contribuer à la transition sans pour autant mettre en péril leur modèle économique. Elles ont besoin de modèles pour agir. Nous accompagnons leur changement de pratiques, notamment par la mise en place de politiques d’achat responsables ou d’une charte éthique avec leurs fournisseurs. Nous investissons également au capital d’entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui participent à cette transition de manière très active.

 

Ce soutien s'est notamment traduit par la mise en place de deux appels à projets : l’un avec la Fondation de France sur la « Transitions alimentaires et agro-écologiques », pour soutenir la recherche-action menée entre des acteurs de terrain et des chercheurs pour dénouer un problème et partager les solutions identifiées, et l’autre, « Nourrir l’avenir », pour soutenir des innovations sur des sujets émergents.

 

La Fondation Daniel et Nina Carasso 

La Fondation Daniel et Nina Carasso est une fondation familiale sous l’égide de la Fondation de France. Depuis 2010, elle révèle, soutient, accompagne et relie les « audacieuses et audacieux » de l’Alimentation Durable qui font émerger des pratiques plus durables de la graine au compost.

 

>> Découvrir les actions de la fondation sur : www.fondationcarasso.org

Thématiques

Alimentation & agriculture durables Ruralité Transition écologique

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